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lorfqu'il apprit que le Marquis de Saluces envoyé par le Roy de France, pour fucceder au Duc de Nemours en qualité de Viceroy de Naples, étant parti de Genes avec douze gros vaiffeaux de guerre & cinq galeres, venoit d'entrer dans le port de Caïette; & y avoit débarqué près de fix mille hommes d'infanterie Suiffe & Galconne. Par ce nouveau fecours les forces des affiegez fe trouvant prefques égales à celles des affiegeans, tout ce qu'on auroit pû faire eût été de les vaincre en pleine campagne, s'ils fuffent fortis de leurs lignes; mais de pouvoir les forcer dans un pofte auffi bien défendu que celuy qu'ils occupoient, il n'y auroit pas eu moins d'illufion à fe le perfuader, que de témerité à l'entreprendre. Auffi Alegre jugeant qu'il luy feroit honteux de fe tenir fur une fimple défenfive avec de fi'grandes forces, fit faire de frequentes forties fur les affiegeans & toûjours avec fuccès, alla à eux par tranchées, leur enleva divers quartiers, coupa la communication des autres, & contraignit enfin Confalve de s'éloigner d'une lieuë de la place & de changer le fiege en blocus. Après ce premier mouvement, il fit camper fon armée à Mole, qu'on pre

tend avoir été l'ancienne Formie ou Ciceron avoit cette campagne delicieuse, dont il eft parlé fi fouvent dans fes épitres. Quoyque Confalve crût qu'il y alloit de fon honneur'de ne point defifter de fon entreprife, & que de manquer Caïette, ce feroit faire une bréche confiderable à fa réputation, cependant il fe fentoit fort ébranlé par la difficulté extrême qu'il trouvoit à la poursuivre. La flotte de Raveftein qui avoit été repouffée de l'île d'Ifchia, s'étoit jettée entre Caïette & Formie, & les galeres Françoifes qui ne ceffoient de rafer cette côte, incommodoient fort fes gens qui alloient au fourage ou à la petite guerre. Le nombre de fes troupes n'étoit pas peu diminué par les affauts qu'il avoit donnez. Il y avoit perdu quantité d'officiers de diftinction, & entre autres ce brave Hugue de Cardonne, qui venoit de se fignaler par la victoire qu'il avoit remportée fur le Maréchal d'Aubigny. Ik n'y avoit nulle apparence que les François retiraffent une partie de leurs trou. pes de Calette, tant qu'ils le fçauroient dans leur voifinage; ou s'ils le faifoient, celles qu'ils en auroient fait fortir pouvoient fe joindre à quatre ou cinq mille hommes que Louis d'Ars

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avoit à Venoufe, & fes deux corps ainfi réunis, entrer dans le Labour & attaquer Naples, pendant que luy fe trouveroit attaché au fiege d'une autre place de moindre confequence, & dont il pouvoit fans grand rifque remettre le fiege à un autre temps. Toutes ces confiderations faifoient les impreffions qu'elles devoient fur fon ef prit, & il fe trouvoit déja fort difpofé à abandonner tout-à-fait fon premier deffein. Mais ce qui acheva de l'y déterminer, fut la nouvelle qu'il eut de la groffe armée que le Roy de France venoit de faire paffer en Italie, pour fe mettre en poffeffion du Royaume de Naples, & en chaffer tous fes ennemis. Autant que ce Prince étoit porté pour la paix, & qu'il avoit d'impatience à recevoir de la Cour d'Efpagne la ratification du traité fait à Lyon, par l'entremise & en prefence de l'Archiduc, autant Ferdinand differoit-il de l'envoyer, ne fongeant qu'à trouver de mauvais pretextes pour s'excufer de ne l'avoir pas encore fait. Tantôt c'étoit que luy & Ifabelle n'avoient pû encore fe rencontrer dans un même lieu, & que cependant il falloit que cette ratification, comme tous les autres actes publics, fe fît au nom de l'un & de

l'autre ; tantôt qu'ils avoient fur les bras d'autres affaires plus preffantes, qui ne leur permettoient pas de vaquer à celle-cy, avec tout le foin & toute l'attention qu'il falloit y apporter; tantôt qu'ils trouvoient fort étrange que l'Archiduc fe fut comme approprié les païs conteftez entr'eux & les François, n'étant pas encore feur du mariage de fon fils avec la Princeffe de France, à cause du bas âge de tous les deux, & que ce feul article demandoit une longue & meure déliberation. Mais furquoy ils infiftoient le plus, étoit que l'Archiduc avoit excedé fon pouvoir, en concluant la paix à des conditions tres-défavantageufes à l'Efpagne; qu'en luy prêtant leur autorité, ils n'avoient jamais eu deffein de l'abandonner entierement à

fa difpofition; qu'encore que pour luy faire plus d'honneur, ils luy euffent laiffé pleine liberté d'inferer dans ce traité tels articles qu'il jugeroit le plus convenables pour terminer promptement la guerre, il devoit toutefois

s'être reffouvenu des inftructions qu'on luy avoit données, & qu'il fçavoit bien luy même qu'il y avoit diverses chofes fur lesquelles elles limitoient: fon pouvoir. A cela l'Archiduc répon

dit, que les inftructions n'avoient reftreint en quoy que ce fut fa commisfion; qu'au contraire, lorfqu'il étoit fur le point de partir d'Efpagne, Ferdinand & Isabelle luy avoient déclaré expreffement, qu'ils fouhaitoient & vouloient la paix par fa mediation, & avoient tous deux fait ferment qu'ils s'en tiendroient à tout ce qu'il auroit reglé; que toutefois nonobftant une procuration fi ample & fi abfoluë, il n'avoit rien arrêté que de concert avec les deux Miniftres qu'ils luy avoient donnez pour affociez, & après avoir pris leurs avis. Les deux Miniftres Espagnols ne pouvoient difconvenir de ce qu'il avançoit-là, mais ne cherchant qu'à traîner la negociation, ils dirent qu'ils avoient appris par de nouvelles dépêches qui leur étoient venuës depuis peu, que leurs Majeftez Catholiques, ou pour délivrer le Royaume de Naples de toutes vexations, ou peut-être touchées d'un fentiment de juftice & de compaffion pour le Roy Frideric, avoient résolu de travailler à remettre ce Prince fur le trône & en poffeffion de tous fes états; qu'ils ne doutoient point que fa Majefté Tres-Chrêtienne ne voulûr entrer dans un deffein fi loüable, & qui

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