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étant executé par un concours unanime de la France & de l'Efpagne, attireroit les benedictions du ciel fur l'une & l'autre Couronne, & feroit fuivi des applaudiffemens de toute l'Europe. Cet expedient n'étoit point de leur invention, & il eft vray qu'il leur avoit été fuggeré par la Cour d'Efpagne, comme un des derniers moyens pour éluder les preffantes inftances que faifoit Loüis au fujet de la ratification. Il étoit encore moins conforme aux veritables intentions de Ferdinand, qui loin de fonger au rétabliffement de Frideric dans fon Royaume, n'avoit en vûë que de profiter luy feul de toute fa dépouille. Auffi Louis & l'Archiduc n'hefiterent-ils pas un moment à rejetter cette propofition. Loüis, parcequ'il en découvrit d'abord l'arti fice & le mauvais efprit; l'Archiduc, parcequ'elle luy ôtoit tout ce qui luy étoit accordé, & faifoit difparoître de devant les yeux ce haut degré de fortune & de puiffance où il fe proposoit d'élever Charles fon fils. Il fallut donc enfin en venir au dénouement de l'intrigue, & répandre ouvertement un fecret, qui jufques-là n'avoit fait proprement que tranfpirer, qui étoit que les affaires ayant bien changé de

face depuis qu'on avoit ouvert les con férences de la paix, & le ciel s'étant rendu fi favorable aux armes de leurs Majeftez Catholiques, qu'il s'en falloit peu qu'elles n'euffent déja recouvré tout le Royaume de Naples, tous les Grands du Royaume appellez au confeil du Roy & de la Reine, avoient été de fentiment, qu'on ne pouvoit plus s'en tenir au traité de Lyon, & qu'ainfi il falloit ou en changer divers articles, pour le rendre moins préjudiciable à l'Espagne, ou la laiffer en poffeffion de tout ce qu'elle occupoit dans le Royaume de Naples. Cela vouloit dire, que les Rois Catholiques n'avoient confenti à traiter de la paix que pour amufer la France, & que fi les armes Efpagnoles venoient à prévaloir en Italie, & qu'elles y fiffent des progrez confiderables, on étoit bien réfolu à leur Cour de compter pour rien tout ce qui auroit été arrêté aux conferences de Lyon. Loüis outré de l'indignité de cette conduite, qu'il traitoit de mauvaise foy, de perfidie, de parjure, en fit de vifs reproches aux Ambaffadeurs d'Efpagne; que vouloient donc dire leurs Maîtres, & où étoit la fidelité inviolable que des Rois devoient à leur parole; où

étoit la feureté de leurs fermens & de leur religion; où étoient les égards & le refpect que méritoit un Prince auffi fage & auffi plein d'honneur & de probité que l'Archiduc leur gendre &. leur heritier ? luy donner tout pouvoir & tenir pour nul un traité qu'il venoit de faire, en vertu du pouvoir qui luy étoit commis, que fignifioit cela? Vos Maîtres ne veulent point ratifier un acte paffe en leur nom, & moy je le casse & l'annulle de toute mon autorité; ils refufent la paix que nous leur offrons, & moy je leur déclare la guerre, rêfolu d'employer toutes mes forces & toutes mes finances pour la poursuivre avec autant de vigueur que je m'y fens porté par la ju. fte indignation que j'ay contr'eux. Ce fut là leur audience de congé, & les ayant renvoyez avec cette réponse, il leur fit fignifier, qu'il ne vouloit plus ni les entendre ni les voir, & que le plûtôt qu'ils fortiroient de fon Royaume feroit le plus feur pour eux, & le plus agréable pour luy.

Les menaces qu'il leur fit ne furent point de fes éclairs qui s'évaporent en l'air. L'orage les fuivit de près, & ayant commandé quantité de nouvelles levées, pour les joindre à fes vieilles troupes, il en forma cinq armées,

trois de terre & deux de mer, avec lefquelles il réfolut d'attaquer l'Espagne par autant de differens endroits.La premiere, devoit paffer du Milanez au Royaume de Naples,, à quoy l'on faifoit état qu'elle ne trouveroit point d'obftacle confiderable, parceque les Florentins tenoient encore pour la France, que le Pape & le Duc de Valentinois n'ofoient fe déclarer contre, & que Torfy Gouverneur de SaintGermain, promettoit de conferver ce pofte jufqu'à l'arrivée de l'armée que la France envoyoit. La feconde avoit ordre d'entrer pat le Languedoc dans le Rouffillon, & de profiter des correfpondances qu'on avoit entretenuës jufques-là avec les peuples de ce Comté. La troifiéme qui s'affembloit dans la Guyenne, étoit deftinée aufiege de Fontarabie, puis à celuy de faint Sebastien, pour réünir la Biscaye Espagnole à la Françoife après la prife de ces deux places. La quatrième, qui étoit de mer, devoit faire voile vers les côtes de Naples, où l'on prévoyoit que la flotte Efpagnole n'auroit ja mais l'affurance de l'attendre. Enfin la cinquième, navale comme la precedente, & qu'on équipoit à Toulon & à Marseille, étoit commandée pour croifer

croifer fur la Mediterranée, à deffein d'enlever tous les vaiffeaux qu'on envoyeroit au secours de Confalve, & de furprendre quelque place importante fur les côtes de cette mer, fi l'occafion s'en prefentoit. La premiere étoit commandée par Louis de la Trimoüille, tres-illuftre par l'éclat de fon nom, & plus encore par la reputation qu'il s'étoit acquife d'un des plus grands Capitaines que la France eût jamais portez. La feconde, par Alain d'Albret. La troifiéme, par Jean de Foix, Vicomte de Narbonne & beau-frere du Roy. La quatrième, par le Marquis de Saluces, & la cinquième par le Commandeur de Préjan. Peut-être eût il été plus expedient que ces armées fuffent réunies pour fondre toutes ensemble fur le Royaume de Naples, & accabler par la multitude les forces que les Efpagnols y entretenoient. Je fçay qu'un Prince qui fe voit attaqué par plufieurs endroits doit fe mettre en état de faire tête à fes ennemis de tous côtez; mais quand il eft agreffeur & fur l'offenfive, de fçavoir fi un effort auffi redoutable par le nombre que par la vigueur des troupes, & qui porte droit au cœur d'un Etat, ne le conduiroit pas plus Tome II. C

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