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frappe alors fes yeux? il voit un nombre prodigieux de femmes extrémement belles: les unes fe promenent avec une langueur & une - pâleur mortelle fur le vifage, les autres affifes dans des fauteuils, levent au Ciel des yeux baignez de larmes, & femblent l'implorer pour les tirer de l'eftat où elles font; il en voit qui couchées fur des lits, paroiffent affou pies d'un fommeil que des chagrins mortels ont provoqué.

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Celles qui fe promenent font un cry de furprise en voyant entrer Ariobarfane fon fabre nud. L'air martial & même affreux que fes actions ont imprimé fur fon Р

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vifage, épouvante d'abord cette trifte troupe, Ariobarfane remarque leur crainte, il baiffe alors fon fabre, & s'avançant avec douceur, i leur témoigne qu'il n'eft point dans ces lieux pour leur nuire.

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Ces femmes fe raffeurent, un étonnement de joye mê me fuccede à la craintive furprise que d'abord il leur avoit infpirée. Ne craignez rien de moy, leur dit il, ces armes que je porte ne doi vent fervir qu'à vous tirer des malheurs où vous me pa roiffez plongées. A ces mots il ajoûte tout ce qui peut éloigner la crainte de leur cœur, & joint à fon discours le récit de la maniere dont

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il est arrivé dans ces lieux. Ah! Seigneur, s'écrie une de ces femmes à qui il parle, hélas vous eftes perdu, vous ne reverrez plus la lumiere du foleil, & quelque foit voftre valeur vous aurez icy le fort que nous avons toutes. Ne craignez rien pour moy, répondit Ariobarfane, le Ciel veut fans doute que je vous affranchiffe de l'eftat où vous eftes, & que je juge malheureux par ce que vous venez de me dire: mais hâtez vous de m'expliquer ce que fignifie tout ce que je vois, dites-moy dans quels lieux je fuis, & la raifon enfin de tout ce que j'ay ren contré.

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Hiftoire du Magicien.

SCachez, donc, Seigneur,

répondit cette Dame,

que c'eft icy la retraite d'un fameux Magicien & de fa foeur, il y a prés de deux cens ans qu'ils font tous deux retirez dans ces lieux affreux leur Art a rendu com. que me inacceffibles; tous ceux qui font icy vivans, y font du même temps que luy, & malgré la jeuneffe que vous voyez peinte fur les vifages de ces Dames infortunées qui languiffent dans cette fale, & fur le mien même, nous y fommes toutes entrées au même moment que

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nos deux Magiciens. Mais, pour apprendre l'o rigine de nos malheurs, fçachez qu'il y a prés de deux cens ans que regnoit un Sophy de Perfe il eftoit dans le printemps de fon âge, il avoit une extrême paffion pour les femmes, mille Emiffaires difperfez en differens lieux luy en envoyoient tous les jours; jamais Serail ne fut plus remply de beautez que l'eftoit le fien. Hélas! ce malheu-› reux Prince avoit bien de quoy contenter fon humeur amoureufe, fi ce qui eft en noftre pouvoir, quelque beau, quelque precieux qu'il foit, ne perdoit de fon prix dés que nous le poffedons. Il P iij

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