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tois qu'il divertît auffi les autres: mais le deffein de Preface eft venu guinder mon efprit, de maniere que j'ay brifé aux deux écueils ordinaires.

Dieu foit beni, me

voilà délivré d'un grand

fardeau, & j'avouë que je ris du perfonnage que

j'allois faire, fij'avois efté obligé de foûtenir ma Preface. Adieu, j'aime mieux mille fois couper court, que d'ennuyer par trop de longueur. Paffons à l'ouvrage.

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NFIN, mon Cher, je vous tiens parole, voicy le récit de la petite Hiftoire

que je vous avois promife. Ce récit fera fidele, & je vous le donne tel que je l'ay entendu faire, & tel que je l'ay fait moy-même; car vous fçavez que j'eftois du nombre de ceux qui l'ont récité: mais pour vous mettre en

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core mieux au fait, & pour donner à ceux qui liront cecy, raifon des goûts dif ferents dont cette Hiftoire fera écrite, je vais commencer par les chofes qui l'ont occafionnée.

Je partis de Paris il y a quinze jours, par le Caroffe de Voiture, pour me rendre à Nemours où j'avois affaire, comme je faifois ce petit Voyage deux jours aprés la fin du Carnaval, la fatigue des veilles & des plaifirs étoit encore fi récente, que je m'endormis dans le Caroffe la premiere matinée, fans avoir eu la curiofité de re

garder mes Compagnons de voyage: je me réveillay une demie heure avant d'arriver'

à la dînée, & aprés m'eftre bien frotté les yeux, m'eftre étendu entre cuir & chair baillé fous, ma main trois ou quatre fois je tiray ma ta batiere de ma poche pour chaffer par un peu de tabac les reftes importuns de mon affoupiffement. Je la refermois, quand une Dame paffablement belle, ny jeune, ny âgée, mais affez raifon nablement l'un & l'autre (pour juftifier l'amour ou l'indifference qu'on auroit eu pour elle; ) quand cette Da me, dis-je, d'un air doux & & d'un gefte de main afforti, y puifa une prife de tabac; je luy demanday affez inuti lement excufe de ne luy en avoir point prefenté, à peine

B

"

achevois je mon compli ment qu'un Cavalier de noftre Voiture me pria de luy en donner.. Celuy-cy donna aux autres l'envie d'en prendre auffi, chacun puifa; noftre Cocher qui marchoit auprés de la portiere, avança fa main pour en recevoir, le Poftillon le fuivit, de forte qu'à mon réveil je régalay tous les nez de la Voiture. Le tabac, comme on fçait met en train dans l'occafion, auffi-bien que le vin; on fe parla, l'on s'envisagea, & nous arrivâmes à la dînée les meilleurs amis du monde au moyen d'une petite demie heure de connoiffance.

Nous eftions au nombre de cinq; la Dame d'ont j'ay

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