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de retraite noftre Hofteffe, car il n'y avoit qu'une Veu. ve, ne fçavoit que penfer en nous voyant fic elle avoit fçu la Fable, peut-eftre nous eût-elle pris pour des Immortels qui voyageoient noftre Cocher la mit au fait au moment que fon éronnement la rendoit comme immobile. Auriez-vous par un bon Joupé de quoy nous con! foler de nos malheurs, luy dit le bel Efprit, d'un ton bruyant Helas! Meffieurs, répondit la bonne femme: Fay du lard, du lait, caillé &des pommes cuites au four, avec une demie douzaine d'œufs; Quoy, répliqua-t-il, point de poulets, point de dindons ! Non, Monfieur, il y a dans

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le pré voifin une demie douzaine de petits pauffains, qui font avec la Poule & le Coq, voilà tout, dit elle, mais je vous donneray de l'excellent vin de Brie. Il ne manquoit plus que cette liqueur, s'écria nôtre bel Efprit, pour achever le tableau de noftre mifere.

Aprés ces mots, la bonne femme affiftée de huit ou dix enfans & de fa vachere, nous conduifit dans une chambre à deux lits, tapiffée d'ima ges rouffies meublée de

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bancs & d'efcabeaux ; on y voyoit une grande cheminée décarelée; on fe hafta de nous faire du feu, qui s'alluma au vent des enfans, de la mere & de la vachere, qui tous les genoux à terre,

tâchoient, à force de s'enfler les joues, de fuppléer au défaut des foufflets. A vous dire le vray, mon Cher, ils allumerent le feu, & le vent fut fi prodigué, que toute la Compagnie en eut une part, dont nous nous ferions fort bien paffez. Aprés quoy, tous hu

chez fur des bancs ou efca beaux, nous commençâmes des plaintes contre le fort qu'un fervice de lard jaune dans un plat de terre ébreché, interrompit : ce service eftoit fuivi de cinq affiettes de bois dont on nous diftri bua à chacun une; deux enfans morveux & échevelez nous apportoient ce mets. Mangéz, mangez teûjours,

Meffieurs nous dirent-ils aprés, noftre mere vous frit des œufs avec de la ciboule, Jacobva vous apporter du caillé & des pommes cuites, avec un pot plein de vin.

A peine avoient-ils promis ce fecond fervice, qu'effectivement Jacob arriva, chargé de caillé, des pom. mes & du pot de vin; il fuccomboit prefque fous fa charge: il roula une pomme à terre du plat où elles étoient, les enfans la ramafferent avec vîteffe, & la remirent dans le plat avec les autres,barboüillée de cendre & de pouffiere.

La Dame auprés de qui j'eftois mouroit de foif, & demanda un verre; auff-toft un de nos valets partit, qui

revint chargé de trois gobelets de terre, à qui le vin avoit fait une tartre au-de dans. Ah! dit alors la Dame, je ne boiray jamais là-dedans, le cœur me bondit. Ma foy, Madame, luy dis-je, je vous offre mon chapeau, fi vous le trouvez moins rebutant. Ah! répondit-elle, Monfieur, je vous avouë que je le prefere. Auffi-toft dit, auffi-toft fait: J'allay d'abord rinffer mon chapeau, & luy faifant prendre la figure qu'il falloit pour le faire fervir de caffe, je le préfentay à la Dame plein d'eau. Cette maniere de boire originale fit rire la Compagnie, la Dame aprés avoir bû en rit elle-même, & la bonne humeur enfin fucceda

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