à la trifteffe où nous avoit mis la pauvreté du gifte. J'oublie de vous dire que les œufs frits avec de la ciboule arriverent mais ce mets fucculent, fut refervé pour les Dames; elles en fouperent. Noftre repas ne fut pas long; les enfans vinrent deffervir, & mangerent en chemin le reste des mets que noftre appetit avoit refpec té. Nous nous approchâmes auprés du feu, le Cocher entra qui nous apprit que deux de fes chevaux eftoient ma-. lades, qu'une des rouës du malheureux Caroffe eftoit rompuë, & que nous ne devions nous attendre à partir qu'à quatre heures du ma tin ; parce que le Poftillon qu'il avoit envoyé à la Ville prochaine pour remedier à tous ces accidens, ne devoit arriver qu'à cette heure; il eftoit alors approchant onze heures du foir, c'estoit encore cinq grandes heures qui nous reftoient à attendre. Lafpect des lits eftoit un vray remede contre le fommeil,il ne tenta pas un de nous; noftre avanture eftoit fi plaifante, qu'elle nous avoit égayé; noftre vieillard Financier eftoit auprés de la jeune Demoiselle qui n'avoit pû l'éviter; j'estois entre elle & fa mere, &noftre bel efprit faifoit le coin; l'amoureux vieillard fe tuoit d'inventer des complimens glacez glacez pour la jeune Demoi felle à l'entendre parler eut-il efté dans le fumier juf qu'au col, fon bonheur auroit encore efté trop grand, s'il avoit eu cette jeune fille auprés de luy : fon amoureux & burlefque langage nous remit infenfiblement à la converfation que nous faifions dans le Caroffe, & le peu d'apparence que nous puffions dormir, me fit ima giner une forte d'amufement qui pouvoit nous conduire jufqu'au moment du départ. Je propofay à la compagnie pour nous divertir, d'inventer un Roman que chacun de nous continueroit à fon tour, je le commenceray, disje, fi l'on veut, Madame.con D tinuera, Mademoiselle fa fille aprés, & les deux autres Cavaliers acheveront : mon imagination reveilla celle du bel efprit, qui charmé d'avoir de quoy briller, applaudit à ma propofition; la Dame y confentit d'autant plus volontiers, qu'elle eftoit affés conforme à son gouft la jeune Demoiselle dit en riant, qu'elle tiendroit bien fa partie, & qu'el le s'attendoit à nous bien faire rire, & le vieillard amoureux en se tournant de fon cofté, luy dit que l'amour faifant le fujet d'un Roman; il ne pouvoit manquer de réüffir", puifqu'or eftoit auprès d'elle. Au reste, dis-je, comme il ne s'agit on icy que de nous réjouir, rendons l'Hiftoire divertiffante, & pour cela, j'imagine un fu. jet qui pourra fournir des traits plaifans; cependant il ne faut gêner perfonne, & chacun à fon tour pourra continuer le Roman fuivant fon gouft; il fera fufceptible de comique, de tendre, de merveilleux, & mefme fi l'on veut de tragique, c'est bien dit, répondit la Dame, car chacun a fon caractere: morbleu repliqua le financier, il eft bien fâcheux que le plaifir de nous réjouir par une invention plaifante, ne foit point joint à celuy d'avoir du moins dequoy nous rafrai chir agréablement; Mon. fieur, me dit-il en conti |