claffe productive, & de la claffe ftérile.

Il y a cependant une feconde difficulté, plus fubtile, mais qui n'eft pas plus difficile à éclaircir quand on a bien saisi le principe la voici.

Parmi les Ouvriers qui façonnent les matieres premieres, il y en a beaucoup qui travaillent pour les Cultivateurs euxmêmes, non-feulement pour les vêtir, les meubler, les loger; mais encore pour leur fournir même les inftruments propres à leur culture.

La fabrication de ces inftruments est une des conditions préliminaires des récoltes; c'est une des caufes préparatoires de la production. Peut-on l'appeller un travail ftérile? Peut-on ranger celui qui s'en occupe, au rang des fimples Ouvriers de la claffe ftérile? Telle est, Madame, la question dans toute fa force.

Avouez franchement que la folution vous embaraffe un peu. Mais pour la

trouver, prenez d'abord un objet fenfible; par exemple, le Charron qui fait une charrue de labourage: puis, examinez qui eft-ce qui fait la dépenje de la charrue pour l'afer à la terre? Certainement c'eft votre Fermier. C'est donc sa dépense, à lui, qui est productive, non celle du Charron; car votre Fermier lui rembourse tout ce que lui a couté la matiere premiere, & lui paye en outre la façon.

C'eft la dépense qui caractérise la claffe propriétaire & la claffe productive; ils retranchent de leurs jouiffances poffibles pour le moment, & ils en facrifient les objets à la terre pour la rendre fertile, pour aider, provoquer, perfectionner fa fécondité. Par exemple, vous payez des Ouvriers pour étendre votre jardin potager, vous dépenfez une fomme pour rendre le nouveau fol que vous y ajoutez propre aux légumes; voilà une dépenfe productive, qui fe fait à vos frais.

L'Ouvrier même le plus néceffaire aux réparations foncieres, aux avances de premier établissement, & aux avances annuelles de l'exploitation, fait tout le contraire. C'eft aux frais du Cultivateur & du Propriétaire qu'il travaille; il ne fe retranche pas la moindre jouffance actuelle pour la terre & fa production future: bien loin de là, il fe fait payer fa façon, & acquiert parlà des jouiffances qu'il n'auroit pas eues. Distinction trop frappante, & qu'il est impoffible de contefter.

La récolte 1767 étant faite, les Cultivatents & les Propriétaires pourroient employer pour leur bien-être ou leur plaifir particulier, à volonté, toutes les productions, s'il n'y avoit pas de dépenies productives à faire en 1768, pour la récolte de 1769, & fuivantes. C'est en vue de ces productions, & pour les opérer, qu'ils font obligés de prélever, avant tout, de quoi entretenir les avan

ces. Ils font donc dans l'impoffibilité de jouir de la récolte de 1767, comme ils en jouiroient, fi l'année 1768 devoit être la derniere du monde.

Au contraire, les Ouvriers qui s'occupent à fabriquer les inftruments néceffaires aux avances mêmes, jouiffent d'autant, parcequ'ils fe font payer .par les Cultivateurs & les Propriétaires la matiere & la façon.

L'objet de la dépense est donc différent entre les deux claffes Propriétaire & Cultivatrice d'une part, & la claffe ftérile de l'autre ; auffi la maniere ;; d'être payé eft fort différente.

Le Propriétaire & le Cultivateur font payés immédiatement par les bienfaits de la nature, par la fécondité de la terre, par la portion que furajoute la récolte au-delà des femences. La claffe ftérile tout entiere, même quant à la portion d'Ouvriers qui travaillent aux inftrumens aratoires,en eft payée médiatement,

c'est-à dire par le Cultivateur ou Propriétaire. C'est avec lui qu'elle compte, c'eft fur lui qu'elle profite; non avec la nature & fur la fertilité de la terre.

Ainfi, Madame, le Charron & le Maréchal mêmes, qui font une charrue de labour font de la claffe ftérile. 1o. Parcequ'ils operent avec du bois & du fer pour faire une charrue; or, ils n'ont jamais travaillé, ni ne travailleront pour produire ce bois & ce fer. Ils les façonnent, mais ne les ont point recueillis immédiatement des mains de la nature. 2°. Parcequ'ils ne font point la charrue pour l'ufer à leurs propres frais & dépens à une terre labourable; mais au contraire pour la vendre, avec profit, à un Fermier qui l'ufera lui, quand elle fera fienne, parcequ'il l'aura payée. 3o. Enfin,

, parceque ce n'eft pas de la terre elle-même, immédiatement, que ce Charron & ce Maréchal reçoivent le paiement de la charrue; mais médiate