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nous fommes chargés de notre confervation fous peine de fouffrance & de mort. Le dernier degré de févérité de la punition décernée par cette loi fouveraine est supérieur à tout autre intérêt & à toute loi arbitraire.

L'ufage du droit de faire ce qui nous eft avantageux fuppofe néceffairement la connoiffance de ce qui nous eft avantageux. Il eft de l'effence de ce droit d'être éclairé par la réflexion, par le jugement , par l'arithmétique phyfique & morale, par le calcul évident de notre véritable intérêt. Sans quoi, au lieu d'employer nos facultés à faire ce qui nous feroit avantageux, nous les employe rons fouvent à faire ce qui nous feroit nuifible. Alors on ne pourroit pas dire que nous ufaffions de notre droit natu rel; & il existeroit entre le principe de notre conduite & la plûpart de fes effets une groffiere & funefte contradiction, Il est donc fenfible que l'exercice de

notre droit naturel est évidemment & néceffairement déterminé par des caufes abfolues que notre intelligence doit étudier & reconnoître clairement, auxquelles elle eft obligée de fe foumettre exactement, & hors de l'enchaînement defquelles nous ne pouvons faire aucune action licite ni raisonnable.

Le droit aux chofes propres à fa jouiffance exiftoit pour le premier homme. Il existe pour un homme abfolument ifolé. Confidéré même rigoureusement & uniquement dans ce premier point de vue, il précede l'ordre focial, ainfi que tout juste & tout injufte relatifs. Mais dans ce cas comme dans tout autre, il n'en eft pas moins foumis par fon effence aux loix phyfiques de l'ordre naturel & général de l'univers. Dans ce cas, comme dans tout autre, il ne peut être employé fûrement que fous la direction de la raison éclairée. Dans ce cas, comme dans tout autre, il eft affujetti à

des

des bornes différentes de celles du pouvoir physique inftantané de l'individu, & à des régles évidentes & fouveraines, defquelles l'individu ne pourroit s'écarter en aucune façon, qu'à fon propre préjudice.

Un homme exactement feul dans une ifle déferte femble avoir le choix d'agir ou de fe livrer au repos. Mais, comme nous l'avons remarqué, il eft chargé par la nature même de pourvoir à fa confervation fous peine de fouffrance & de mort. A moins qu'il ne foit infenfé, il fe gardera donc bien de refter oifif. Il travaillera pour fe procurer de la pâture & pour établir fa fûreté contre les attaques des autres animaux. Il reconnoîtra même qu'il ne fuffit pas de fatisfaire par un travail paffager au befoin du moment; il cherchera à ramaffer & à conferver des provifions pour fubvenir aux accidens, & pour jouir dans les faifons où la terre refuse fes Eph. 1768. Tom. III.

H

fruits. Autrement il ne feroit pas ufage du droit qu'il à de faire ce qui lui eft avantageux, il ne rempliroit pas le devoir qui lui eft impérieufement prefcrit par la Nature; & l'effet irrésistible d'une loi naturelle le puniroit promptement & févérement de fa négligence.

Si au lieu d'un homme feul, c'étoit plufieurs hommes qui fe rencontrassent dans un pays inculte; il eft certain qu'ils auroient le pouvoir phyfique de fe combattre les uns les autres ; que le plus fort auroit le pouvoir physique d'enlever quelquefois la pâture du plus foible; que deux foibles réunis, que le plus foible même, à la faveur de la rufe, de la furprife, ou de l'adreffe, auroit quelquefois le pouvoir phyfique de vaincre le plus fort, de lui ravir sa proie & même la vie. Mais il eft également certain qu'ils fe garderoient bien de tenir une conduite auff dangereufe,

auffi defordonnée, auffi infructueufe auffi propre à les détourner mutuellement du travail néceffaire pour affurer leur fubfiftance, & dont le péril extrême & palpable feroit auffi vifiblement réciproque. Ils appercevroient d'abord évidemment qu'un tel état de guerre les conduiroit à périr tous à la fin; & qu'en attendant cette fin cruelle, ils feroient tous réduits à mener une vie très miférable, dans laquelle aucun d'eux ne jouiroit, & ne pourroit même espérer de jouir de fon droit de faire ce qui lui feroit avantageux.

Or les hommes n'ont rien de plus intéreffant que de s'affurer la jouiffance de ce droit fondamental. Avertis les uns & les autres par des befoins preffans de de la néceffité d'employer leurs forces phy fiques,afin de pourvoir à leur propre confervation, loin d'en faire ufage pour fe nuire, pour fe détruire réciproquement, le befoin mutuel, la crainte, l'in

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