ceux de la Société, ceux de conventions fixes, ceux de volonté, tous les liens, dis-je, confiftent en droits & en devoirs, & tous partent de cette grande & irréfragable Loi de la propriété de la perfonne. Le fils naît avec un droit aux foins de fon pere, jufqu'à ce qu'il ait acquis par lui-même l'entiere jouiffance de fa perfonne : ce droit l'a voué au devoir filial, qui s'étend en raifon des befoins de fon pere, qui font la mesure des droits du pere, & ceux-ci la mefure des devoirs du fils. Le frere doit fecours au frere, parceque les parties d'un même tout, doivent tendre à se rapprocher, parceque les deux mains gagnent à s'entr'aider. Voilà le droit, voilà le devoir; mais l'une & l'autre fuppofent pleine, entiere & refpective propriété personnelle. Voilà la Loi de nature, & par conféquent la Loi de Société.

Du droit d'affociation à la famille

particuliere où l'homme reçoit la naiffance, nait celui de l'aggrégation à la grande famille, dont cette premiere faifoit partie. L'homme nait avec un droit à la Société, & ne lui doit rien qu'en raifon de la jouiffance de ce droit. La mesure du droit eft celle du devoir. Et quel est le droit qui pourroit équivaloir l'abandon de la propriété de fa fonne? Il n'a donc jamais pû être fupposé avoir renoncé à ce droit que volontairement, fciemment & moyennant une compenfation libre, toutes chofes que n'implique aucunement le devoir de fa naiffance.

per.

Les liens de conventions font embraffés, pour ainfi dire, ainfi dire, dans cette Loi fociale, & tous partent du même point. La Société qui a des droits fur vous, réfultants de fes devoirs envers vous, a affifté, a confenti à votre engagement, foit de mariage, foit d'aggrégation à tel corps particulier. Mais c'est

vous qui difpofez de votre perfonne; la Société n'y prétend d'autre droit que celui de garantie pour le bon ordre & pour l'exécution du pacte refpectif en cas de réclamation. Elle peut bien admettre ou refuser telle ou telle autre forte de convention dans son sein; mais elle ne peut rien ajouter, ni retrancher aux droits & aux devoirs qui résultent de notre naiffance, fans notre confen

tement.

Attenter à ce droit, c'est attenter à la vie; attenter à la vie, est le dernier excès de l'injuftice & de l'inhumanité; c'est anéantir le titre de notre existence, & livrer le genre humain à l'homicide: effacer ces remords & l'idée même du crime au tribunal de la conscience, c'eft fous cet afpect que fe préfente le comble de la corruption & fes horreurs; punition inévitable de ce funefte état de perverfité, où la justice rejettée livre les hommes à la cruauté; où le meurtre

provoque le meurtre; où les plus méchants font les plus expofés aux fureurs de la vengeance, & où l'exercice du pouvoir au mépris des droits est désola

tion.

Vous donc qui voulez appeller & établir des hommes à la culture de vos terres, dites vous d'abord que vous vous propofez deux chofes qui ne peuvent être foumifes qu'à l'empire de la nature, & qu'en cela même, vous péchez, puifque vous empiétez fur fes droits. Ce n'eft pas à vous à défigner aux hommes, que vous voulez affocier à votre Empire, l'emploi de leur perfonne & de leurs moyens. Chaque homme qui met le pied fur vos terres, chaque enfant qui ouvre la paupiere sous votre ciel, eft Roi de fa perfonne, & fouverain arbitre de fon emploi. La nature faura bien, par la loi des befoins, le rappeller à fes devoirs & le conduire où vous voulez le mener; mais ce n'eft

point à vous, ce n'eft point à fon frere, à fon égal, à lui prefcrire la route, à li miter fa marche.

Contentez-vous d'abord de rendre fes droits à la nature, par-tout où s'étend votre autorité; établiffez le regne entier & abfolu de la premiere de fes loix relatives à l'humanité; je veux dire la pleine & immune propriété de la perfonne. Etabliffez ce point d'abord, & bientôt vous verrez redoubler les forces de vos fujets actuels; vous verrez accourir des hommes & des richeffes qui chercheront à l'envi de l'emploi fur des terres privilégiées, & devenues deformais le parvis fructueux du temple de l'ordre focial, & le trône inaltérable de la juftice fuprême.

Et ne m'objectez pas que ce plan de Société platonique, aisé à tracer fur le papier, trouve fur le terrain des obftacles invincibles dans les préjugés nationaux invétérés, dans les priviléges