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habituels, & dégénérés en droits patri moniaux, dans l'oppofition des notables, dans l'abrutiffement du peuple, dans l'horreur des choses nouvelles, dans la méfiance politique de tous les résultats des moralistes: car, je vous répondrois, 1°. Que l'Architecte qui donne le plan d'un édifice régulier, ne vous dit pas pour cela de le faire fortir tout à la fois de terre; mais vous défigne feulement le point fixe & décidé où doit tendre l'ouvrage de chaque jour. 2°. Que le Chapitre des difficultés eft né, pour la plus grande partie, du faux calcul, prefque général, de vouloir toujours réformer par injonction, & presque jamais par l'instruction & par l'exemple.

Prefque tous les Etats actuels ne fe font formés que par des invafions, & par tous actes quelconques réfultants du defir que des Princes ou des Communes eurent d'étendre en toutes manieres leur domination. D'après ce principe, s'il y Cy

a plus d'un patrimone dans chaque Etat, c'eft qu'un feul n'a pas pû tout embraffer: il a retenu tout ce qu'il a pû, & laiffé forcément le reste aux autres; le reste, dis-je, affujetti aux mêmes intentions & aux mêmes accidents. De tout cela, il résulte que par - tout où regne l'injustice, les premiers en exercent la meilleure part à leur prétendu profit. Par-tout donc où l'autorité voudra rétablir l'ordre naturel dans tout fon luftre, elle a dans fes mains de quoi donner l'exemple de la maniere la plus décifive; & ce defappropriement, utile autant qu'édifiant, doublera ses forces & fa puiffance régénératrice.

En un mot, tendez, à tout prix & par tous moyens, à fonder dans vos Etats la premiere loi de nature dans tout fon luftre ; je veux dire la propriété de la perfonne. Nous allons voir l'influence que ce premier pas aura fur les deux autres portions de la propriété,

& les trois ensemble fur la profpérité, la fplendeur, la stabilité & la perpétuité de votre Empire, & fur le bonheur de l'humanité.

Propriété mobiliaire.

La premiere & la principale portion de la propriété, & dont nous venons de traiter, la propriété de la perfonne, eft un pur don de la nature, qui ne l'a reftreinte que par la loi de nos befoins loi décisive de notre emploi; car, sans les befoins, l'homme feroit dans une entiere indépendance, & le maître abfolu de fon état. Les deux autres propriétés font celles de nos acquets: auffi pouvonsnous les tranfmettre, & leur destination ne meurt pas, pour ainfi dire, avec

nous.

Le befoin précede & excite le travail: il en eft l'objet. Le premier travail eft celui de la recherche, qui, dans l'ordre naturel, dut précéder le travail féden

taire & productif. En conféquence, la propriété mobiliaire, don de la nature accordé à la recherche, doit précéder la propriété fonciere, don de la nature accordé au travail fédentaire & productif.

En effet, non-feulement la propriété mobiliaire doit pourvoir aux befoins pendant l'attente des fruits réfultants du travail productif; mais encore elle doit aider à ce travail, dont elle est ainfi doublement l'origine.

Tel eft donc l'ordre de ces deux propriétés, que la propriété mobiliaire précede la propriété fonciere, de même que la propriété perfonnelle les précede néceffairement l'une & l'autre. Sans la propriété personnelle, point d'humanité, point de culte; car Dieu ne veut des brutes que l'hommage machinal de leur instinct, & des tyrans, que leur converfion. Point de Société, point de droits, point de devoirs; & le maître

qui fait fupplicier fon efclave, eft un monftre auffi abominable, auffi criminel, que l'homme efclave qui fupplicie fon oppreffeur.

Sans propriété mobiliaire, point de propriété perfonnelle; puifque l'efclavage n'eft autre chofe que de m'empêcher injustement de pourvoir librement, & autant que je le puis, à mes propres befoins; de s'emparer, par la force, des fruits de mon travail; de disposer de moi, de l'ufage de ma perfonne, & de piller ma richeffe mobiliaire. L'iniquité de toutes ces violences eft connue par le maître pervers qui les exerce fur moi, qui s'en repréfenteroit fincerement toute l'injuftice, & en détesteroit, à bon titre, toute l'atrocité, fi elle s'exerçoit fur lui.

L'homme donc avant l'établissement de la culture, a le droit le plus facré à tout ce qu'il peut acquérir, à tout ce qui lui tombe fous la main qui est à ia bien

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