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Pour parler d'abord des objets les plus fimples de ceux qui font employés en fubfiftances, vous fentez, Madame, en ouvrant un pâté chaud, qu'il ne faut pas confondre le Pâtiffier, avec le Laboureur, dont le bled produífit la farine, avec la Fermiere qui vendit les pigeonneaux, avec celle qui fournit le beurre, avec le Jardinier qui fit venir les artichaux, & le Pêcheur qui prit les écreviffes; vous n'aurez pas plus de peine à difcerner dans un de vos meubles les productions naturelles & les façons, & par conféquent à diftinguer dans votre esprit celui qui a recueilli les matieres premieres des mains de la nature, & celui qui les a façonnées,ou mises dans l'état où vous en faites usage.

Ainfi, Madame, voici trois mots qui ne vous feront pas étrangers, producteur, façonneur, confommateur. Prenez pour exemple votre Othomane : producteurs, ce font les gens qui font valoir

à la Campagne, qui ont recueilli le bois, le crin, la foie, le fer, l'or, les ingrédiens naturels qui fervent aux teintures: voilà les matieres premieres de votre Othomane: façonneurs, c'eft le Menuifier, le Sculpteur, le Doreur, le Fabriquant d'étoffes, & tous fes Ouvriers fubalternes, le Tapiffier & tous les fiens. Le Confommateur, c'eft vous, Madame, qui ufez tout cela & qui en jouiffez.

N°, V.

Des diverfes efpeces de confommations.

En réfléchiffant ainfi, vous devez fentir, Madame, une distinction naturelle entre les diverfes manieres de confommer, dont l'une eft relative aux subfiftances, l'autre aux matieres premieres.

La consommation des fubfiftances est une confommation totale & fubite, celle des matieres premieres employées par l'art eft lente & partielle : on peut dire même tout fimplement que les unes fe

confomment par la jouissance, & les autres s'ufent feulement : c'eft la maniere de parler la plus ordinaire, nous aurons befoin par la fuite de cette diftinction.

Les édifices publics ou privés, font les ouvrages de l'art qui durent le plus; les meubles folides viennent enfuite fur tout ceux qui fatiguent peu, puis les inftruments & vêtements, qui ne font ufés qu'au bout d'un tems plus ou moins long.

Au contraire les alimens, les liqueurs boiffons, les médicamens, les bois à bruler, les parfums & autres femblables fe confomment fur le champ & s'anéantiffent en entier par la jouiffance.

No. V I.

Du trafic & des Trafiquants.

Les productions naturelles qui se confomment en fubfiftances, ou qui s'ufent en ouvrages façonnés, ont fouvent befoin d'être voiturées ou négociées depuis le

lieu de la premiere récolte & de la fabrique, jufqu'aux Confommateurs ; c'està-dire jufqu'à ceux qui les achettent pour s'en nourrir, s'en vêtir, s'en meubler ou s'en amufer.

Vous voyez, Madame, dans un fimple déjeuné, réunies fous vos yeux & fous vos mains les productions de tous les climats & des deux hémispheres. La Chine a vu former ces taffes & ce plateau; ce café naquit en Arabie, le fucre dont vous l'affaifonnez fut cultivé en Amérique par de malheureux Afriquains; le métal de votre cafetiere vient du Potofe; ce lin apporté de Riga, fut façonnée par l'induftrie hollandoife, & nos campagnes ne vous ont fourni que le pain & la crême.

C'est l'art du négoce ou du trafic, qui raffemble ainfi toutes les productions naturelles, plus ou moins façonnées. Le Trafiquant les achette pour les revendre; c'est un miniftere utile. Les fervices

agréables qu'il nous rend, méritent un honnête falaire. C'est un objet dont il faudra nous occuper.

Contentons-nous, quant à préfent, de remarquer une feconde efpece d'hommes agiffants, qui ne s'occupe point directement de la récolte future, qui ne pense point aux travaux productifs, qui ne fait à fes frais ni les réparations foncieres, ni les avances primitives, ni les dépenfes annuelles.

De même que les Ouvriers façonneurs s'occupent des productions naturelles, après la récolte, pour les diviser, les polir, les tailler, les réunir, les affortir; de même, les Trafiquants s'occupent après la naiffance, & fouvent après le façonnement de ces mêmes productions, à les acheter de la main de ceux qui les ont fait naître ou de ceux qui les ont fabriquées, pour les revendre à ceux qui les doivent ufer ou confommer, afin de mériter d'eux un jufte falaire.

No. VII.

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