Ce choix doit du Prélat Noyon Bien échauffer la bile; Un anonyme fit cette épitaphe à M. de Cou langes: Ci-git le gracieux Coulanges: Son nom renferme fes louanges. GASPARD ABEILLE, né à Riez en 1648, mort à Paris en 1718. L'Abbé Abeille étoit un des hommes les plus agréables & les plus répandus de fon tems. Ses ouvrages fuppofent néanmoins un Poëte médiocre, & lui attirerent une infinité de brocards & d'épigrammes. M. l'Abbé Sabatier de Caftres attribue à Raçine l'épigramme suivante. L'originalité des rimes féminines eft très-propre à donner une idée de la pefanteur des vers du Poëte qu'on ridiculise, Abeille, arrivant à Paris, D'abord, pour vivre, vous chantâtes Puis au Théâtre vous lafsâtes Il arriva une aventure des plus fingulieres à fa Tragédie d'Argélie, la premiere qu'il ait donnée. Deux Princeffes parurent d'abord fur le Théâtre. La premiere ouvrit la fcène par ce vers: Vous fouvient-il, ma fœur, du feu Roi notre pere? La feconde Actrice ayant tardé à répondre, un plaifant du parterre répondit: Ma foi! s'il m'en fouvient, il ne m'en fouvient guere, Cela occafionna de fi grands éclats de rire qu'il ne fut pas poffible de continuer la piece. (*) M. le Maréchal de Luxembourg, qui le prit chez lui, & lui donna le titre de fon Secrétaire, L'Abbé Abeille a fait une épître fur la conftance, où la jufteffe fe trouve rarement, fi T'on doit s'en rapporter à l'épigramme de l'Abbé de Chaulieu : Eft-ce Saint-Aulaire, ou Toureille, Votre longue perfévérance A nous donner de méchans vers, L'Abbé Abeille a fait une Tragédie de Caton, qui étoit fi fort au gré du Prince de Conti, qu'il difoit, « que fi le Caton d'Utique refsusci» 'toit, il ne feroit pas plus Caton que le Caton » d'Abeille. " L'Abbé Abeille avoit répandu une épigramme contre les Tyndarides, Tragédie de Danchet; celui-ci fit la fuivante, à l'occafion de fon Ar gélie : Pour déchirer les Tyndarides, Abeille, fillonnant fon front de mille rides Ce Poëte n'eft point un homme vulgaire; Danchet ne publia point cette épigramme; il fe contenta de l'envoyer manufcrite à l'Abbé Abeille, qui n'y répondit que par l'amitié la plus vive, qu'il témoigna toujours depuis à Danchet. Enfin celui-ci ne put s'empêcher un jour de lui dire : « Ah! mon cher Abbé, que j'ai » de regrets & de remords! que vous m'avez » bien puni de mon épigramme! me voilà cor»rigé à perpétuité de la fatyre. » M. Olivier, de l'Académie de Marseille, est auteur de l'épitaphe de l'Abbé Abeille, que Voici : Ci-gît un Auteur peu fêté, Qui crut aller tout droit à l'immortalité : Mais fa gloire & fon corps n'ont qu'une même bierre; Et lorfqu'Abeille on nommera, Dame Poftérité dira: Ma foi! s'il m'en fouyient, il ne m'en fouvient guere. ANTOINE FERRAND, Confeiller à la Cour des Aides de Paris, fa patrie, mort en 1719, âgé de 42 ans. M. Ferrand faifoit joliment de petites chanfons galantes. Il joûta avec J. B. Rouffeau dans l'épigramme & le madrigal. L'un mêloit plus de naturel, de graces, de fineffe & de délicateffe dans les fujets de galanterie; l'autre, plus de force, de recherche, d'imagination & de poéfie, dans les fujets de débauche. La plupart des chanfons de Ferrand ont été mifes fur les airs de clavecin du célebre Couperin. Voici dans quel goût Ferrand écrivoit, & fembloit lutter avec J. B. Rouffeau : D'amour & de mélancolie |