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Epitaphe de Ferrand.

Quel mortel aujourd'hui repose en ce tombeau ?
Le Parnaffe eft en deuil; l'Amour verfe des larmes,
Et veut éteindre fon flambeau.

Thémire fous un voile enfevelit fes charmes;
Thémis fous fon bandeau laiffe couler des pleurs ;
La France, en foupirant, demande fon Catulle;
Apollon regrette un émule ....

Par un feul de tes traits, ô mort! que de malheurs!
Par M. DE BONNEVAL.

GUILLAUME AMPHRIE DE CHAULIEU, né au Château de Fontenai, dans le VexinNormand, en 1639, mort à Paris en 1720.

L'Abbé de Chaulieu, jaloux d'être de l'Académie Françoife, engagea M. le Duc à folliciter en fa faveur. On ne fait comment il avoit déplu à M. de Tourreil, alors Directeur de cette Compagnie; mais on fait que celui-ci voulant anéantir la brigue de M. l'Abbé de Chaulieu, déclara, le jour même de l'élection, que M. le Préfident de Lamoignon fe mettoit fur les rangs. Au seul nom de ce Magiftrat toute la Compagnie fe

tourna de fon côté. Mais le foir de fon élection M. le Duc lui envoya demander secrettement & avec inftance, de remercier, comptant que cela obligeroit l'Académie de revenir à l'Abbé Chaulieu. On fut dans le monde le refus de M. de Lamoignon; mais perfonne n'en connut la cause. Le Roi, pour écarter la honte qui devoit en rejaillir fur l'Académie, jeta les yeux fur M. le Cardinal de Rohan, à qui il fit dire de demander la place, qu'on lui donna auffi-tôt. Ce qui fit oublier que l'Académie avoit pu être dédaignée.

L'Auteur du Temple du Goût a très-bien caractérisé Chaulieu dans les vers fuivans:

Je vis arriver en ce lieu
Le brillant Abbé de Chaulieu,
Qui chantoit en fortant de table.
Il ofoit careffer le Dieu,

D'un air familier, mais aimable.
Sa vive imagination

Prodiguoit, dans fa douce ivreffe,
Des beautés fans correction,

Qui choquoient un peu la justesse,
Et refpiroient la paffion.

Le

par

Le mérite de Chaulieu étoit reconnu dans le pays étranger comme en France. Lorfque fon neveu, Mestre-de-camp de cavalerie, fut bleffé & fait prifonnier du Duc de Savoie, à la bataille de la Marfaille, en 1693, ce Prince eut toutes fortes d'égards pour lui, en confidération de fon oncle. Non-feulement il le fit traiter fes propres Chirurgiens, mais il l'honora luimême de plufieurs vifites. Lorsqu'il fut rétabli, il le renvoya en France, en exigeant pour unique rançon une parole expreffe, que le neveu de l'Abbé de Chaulieu reviendroit paffer l'hiver à fa Cour, puifqu'elle n'avoit jamais eu affez de charmes pour attirer M. l'Abbé de Chaulieu lui-même.

A quatre-vingt-un ans, étant aveugle,

l'Abbé de Chaulieu aimoit Mademoiselle de Launay, ( depuis Madame de Staal) avec la chaleur de la premiere jeunesse. A la morale près, qui est celle d'Epicure, nous n'avons guere dans notre langue de productions plus faciles, plus originales & plus dignes de la lecture des gens de goût, que les ouvrages de cet Ecrivain.

Tome III.

B

Chaulieu étoit éleve de Chapelle. Voltaire l'appelle le premier des Poëtes négligés. « Nous " croyons pouvoir avancer (dit M. de la Bor"de, dans fon très-eftimable ouvrage fur la » mufique) qu'aucun de nos auteurs n'a eu au» tant que lui ce goût de philofophie qu'on » n'avoit point revu depuis Horace. »

Voici un billet de Chaulieu à M. de la Fare, pour l'inviter à fouper avec une Dame de fes

amies:

Ce foir, lorfque la nuit, aux Amans favorable;
Sur les yeux des mortels répand l'aveuglement,
Dans un petit appartement,

Les Graces & l'Amour conduiront ma Maîtresse.

A cet objet de ma tendresse,

De mon cœur partagé rejoins l'autre moitié;
Et donne-moi, ce foir, le plaifir d'être à table
Entre l'amour & l'amitié.

« L'Abbé de Chaulieu (dit Mademoiselle de "Launay, dans fes Mémoires) avoit pour moi » une paffion auffi vive qu'on en peut avoir à » quatre-vingts ans. Ce pauvre Abbé, qui étoit

» aveugle, me prêtoit à fon choix les charmes » les plus propres à le féduire ; & ne comptant

plus fur les fiens, il tâchoit de fe rendre aima"ble, à force de complaifance & d'attention » à prévenir tout ce que je pouvois defirer. Il » n'avoit rien perdu des agrémens de fon efprit; j'en donne pour preuve les vers qu'il m'a " adreffés, qui font, je crois, les derniers qu'il nait faits. Ils commencent ainfi :

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Launay, qui fouverainement, &c.

Je célebre ta victoire, &c.

» Il propofoit fouvent d'ajouter des préfens " à l'encens qu'il m'offroit. Importunée un jour » des vives inftances avec lesquelles il me prioit d'accepter mille pistoles: Je vous conseille » lui dis-jé, en reconnoiffance de vos géné"reufes offres, de n'en pas faire de pareilles à » bien des femmes; vous en trouveriez quel» qu'une qui vous prendroit au mot. Oh! je » fais bien à qui je m'adresse, me dit-il. Cette » réponse naïve me fit rire. »

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