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Brueys difoit que Baron & la Champmeflé avoient fait paffer plus de mauvaises Pieces que tous les faux-monnoyeurs du Royaume.

Après avoir compofé le Grondeur, fe trouvant obligé d'aller faire un tour dans fon pays, où l'appelloit une affaire de famille, il laiffa fon ouvrage aux Comédiens, en les priant d'y faire les corrections qu'ils y jugeroient nécessaires, & de la représenter en fon absence. Les Comédiens y firent de grands changemens. La Piece, qui étoit en cinq actes, fut réduite en trois, & jouée telle qu'elle eft actuellement imprimée. Elle eut un très-heureux fuccès; & cependant l'Auteur, à fon retour, au lieu d'en remercier fes Correcteurs, leur fit des reproches : « Mef» fieurs, leur dit-il avec fa vivacité gafconne, " vous avez mutilé, défiguré ma Comédie, en » voulant la rendre meilleure : j'en avois fait », une pendule, vous en avez fait un tourne"broche. " *

On faifoit l'éloge du Grondeur, dans une

* Palaprat dit la même chose de Brueys.

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compagnie. L'Abbé de Brueys prit la parole, & dit : « Le Grondeur! c'est une bonne Piece. » Le premier acte eft excellent; il est tout de "moi le fecond, couffi, couffi; Palaprat y a "travaillé pour le troifieme, il ne vaut pas le " diable; je l'avois abandonné à ce barbouil"leur. » Palaprat, qui étoit préfent, répondit fur le même ton: « Cé coquin! il mé dépouille "tout lé jour dé cette façon, & mon chien dé " tendre pour lui m'empêche dé mé fâcher. »

NICOLAS DE MALEZIEUX, de l'Académie Françoife, & de celle des Sciences, Chef des Confeils de M. le Duc du Maine, & Chancelier de la Principauté de Dombes, naquit à Paris en 1650, & mourut en 1727.

Il favoit le Grec & le Latin, les Mathématiques, l'Hiftoire, & écrivoit avec beaucoup de facilité en vers & en profe. M. Boffuet & le Duc de Montaufier, chargés par le Roi, de chercher un homme de lettres, pour être mis auprès du Duc du Maine, choifirent M. de Malezieux; & ce choix fut approuvé du public.

Quand fon Éleve fut marié, la Ducheffe du Maine, qui aimoit les Arts & les Lettres, chargea Malezieux de l'inftruire ; & l'on voyoit ce belefprit, un Sophocle ou un Euripide à la main, traduire fur le champ, en françois, les meilleu→ res fcenes de ces Poëtes.

M. de Malezieux fut long-tems l'ame de tous les divertiffemens de Sceaux. Falloit-il imaginer ou ordonner une fête? il étoit lui-même Auteur & Acteur. Les in-promptu couloient chez lui de fource. Mais il faut avouer que s'il avoit ce qu'il falloit pour fe fignaler dans la fociété, il n'avoit pas ce qu'il faut pour imprimer à fes productions ce caractere qui les rend intéreffantes aux yeux du public. Aucun de fes ouvrages imprimés ne l'éleve au-deffus de la médiocrité. Auffi fut-il jaloux de Mademoiselle de Launay, connue depuis fous le nom de Madame de Staal. Il fentoit qu'elle valoit mieux que lui, & ne pouvant lui pardonner fa fupériorité, il ceffa de la fervir auprès de Madame la Ducheffe du Maine fa maîtresse.

On dit qu'un jour les Députés de Dombes furent fort furpris, lorfqu étant venus à Sceaux pour parler à M. de Malezieux, le Suiffe leur dit d'un ton brufque: Vous pouvez pas voir M. le Chancelier; il joue la Comédie.

M. de Malezieux ayant fait une Comédie, intitulée Polichinelle demandant une place à l'Académie, qui fut jouée par les Marionnettes de Brioché, un Académicien oppofa à cette Piece une Comédie, intitulée Arlequin Chancelier; mais celle-ci ne fut ni jouée ni impri

mée.

CLAUDE-FRANÇOIS FRAGUIER, né à Paris en 1666, mort dans la même ville en 1728.

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L'Abbé Fraguier étoit fort connu par fon admiration pour les Anciens. Dans la lecture d'Homere, qu'il avoit recommencée cinq ou fix fois, il lui arriva une chofe, qui, quoique probablement arrivée à la plupart de ceux qui en

ont fait de même leur principale étude, ne laiffe pas de paroître finguliere. Pour mieux retenir, ou pour reconnoître facilement tous les beaux endroits d'Homere, il les foulignoit d'un coup de crayon, dans fon exemplaire, à mefure qu'il les lifoit. A la feconde lecture, il fut furpris de retrouver des beautés qu'il n'avoit pas apperçues dans la premiere, & qui, plus vives encore, fembloient lui reprocher une injufte préférence. Ce fpectacle fe renouvella à la troifieme & à la quatrieme le&ure; & de surprises en surprises, de remarques en remarques, l'ouvrage se trouva prefque fouligné d'un bout à l'autre. Ce n'étoit, felon lui, qu'après avoir éprouvé quelque chose de femblable, qu'on pouvoit parler dignement du Prince des Poëtes.

L'Abbé Fraguier fit un vœu public en latin de lire tous les jours cent vers d'Homere, en réparation des critiques audacieufes de M. de la Mothe.

Le jour que l'Abbé Fraguier fut élu Membre de l'Académie Françoife, l'affemblée n'étoit

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