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verre où il verfa lui-même le vin; lui à qui le defpotisme le plus abfolu auroit pu perfuader que le commun des hommes n'étoit pas de la même nature qu'un Empereur de Ruffie. On peut même penfer qu'il fit naître exprès une occafion de mettre le Pere Sébastien de niveau avec lui.

C'est le Pere Sébastien qui a inventé pour Marly la machine à transporter de gros arbres tout entiers, fans les endommager; de forte que du jour au lendemain Marly changeoit de face, & étoit orné de longues allées d'arbres arrivés la veille.

La réputation dont jouiffoit le Pere Sébaftien, ne le changea pas. M. le Prince difoit, en parlant de lui au Roi, qu'il étoit aussi fimple que fes machines.

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MICHEL BARON, né à Paris en 1652, mort dans la même ville en 1729.

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On rapporte de Baron, qu'étant à la foire de Bourges, où fon pere l'avoit envoyé pour vendre quelques marchandifes, il fut fi charmé de quelques pieces qu'il vit représenter dans cette ville, qu'il alla s'offrir à la troupe qui y jouoit. On l'accepta; & après avoir couru la province pendant quelques années, il vint briller à Paris. Il mourut dans un âge affez avancé, par un accident très-fingulier. Il repréfentoit dans le Cid le rôle de Dom Diegue: en poussant avec le pied son épée, que le Comte de Gormas lui fait tomber, il en rencontra la pointe, qui le bleffa, La gangrene fe mit, au bout de quelques jours, à cette bleffure qu'il avoit négligée. On lui fit entendre qu'il falloit lui couper la jambe; mais il répondit qu'il aimoit mieux mourir, que de fouffrir cette opération, ajoutant qu'un Roi de Théâtre, avec une jambe de bois, fe feroit huer.

Mademoiselle Baron, femme de Michel Baron, étoit la plus belle femme de fon tems. On rapporte que, lorsqu'elle fe préfentoit pour avoir l'honneur de paroître à la toilette de la Reine mere, Sa Majefté difoit à toutes les Dames: Mefdames, voilà la Baron; & elles prenoient la fuite.

Lorfque Racine faifoit répéter fon Andromaque, & qu'il donnoit de l'efprit & de l'intelligence aux Acteurs, il dit à Baron, qui étoit chargé du rôle de Pyrrhus Pour vous, je » n'ai point d'inftruction à vous donner; votre » cœur vous en dira plus que mes leçons n'en "pourroient faire entendre. "

On reprochoir à Baron que, déclamant fur le Théâtre, il tournoit quelquefois le dos au parterre; mais cela ne lui arrivoit que lorsqu'il entendoit parler haut derriere lui; alors il se tournoit vers ces perfonnes, leur déclamoit les vers qu'il avoit à dire, & par là leur imposoit filence. Lorfqu'il vouloit faire honneur à des gens de diftinction ou de mérite, il choififfoit

un des plus beaux endroits de la piece, & le déclamoit en les regardant,

Baron penfoit avantageusement de sa profef fion. « J'ai lu, difoit-il, toutes les hiftoires ❞ anciennes & modernes; j'y trouve que la na"ture a prodigué d'excellens hommes dans "tous les genres: elle femble n'avoir été avare "que de grands Comédiens; il n'y a jamais ❞ eu que Rofcius & moi. »

Boyron étoit fon vrai nom. Il étoit auffi vain qu'excellent Comédien. On prétend qu'il penfa refuser la penfion du Roi, parce que l'Ordonnance portoit : « Payez au nommé Michel Boy"ron, dit Baron, la fomme de, &c.

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L'on félicitoit un jour Baron fur les belles connoiffances que fon fils fe faifoit dans le grand monde, & fur-tout parmi les Dames; & fur ce qu'on ajouta qu'un fils tel que celui-là ne pou¬ voit que lui faire honneur: « Point du tout, » répliqua-t-il'; c'est un maraud qui ne vaudrą

» jamais rien. J'ai fait ce que j'ai pu pour le "corriger de fes mauvaises habitudes, & en " faire un joli homme; mais il s'amuse avec » cette diableffe de Defmarres. Le coquin qu'il eft ignore que les gens, tels que nous, ne font que pour être fur les genoux des Reines " ou des Princeffes. "

" faits

Baron n'entroit jamais fur la fcène, qu'après s'être mis dans l'efprit & dans le mouvement de fon rôle. Il y avoit telle piece, où, au fond du Théâtre & derriere les couliffes, il fe battoit pour ainfi dire les flancs pour se paffionner. Il apoftrophoit, avec aigreur & injurieusement, tout ce qui fe trouvoit fous fa main, de valets, & même de camarades de l'un & l'autre fexe, jufqu'à ne point ménager les termes; & il appelloit cela, respecter le Parterre. Il ne se montroit en effet à lui, qu'avec je ne fais quelle altération de fes traits, & avec ces expreffions muettes, qui étoient comme l'ébauche du caractere de fes différens perfonnages.

Après la belle campagne de Dénain, tout le

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