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Je trouve encore quelques Théologiens qui fe figurent qu'en décriant ces propofitions, j'ai eu en vue de les décrier eux-mêmes, je déclare que cette fauffe idée qu'ils ont de moi, ne fauroit venir que des mauvais artifices de l'Equivoque, qui pour fe venger des injures que je lui dis dans ma Piéce, s'efforce d'intéresfer dans fa caufe ces Théologiens, en me faifant penfer ce que je n'ai pas penfe, & dire ce que je n'ai point dit. Voilà ce me femble bien des paroles, & peut-être trop de paroles emploïées pour juftifier un auffi peu confiderable Ouvrage qu'est la Satire qu'on va voir. Avant néanmoins que de finir je ne croi pas me pouvoir difpenfer d'apprendre aux Lecteurs, qu'en attaquant, comme je fais dans ma Satire ces erreurs, je ne me fuis point fié à mes feules lumières; mais qu'ainfi que je l'ai pratiqué, il y a environ dix ans, à l'égard de mon Epitre de l'Amour de Dieu, j'ai non feulement confulté fur mon Ouvrage tout ce que je connois de plus habiles Docteurs mais que je l'ai donné à éxaminer au Prélat de l'Eglife qui, par l'étendue de fes connoiffances & par l'Eminence de fa dignité, eft le plus capable & le plus en droit de me preferire ce que je dois penfer fur ces matières. Je veux dire à M. le Cardinal de Noailles, mon Archevêque. J'ajouterai, que ce pieux & Savant Cardinal a eu trois semaines ma Satire entre les mains, qu'à mes inftantes prières, après l'avoir lûë & relûë plus d'une fois, il me l'a enfin renduë, en me comblant d'éloges, & m'a affuré qu'il n'y avoit trouvé à redire qu'un feul mot, que j'ai corrigé fur le champ, & fur lequel je lui ai donné une entière fatisfaction. Je me flate donc qu'avec une approbation fi authentique, fi fûre, &fi glorieufe, je puis marcher la tête levée, & dire hardiment des critiques qu'on pourra faire deformais contre la doctrine de mon Ouvrage, que ce ne fauroient être que de vaines fubtilitez d'un tas de miférables fophiftes formez dans l'Ecole du menfonge, & auffi affi dez amis de l'Equivoque, qu'opiniâtres ennemis de Dieu, du bon fens & de la Vérité,

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SUR

L'EQUIVO QUE

On vient de voir dans le difcours précedent ce qui a donné lieu à la compofition de cette Satire. L'Equivoque n'eft point prife ici dans la rigueur de fa fignification grammaticale, mais pour tou tes fortes d'ambiguite de fens, de penfees ou d'expreffions qui font fouvent prendre une chofe pour une autre. Cette Piéce fut compofée en 1705.

D

U langage François bifarre Hermaphrodite,

De quel gente te faire, Equivoque maudite? Ou maudit; car fans peine aux Rimeurs hazardeux -L'ufage encor, je croi, laiffe le choix des deux. s Tu ne me répons rien. Sors d'ici, Fourbe infigne, Mâle auffi dangereux que femelle maligne, Qui crois rendre innocens les difcours impofteurs; Tourment des Ecrivains, jufte effroi des Lecteurs ;→ Par qui de mots confus fans ceffe embaraflée 10 Ma plume, en écrivant, cherche en vain ma pensée. Laiffe-moi, va charmer de tes vains agrémens, Les yeux faux & gâtez de tes louches amans Et ne viens point ici de ton ombre groffiere Enveloper mon ftile ami de la lumiere.i 15 Tu fais bien que jamais chez toi, dans mes difcours Je n'ai d'un faux brillant emprunté le fecours. Fui donc. Mais non, demeure; un Démon qui m'infpire

Veut qu'encore une utile & derniere Satire,

De ce pas en mon livre exprimant tes noirceurs, 10 Se vienne, en nombre pair, joindre à fes Onze Sœurs ;

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Et je fens que ta vûë échauffe mon audace. Viens, aproche: Voïons, malgré l'âge & fa glace, Si ma Mufe aujourd'hui fortant de fa langueur, Pourra trouver encor un rèfte de vigueur. 15 Mais où tend, dira-t-on, ce projet fantastique ? Ne vaudroit-il pas mieux dans mes vers, moins cauftique,

Répandre de tes jeux le fel réjouiffant,

Que d'aller contre toi fur ce ton menaçant Pouffer jusqu'à l'excès ma critique boutade? 30 Je ferois mieux, j'entens, d'imiter Benferade. C'eft par lui qu'autrefois mife en fon plus beau jour, Tu fus, trompant les yeux du Peuple & de la Cour, Leur faire à la faveur de tes bluettes folles, Goûter comme bons mots tes quolibets frivoles. 35 Mais ce n'eft plus le tems. Le Public détrompé, D'un pareil enjoûment ne fe fent plus frappé. Tes bons mots autrefois délices des ruelles, Approuvez chez les Grands, applaudis chez les Belles, Hors de mode aujourd'hui chez nos plus froids ba

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40 Sont des collets montez & des vertugadins.
Le Lecteur ne fait plus admirer dans Voiture
De ton froid jeu de mots l'infipide figure.
C'est à regret qu'on voit cet Auteur fi charmant,
Et pour mille beaux traits vantez fi justement,
45 Chez toi toujours cherchant quelque finesse aiguë,
Préfenter au Lecteur fa penfée ambiguë,
Et souvent du faux fens d'un proverbe affecté,
Faire de fon difcours la piquante, beauté.

Mais laiffons-là le tort qu'à fes brillans Ouvrages so Fit le plat agrément de tes vains badinages. Parlons des maux fans fin que ton fens de travers, Source de toute erreur, fema dans l'Univers :

Et pour les contempler jusques dans leur naiffance, Dès le tems nouveau-né, quand la Toute-Puiffance 55 D'un mot forma le Ciel, l'air, la terre & les flots ̧ N'est-ce pas toi, voyant le monde à peine éclos, Qui par l'éclat trompeur d'une funefte pomme, Et tes mots ambigus, fis croire au premier homme, Qu'il alloit en goûtant de ce morceau fatal, 60 Comblé de tout favoir, à Dieu se rendre égal ? Il en fit fur le champ la folle experience. Mais tout ce qu'il acquit de nouvelle science, Fut que trifte & honteux de voir la nudité, Il fut qu'il n'étoit plus, grace à fa vanité, 65 Qu'un chétif animal pêtri d'un peu de terre,

A qui la faim, la foif, par - tout faifoient la guerre,

Vers 40. Sont des Collets-gadins étoient anciennement monte,& des Vertugadins.] des piéces de l'habillement des Les Collets-pontez & les Vertu femmes.

Et qui courant toujours de malheur en malheur, A la mort arrivoit enfin par la douleur. Oui, de tes noirs complots & de ta trifte rage 7o Le genre humain perdu fut le premier ouvrage. Et bien que l'homme alors parût si rabaissé, Par toi contre le Ciel un orgueil infenfé, Armant de ses neveux la gigantefque engeance; Dieu réfolut enfin terrible en fa vengeance, 75 D'abîmer fous les eaux tous ces audacieux. Mais avant qu'il lâchât les éclufes des Cieux, Par un fils de Noé fatalement fauvée,

Tu fus, comme ferpent, dans l'Arche confervée, Er d'abord pourfuivant tes projets suspendus 80 Chez les Mortels reftans, encor tout éperdus, De nouveau tu femas tes captieux mensonges, Et remplis leurs efprits de fables & de fonges. Tes voiles offufquant leurs yeux de toutes parts, Dieu difparut lui-même à leurs troubles regards. $5 Alors tout ne fut plus que ftupide ignorance, Qu'impieté fans borne en fon extravagance. Puis de cent dogmes faux la Superstition, Répandant l'idolâtre & folle illufion,

Sur la terre en tous lieux difpofée à les fuivre, \ 90 L'art fe tailla des Dieux d'or, d'argent & de cuivre, Et l'Artifan lui-même humblement profterné Aux pieds du vain métal par fa main façonné, Lui demanda les biens, la fanté, la fagesse; Le monde fut rempli de Dieux de toute espece, 95 On vit le peuple fou, qui du Nil boit les eaux,

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