EPITRES EPITRE I AU ROI. L'Auteur dépeint dans cette Epître les douceurs & les avantages de la Paix. Cette Piéce fut composée en 1669, pour Seconder les intentions de M. Colbert, qui toujours attentif au progrès des Arts & des Sciences, voioit avec peine que le Roi pensoit à rompre la Paix qui avoit été heureusement conclue à Aix-laChapelle l'année précedente. RAND ROI, c'eft vainement qu'ab jurant la Satire, Pour Toi feul deformais j'avois fait vœu d'écrire. Dès que je prens la plume, Apollon éperdu Semble me dire: Arrête, infenfé, que fais-tu ?5 Sais-tu dans quels périls aujourd'hui tu t'engages? Cette mer où tu cours eft célébre en naufrages. Vers 3, Dès que je prens la plume, Apollon éperdu, &c.] Virgil. Eclog. 1o. Cum canerem reges & pralia, Cynthius aurem Vellit, & admonuit. Ce n'est pas qu'aisément, comme un autre, à Ton char Je ne pûffe attacher Alexandre & Céfar; Qu'aifément je ne pûffe en quelque Ode infipide, 10 T'éxalter aux dépens & de Mars & d'Alcide: Te livrer le Bofphore, & d'un vers incivil Propofer au Sultan de te ceder le Nil. Mais pour Te bien loüer, une raison févére Me dit qu'il faut fortir de la route vulgaire : 15 Qu'après avoir joüé tant d'Auteurs différens, Phébus même auroit peur, s'il entroit fur les rangs : Que par des vers tout neufs, avoüez du Parnasse, Il faut de mes dégoûts justifier l'audace; Et fi ma Muse enfin n'eft égale à mon Roi, 20 Que je prête aux Cotins des armes contre moi. Eft-ce là cet Auteur, l'effroi de la Pucelle, Qui devoit des bons vers nous tracer le modelle, Ce Cenfeur, diront-ils, qui nous réformoit tous? Quoi? ce Critique affreux n'en fait pas plus que nous. 25 N'avons-nous pas cent fois, en faveur de la France, Comme lui, dans nos vers, pris Memphis & Byzance; Sur les bords de l'Euphrate abbatu le Turban, Et coupé, pour rimer, les Cédres du Liban? De quel front aujourd'hui vient-il fur nos brisées, 30 Se revêtir encor de nos phrases usées ? Que répondrois-je alors? Honteux & rebuté J'aurois beau me complaire en ma propre beauté, Vers 21. l'effroi de la Pucelle. ] Poëme de Chapelain. Dans ce vers & les deux précedens, l'Auteur fe moque des Vers 28. Et compé, pour ri- mauvais Imitateurs de Malles Cedres du Liban. ] | herbe, Et de mes triftes vers admirateur unique, Plaindre en les relifant l'ignorance publique. as Quelque orgueil en fecret dont s'aveugle un Auteur, Il eft fâcheux, GRAND ROI, de fe voir fans Lecteur; Et d'aller du récit de Ta gloire immortelle Je laiffe aux plus hardis l'honneur de la carriére Malgré moi toutefois, un mouvement fecret fo N'ose le fuivre aux champs de Lille & de Bruxelle, Sans le chercher aux bords de l'Efcaut & du Rhin, La paix l'offre à mes yeux plus calme & plus ferein. Oui, GRAND RO 1, laiffons-là les fiéges, les batailles. Qu'un autre aille en rimant renverfer des murailles; Vers 38. Habiller chez Fransœur le fucre & la Canelle. Claude Julienne, dit Francaur, fameux Epicier, qui demeuroit dans la rue S. Honoré, devant la Croix du Ti roir. le filence prudent. ] Valentin Conrart » Académicien célé bre, qui n'a prefque rien fait imprimer. Vers 50. De Lille & de Bruxelle. La campagne de Flandres, faite par le Roi, en Vers 40. J'imite de Cpnrart 1 1667. 55 Et fouvent fur Tes pas marchant fans Ton aveu, nous ? Du refte des Latins la conquête eft facile. 70 Sans doute on les peut vaincre : Eft-ce tout. La Sicile De là nous tend les bras, & bien-tôt fans effort'. Syracufe reçoit nos vaiffeaux dans fon port, Bornez-vous là vos pas? Dès que nous l'aurons prife, Il ne faut qu'un bon vent, & Carthage eft conquise. Vers 61. Pourquoi ces Elé-xandre, parceque Plutarque phans, &c.] Ce Dialogue entre Pyrrhus & Cinéas, eft tiré de Plutarque, dans la Vie de Pyrrhus. raporte que ceux qui voïoient l'ardeur de Pyrrhus dans les combats, difoient qu'il faifoit revivre Alexandre; & qu'au lieu que les autres Rois n'imitoient ce Conquerant que par les habits de pourpre, par les Vers 64. Confeiller très-fenfe &c.] Pyrrhus convenoit, qu'il avoit conquis moins de Villes par fes armes, que par l'élo-gardes, par le panchement du quence de Cinéas. cou & par un haut ton de voix; Pyrrhus le repréfentoit par fa valeur & par fes belles actions. Vie de Pyrrhus. Vers 67. Et digne feulement d'Alexandre ou de vous. ] Le Poëte compare Pyrrhus à Alé 75 Les chemins font ouverts: qui peut nous arrêter? Je vous entens, Seigneur, nous allons tout dompter. Nous allons traverser les fables de Libie, Affervir en paffant l'Egypte, l'Arabie, Courir delà le Gange en de nouveaux païs, 80 Faire trembler le Scythe aux bords du Tanaïs : Et ranger fous nos loix tout ce vafte Hémisphére. Mais de retour enfin, que prétendez-vous faire? Alors, cher Cinéas, victorieux, contens Nous pourrons rire à l'aife, & prendre du bon tems. 85 Hé, Seigneur, dès ce jour, fans fortir de l'Epire, Du matin jusqu'au foir qui vous défend de rire ? Le confeil étoit fage, & facile à goûter. Pirrhus vivoit heureux s'il eût pû l'écouter: Mais à l'ambition d'oppofer la Prudence, 90 C'eft aux Prélats de Cour prêcher la réfidence. Ce n'eft pas que mon cœur du travail ennemi, Approuve un Faineant fur le Trône endormi. Mais quelques vains lauriers que promette la Guerre, On peut être Héros fans ravager la Terre. 95 Il est plus d'une gloire. En vain aux Conquerans L'Erreur parmi les Rois donne les premiers rangs. Entre les grands Héros ce font les plus vulgaires. Chaque fiécle eft fécond en heureux Téméraires. Chaque Climat produit des favoris de Mars. 100 La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Céfars. On a vû mille fois des fanges Méotides Sortir des Conquerans, Goths, Vandales, Gépides. Vers 101. On a vú mille fois | Palus, ou Marais Méotide, des fanges Méotides, &c.] Le nommé maintenant la Mer de |