. Et fût même au difcours de la Rufticité Donner de l'élégance & de la dignité; Un Ouvrage, en un mot, qui jufte en rous fes termes, Sût plaire à Daguesseau, füt fatisfaire Termes; ƒƒ Sût, dis-je, contenter en paroiffant au jour, Ce qu'ont d'Efprits plus fins & la Ville & la Cour. Bien-tôt de ce travail revenu sec & pâle, Et le teint plus jauni que de vingt ans de hâle : Tu dirois, reprenant ta pelle & ton râteau ; 60 J'aime mieux mettre encor cent arpens au Niveau, Que d'aller follement, égaré dans les nuës Me laffer à chercher des vifions cornue's; Et pour lier des mots fi mal s'entr'accordans, Prendre dans ce Jardin la Lune avec les dents. 65 Approche donc, & vien; qu'un Pareffeux t'ap prenne, Antoine, ce que c'est que fatigue, & que peine. L'Homme ici-bas, toujours inquiet, & gêné, Eft, dans le repos même, au travail condamné. La fatigue l'y fuit. C'est en vain qu'aux Poëtes. 70 Les neuf trompeuses Soeurs, dans leurs douces retraites, Promettent du repos fous leurs ombrages frais: Vers 54. Sút plaire à Dagueffeau, &c.] Henri-François Dagueffeau, alors Avocat Général au Parlement de Paris,enfuite Procureur Général, aujourd'hui Chancelier de France, Ibid. La Cadence auffi-tôt, la Rime, la Céfure, La riche Expreffion, la nombreuse Mesure, 75 Sorcieres, dont l'amour fait d'abord les charmer, De fatigues fans fin viennent les confumer. Sans ceffe pourfuivant ces fugitives Fées, On voit fous les Lauriers haleter les Orphées. Leur Esprit toutefois fe plaît en fon tourment, 89 Et fe fait de fa peine un noble amusement. Mais je ne trouve point de fatigue fi rude, Que l'ennuïeux loifir d'un Mortel fans étude, Qui jamais ne fortant de fa ftupidité, Soûtient dans les langueurs de fon oifiveté, 85 D'une lâche Indolence efclave volontaire, Le pénible fardeau de n'avoir rien à faire. Vainement offufqué de fes penfers épais, Loin du trouble & du bruit il croit trouver la paix. Vers 98. Guenaud, Rainffant, | Médecins de Paris. Chez l'indigne Mortel courent tous s'affembler, 100 De travaux douloureux le viennent accabler, Sur le duvet d'un Lit, théatre de fes gênes, Lui font fcier des Rocs, lui font fendre des Chênes, Et le mettent au point d'envier ton emploi. Reconnois donc, Antoine, & conclus avec moi, 105 Que la Pauvreté mâle, active & vigilante, Eft, parmi les travaux, moins laffe & plus contente, Que la Richeffe oifive au fein des Voluptez. Je te vais fur cela prouver deux véritez. L'une que le travail aux Hommes nécessaire, 110 Fait leur félicité, plutôt que leur misere ; Et l'autre qu'il n'eft point de Coupable en repos. C'est ce qu'il faut ici montrer en peu de mots. Sui-moi donc. Mais je voi, fur ce début de prône, Que ta bouche déja s'ouvre large d'une aune; $15 Et que les yeux fermez tu baiffe le menton. Ma foi le plus fûr eft de finir ce sermon. Auffi-bien j'apperçoi ces Melons qui t'attendent, Et ces Fleurs, qui là-bas entre elles fe demandent ; S'il eft fête au Village; & pour quel Saint nouveau t20 On les laiffe aujourd'hui fi long-tems manquer d'eau, EPITRE XII A MONSIEUR L'ABBÉ RENAUDOT Le fujet de cette Epitre eft l'AMOUR DE DIEU. Le def fein de l'Auteur en traitant cette matiere, a été de faire voir que la Poefie, que bien des perfonnes regardent comme un amufement frivole peut traiter les fujets les plus relever. En effet, le Poëte foutient ici les fentimens de la plus faine Théologie fur l'Amour de Dieu, avec une vigueur & une noblesse dignes de fon fujet. DOCTs Abbé, tu dis vrai, l'Homme au crime attaché, En vain, fans aimer Dieu, croit fortir du péché. Toutefois, n'en déplaise aux transports frénétiques Du fougueux Moine auteur des troubles Germaniques, 5 Des tourmens de l'enfer la falutaire Peur N'eft pas toujours l'effet d'une noire vapeur, Vers 1. Dolte Abbé. ] On ne doutera pas que cette Epithéte ne foit dûe à Meffire Eufebe Renaudot, Prieur de Froflay en Bretagne, & de S. Chriftophe de Châteaufort, l'un des Quarante de l'Académie Françoife, & Membre de celles des Infcriptions & Belles Lettres. Les preuves de fa profonde érudition fe voient dans les deux volumes qu'il a publiés fur la Perpétuité de la Foi, pour fervir d'addition à l'Ouvrage de M. Arnauld. Prevenu par la mort le 1. Septembre 1720. il n'a pu donner au Public beaucoup d'autres ouvrages fur des matieres également fçavantes. Il a été regardé com me un des premiers hommes de fon fiécle par la connoif fance profonde qu'il avoit des Langues Etrangeres, & furtout des Langues Orientales. Il étoit lié d'une étroite amitié avec M. Defpreaux, à la gloi re duquel il s'intérefloit parti culierement. Vers 4. Du fougueux Moine &c.] Luther. Qui de remo:ds fans fruit agitant le Coupable, Aux yeux de Dieu le rende encor plus haïffable. Cette utile fraïeur propre à nous pénétrer,. 10 Vient fouvent de la Grace en nous prête d'entrer, Qui veut dans notre coeur fe rendre la plus forte, Et, pour le faire ouvrir, déja frappe à la porte. Si le pécheur pouffé de ce faint mouvement, Reconnoiffant fon crime, afpire au Sacrément, Is Souvent Dieu tout à coup d'un vrai zéle l'enflame. Doit être l'heureux fruit de notre repentance. Non, quoi que l'Ignorance enfeigne fur ce point, Dieu ne fait jamais grace à qui ne l'aime point. 35 A le chercher la Peur nous dispose & nous aide: Mais il ne vient jamais, que l'Amour ne succéde. |