Imágenes de páginas
PDF
EPUB

170 Non.Mais pour décider, que l'Homme, qu'un Chrétien Eft obligé d'aimer l'unique Auteur du bien,

Le Dieu qui le nourrit, le Dieu qui le fit naître,
Qui nous vint par fa mort donner un fecond être,
Faut-il avoir reçû le bonnet Doctoral;

Ayoir extrait Gamache, Ifambert & Du Val?. 175 Dieu dans fon livre faint, fans chercher d'autre Ouvrage,

Ne l'a-t-il pas écrit lui-même à chaque page? De vains Docteurs encore, ô prodige honteux! Oferont nous en faire un Probléme douteux ! Viendront traiter d'erreur, digne de l'anathéme, 180 L'indifpenfable Loi d'aimer Dieu pour lui-même ; Et par un Dogme faux dans nos jours enfanté, Des devoirs du Chrétien raier la Charité !

Si j'allois confulter chez eux le moins sévére, Et lui difois: Un fils doit-il aimer fon pere? 185 Ah! peut-on en douter, diroit-il brufquement ? Et quand je leur demande en ce même moment: L'Homme ouvrage d'un Dieu feul bon, & feul aimable,

Doit-il aimer ce Dieu fon Pere véritable? 190 Leur plus rigide Auteur n'ofe le décider, Et craint en l'affirmant de fe trop hazarder. Je ne m'en puis défendre; il faut que je t'écrive La Figure bizarre, & pourtant affez vive,

Vers 174. Gamache, Ifambert, & Du Val. ] Philip pe Gamache, Nicolas Ifambert, & André Du Val, trois célébies Docteurs de Sorbonne,

& Profeffeurs en Théologie dont les Ouvrages font impri mez. Ils vivoient dans le XVII, Siècle.

Que je fus l'autre jour emploïer dans fon lieu,

[ocr errors]

Et qui déconcerta ces ennemis de Dieu.
195 Au sujet d'un Ecrit qu'on nous venoit de lire,
Un d'entr'eux m'infulta, fur ce que j'ofai dire,
Qu'il faut pour être abfous d'un crime confessé,
Avoir pour Dieu du moins un Amour commencé.
Ce Dogme, me dit-il, eft un pur Calvinisme.
200 O Ciel! me voilà donc dans l'erreur, dans le schisme,'
Et partant réprouvé. Mais, poursuivis-je alors;
Quand Dieu viendra juger les Vivans & les Morts,
Et des humbles Agneaux, objet de sa tendresse,
Séparera des Boucs la troupe pécheresse,

205 A tous il nous dira févére, ou gracieux,
Ce qui nous fit impurs ou justes à ses yeux.
Selon Vous donc, à Mọi réprouvé, bouc infame;
Va brûler, dira-t-il, en l'éternelle flamme,
Malheureux, qui foûtins que l'Homme dût m'ai-

mer;

210 Et qui fur ce fujet, trop promt à déclamer,
Prétendis, qu'il falloit, pour fléchir ma justice,
Que le Pécheur, touché de l'horreur de fon vice,
De quelque ardeur pour moi fentît les mouvemens,
Et gardât le premier de mes Commandemens.
215 Dieu, fi je vous en croi, me tiendra ce langage.
Mais à Vous, tendre Agneau, son plus cher héritage,
Orthodoxe ennemi d'un Dogme fi blâmé,
Venez, yous dira-t-il, Venez mon Bien-aimé :

Vous, qui dans les détours de vos raisons fubtiles

220 Embarrassant les mots d'un des plus faints Conciles> Avez délivré l'homme. O l'utile Docteur !

De l'importun fardeau d'aimer son Créateur. Entrez au Ciel, Venez, comblé de mes loüanges, Du befoin d'aimer Dieu defabuser les Anges. 225 A de tels mots, fi Dieu pouvoit les prononcer,

Pour moi je répondrois, je croi, sans l'offenser:
O! que pour vous mon cœur moins dur, & moins
farouche,

Seigneur, n'a-t-il, hélas! parlé comme ma bouche?
Ce feroit ma réponse à ce Dieu fulminant.
230 Mais Vous, de fes douceurs objet fortfurprenant,
Je ne fai pas comment, ferme en votre Doctrine,
Des ironiques mots de fa bouche divine

235

Vous pourriez, fans rougeur, & fans confufion,
Soûtenir l'amertume, & la dérifion.

L'audace du Docteur, par ce difcours frapée,
Demeura fans replique à ma Profopopée.
Il fortit tout à coup, & murmurant tout bas-
Quelques termes d'aigreur que je n'entendis pas,
S'en alla chez Binsfeld, ou chez Bafile Ponce,
240 Sur l'heure à mes raisons chercher une réponse.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

L'ART

POËTIQUE.

« AnteriorContinuar »