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A.

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Cette Satire a été faite en l'année 1667. Elle contient le récit d'un Feftin, donné par un Homme d'un goût faux & extrava◄ gant, qui fe pique néanmoins de rafiner fur la bonne chere. Horace dans la Satire VIII. du Livre 2. fait pareillement le récit d'un repas ridicule: & Regnier, dans fa dixiéme Satire, l'a auffi imité.

Q

UEL fujet inconnu vous trouble & vous altère?

D'où vous vient aujourd'hui cet air fombre & fevére,

Et ce visage enfin plus pâle qu'un Rentier, A l'aspect d'un arrêt qui retranche un quartier ? s Qu'eft devenu ce teint, dont la couleur fleurie Sembloit d'ortolans feuls, & de bifques nourrie. Où la joie en fon luftre attiroit les regards, Et le vin en rubis brilloit de toutes parts? Qui vous a pû plonger dans cette humeur chagrine? ro A-t-on par quelque Edit réformé la cuisine ? Ou quelque longue pluie, inondant vos vallons? A-t-elle fait couler vos vins & vos melons ? Répondez donc enfin, ou bien je me retire. P. Ah! de grace, un moment, fouffrez que je refpire. 15 Je fors de chez un Fat, qui, pour m'empoifonner, Je penfe, exprès chez lui m'a forcé de dîner.

Vers 1. A. Cette lettre, qui eft au commencement du premier vers, fignifie l'Auditeur, ou celui qui interroge; & la lettre P. qui eft devant le quatorziéme vers dénote le Poëte.

Vers 4. A l'afpect d'un arrêt qui retranche un quartier ? ] En 1664. le Roi fuprima un quartier des rentes confti tuées fur l'Hôtel de Vil le.

Je l'avois bien prévû. Depuis près d'une année, J'éludois tous les jours fa poursuite obstinée. Mais hier il m'aborde, & me ferrant la main : 20 Ah! Monsieur, m'a-t-il dit, je vous attens demain. N'y manquez pas au moins. J'ai quatorze bouteilles D'un vin vieux...Boucingo n'en a point de pareilles: Et je gagerois bien que chez le Commandeur, Villandri priseroit fa féve, & fa verdeur. 25 Moliere avec Tartuffe y doit jouer fon rôle : Et Lambert, qui plus eft, ma donné fa parole. C'est tout dire en un mot, & vous le connoiffez. Quoi Lambert? Oui, Lambert. A demain. C'eft affez.

Ce matin donc, féduit par fa vaine promeffe, 30 J'y cours, midi fonnant, au sortir de la Meffe. A peine étois-je entré, que ravi de me voir, Mon Homme, en m'embraffant, m'eft venu recevoir, En montrant à mes yeux une allegresse entiere, Nous n'avons, m'a-t-il dit, ni Lambert ni Moliere:

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Chez le Commandeur, ] Jacques de Souvré, Commandeur de S. Jean de Latran, & enfuite Grand Prieur de France. Il étoit fils du Maréchal de Souvré Gouverneur de Louis XIIII. & Oncle de Madame de Louvois.

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tat,Gentilhomme de la Chambre du Roi.

Vers 25. Moliere avec Tartuffe.] La Comédie du Tartuffe avoit été défenduë en ce tems-là, & tout le monde vouloit avoir Moliere pour la lui entendre reciter.

au

Vers 26. Et Lambert, qui plus eft,] Michel Lambert, fameux Muficien, que l'on regardoit comme l'inventeur du beau chant. Il mourut à Paris, Vers 24. Villandri priferoit.] mois de Juin 1696. âgé de 87. Mr. de Villandri étoit fils deans. Son corps a été mis dans Baltazar le Breton, Seigneur le tombeau de Jean-Baptiste de Villandri, Confeiller d'E- Lulli fon Gendre.

35 Mais puifque je vous voi, je me tiens trop content
Vous êtes un brave homme : Entrez. On vous attend.
A ces mots, mais trop tard, reconnoissant ma faute,
Je le fuis en tremblant dans une chambre haute,
Où malgré les volets le Soleil irrité
40 Formoit un poësle ardent au milieu de l'Eté.
Le couvert étoit mis dans ce Lieu de plaifance,
Où j'ai trouvé d'abord pour toute connoissance,
Deux nobles Campagnards, grands lecteurs de Ro-

mans,

Qui m'ont dit tout Cirus dans leurs longs complimens. 45 J'enrageois. Cependant on apporte un potage. Un coq y paroiffoit en pompeux équipage, Qui changeant fur ce plat & d'état & de nom, par tous les Conviez s'eft appellé chapon.

Deux affiettes fuivoient, dont l'une étoit ornée
jo D'une langue en ragoût de perfil couronnée:
L'autre d'un godiveau tout brûlé par dehors,
Dont un beurre gluant inondoit tous les bords.
On s'affied: mais d'abord, notre Troupe ferrée
Tenoit à peine au tour d'une table quarrée:
ss Où chacun malgré foi, l'un fur l'autre porté,
Faifoit un tour à gauche, & mangeoit de côté.
Jugez en cet état fi je pouvois me plaire,
Moi qui ne compte rien ni le vin, ni la chére,
Si l'on n'eft plus au large affis en un feftin,
60 Qu'aux Sermons de Caffagne, ou de l'Abbé Cotin.
Vers 60. Qu'aux Sermons de
Caffagne, on de l'Abbé Cotin.]
Jacques Caflagne, de la Ville

de Nifmes, fut reçu à l'Aca démie Françoise en l'année 1661, & mourut au mois de

Notre

Notre Hôte, cependant, s'adreffant à la Troupe: Que vous semble, a-t-il dit, du goût de cette soupe? Sentez-vous le citron, dont on a mis le jus,

Avec des jaunes d'oeufs mêlez dans du verjus! 65 Ma foi, vive Mignot, & tout ce qu'il apprête! Les cheveux cependant me dreffoient à la tête : Car Mignot, c'est tout dire, & dans le monde en

rier,

Jamais empoisonneur ne fut mieux fon métier. J'approuvois tout pourtant de la mine & du gefte, 70 Penfant qu'au moins le vin dût reparer le refte. Pour m'en éclaircir donc ; j'en demande. Et d'abord, Un laquais effronté m'apporte un rouge-bord

Mai 1679. Charles Cotin,Parifien, étoit auffi de 'Academie Françoife dès l'année 1656. & mourut au mois de Janvier

1682.

Vers 65. Ma foi, vive Mignot, &c.] Jacques Mignot, Patiffier-Traitteur, demeuroit dans la rue de la Harpe, visà-vis la rue Percée. Il avoit la Charge de Maître Queux de la Maifon du Roi, & celle d'Ecuïer de la bouche de la Reine: ainfi il crut qu'il étoit de fon honneur de ne pas fouffrir qu'on traitát d'Empoifonneur, un Officier comme lui. Il don na fa plainte à M. Deffita, Lieutenant Criminel, contre l'Auteur des Satires; mais ni ce Magiftrat, ni M. de Riants, Procureur du Roi, ne voulu rent recevoir la plainte de Mignet ils le renvoierent, en diTant que l'injure dont il fe

Tome I.

plaignoit, n'étoit qu'une plai-
fanterie dont il devoit rire
tout le premier. Cette raison;
bien loin de l'appaifer, ne fit
qu'iri iter fa colere: & voiant
qu'il ne pouvoit efperer de fa-
tisfaction par la voie de la Ju-
ftice, il réfolut de fe faire ju-
ftice lui-même. Pour cet effet
il s'avifa d'un expedient tout
nouveau. Mignot avoit la ré-
putation de faire d'excellens
Bifcuits, & tout Paris en en-
voioit querir chez lui. Il fut
que l'Abbé Cotin avoit fait
une Satire contre M. Despréaux
leur Ennemi commun. Mignot
la fit imprimer à fes dépens;
& quand on venoit acheter des
bifcuits, il les envelopoit dans
la feuille qui contenoit la Sati-
re imprimée, afin de la répan-
dre dans le Public: affociant
ainfi fes talens à ceux de l'Ab-
bé Cotia,

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SATIRE III.

D'un Auvernat fameux, qui mêlé de Lignage; 75 Se vendoit chez Crenet, pour vin de l'Hermitage;

Et qui rouge & vermeil, mais fade & doucereux, N'avoit rien qu'un goût plat, & qu'un déboire affreux. A peine ai-je fenti cette liqueur traîtresse, Que de ces vins mêlez j'ai reconnu l'adresse. Toutefois avec l'eau que j'y mets à foison, Bo J'efperois adoucir la force du poison.

Mais qui l'auroit penfé? pour comble de difgrace, Par le chaud qu'il faifoit nous n'avions point de glace. Point de glace, bon Dieu! dans le fort de l'Eté ! Au mois de Juin! Pour moi, j'étois fi tranfporté, 85 Que donnant de fureur tout le festin au Diable, Je me fuis vû vingt fois prêt à quitter la table; Et dût-on m'appeller & fatafque & bouru, J'allois fortir enfin, quand le rôt a paru.

Sur un liévre flanqué de fix poulets étiques, 90 S'élevoient trois lapins, animaux domestiques, Qui dès leur tendre enfance élevez dans Paris, Sentoient encor le chou dont ils furent nourris. Autour de cet amas de viandes entaffées, Regnoit un long cordon d'aloüetes preffées,

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Vers 73. D'un Auvernat fu- | du pont Notre-Dame, meux, qui mêlé de Lignage.] Vers 74. Pour vin de L'Auvernat ou Auvernas, & l'Hermitage.] Il croît fur un le Lignage vins peu eftimés qui côteau fitué dans le Dauphiné, troiflent aux environs d'or proche la ville de Thain, fur le Jeans. rivage du Rhône, vis-à-vis de Vers 74. Se vendoit chez Cre-Tournon. Sur ce côteau il y a net.] Fameux Marchand de un Hermitage qui a donné fon via, qui tenoit le Cabaret de nom au terroir, & au vin qui la Pomme de Pin, vis-à-vis y vient, l'Eglife de la Magdelaine, près

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