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Pour tant d'heureux bienfaits, les Mufes réverées Furent d'un jufte encens dans la Gréce honorées 165 Et leur Art, attirant le culte des Mortels,

A fa gloire en cent lieux vit dreffer des Autels.
Mais enfin l'Indigence amenant la Baffeffe,
Le Parnaffe oublia fa premiére nobleffe.

Un vil amour du gain infectant les Esprits,
170 De mensonges groffiers foüilla tous les Ecrits
Et par tout enfantant mille ouvrages frivoles,
Trafiqua du difcours, & vendit les paroles.

Ne vous flétriffez point par un vice si bas. Si l'or feul a pour vous d'invincibles appas, 175 Fuïez ces lieux charmans qu'arrofe le Permeffe.

Ce n'est point fur fes bords qu'habite la Richesse.
Aux plus favans Auteurs, comme aux plus grands
Guerriers

Apollon ne promet qu'un nom & des lauriers.

Mais, quoi ? dans la difette une Muse affamée, 180 Ne peut pas, dira-t-on, subsister de fumée. Un Auteur, qui preffé d'un befoin importun, Le foir entend crier fes entrailles à jeun, Goute peu d'Hélicon les douces promenades. Horace a bû fon faoul, quand il voit les Ménades; 185 Et libre du fouci qui trouble Colletet,

N'attend pas, pour dîner, le fuccès d'un Sonnet,
Il est vrai : mais enfin cette affreuse difgrace
Rarement parmi nous afflige le Parnaffe.

Vers 184. Horace a bû son faoul, &c.] Juvenal Satire 7 . vers 59%

Satur eft cùm dicit Horatius, bet

Et que craindre en ce fiécle, où toujours les beaux

Arts

190 D'un Aftre favorable éprouvent les regards: Où d'un Prince éclairé la fage prévoïance Fait par tout au Merite ignorer l'indigence?

Muses, dictez la Gloire à tous vos Nourriffons.
Son nom vaut mieux pour eux, que toutes vos leçons.
195 Que Corneille, pour lui rallumant fon audace
Soit encor le Corneille & du Cid & d'Horace.
Que Racine, enfantant des miracles nouveaux,
De fes Heros fur lui forme tous les tableaux.
Que de fon nom, chanté par la bouche des Belles,
200 Benferade en tous lieux amufe les ruelles.

Que Segrais dans l'Eglogue en charme les Forêts.
Que pour lui l'Epigramme aiguile tous les traits.

notre Auteur publia fon Art poëtique; Car, après les Rondeaux, il n'auroit plus ofé citer Benferade comme un Poëte galant, chanté par la bouche des Belles. Il fut reçu à l'Académie Françoise en 1674. & mourut

en 1691.

Vers 201. Que Segrais dans

Vers 200. Benferade.. amufe les ruelles.] Mr. De Benferade s'étoit acquis à la Cour une réputation fort brillante par fes vers galans & par les chanfons; mais fur-tout par les vers qu'il faifoit pour les perfonnes de la Cour, qui danfoient dans les Ballets du Roi; car dans ces vers il confon-Eglogue.] Segrais s'est parti doit, d'une maniére fort ingénieufe, le caractére des Perfonnes, avec celui des Perfonna. ges qu'elles repréfentoient, Mais il étoit tellement borné à ce talent, que fi-tôt qu'il a voulu l'abandonner il n'a plus été le même. En effet, les Métamorphofes d'Ovide qu'il mit en Rondeaux, furent l'écueil de fa réputation. Elles n'a voient pas encore paru quand

culiérement diftingué par des Eglogues, & par un Poëme Paftoral fous le titre d'Athis; dans lefquels il a parfaitement exprimé cette douce & ingénieu, fe fimplicité qui fait le principal caractére de l'Eglogue. Jean Renaud de Segrais de l'A, cadémie Françoife, mourat dans la ville de Caën, sa pa trie, le 25. de Mars 1701

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Mais quel heureux Auteur, dans une autre Eneide

Aux bords du Rhin tremblant conduira cet Alcide? 205 Quelle favante Lyre au bruit de fes exploits, Fera marcher encor les rochers & les bois : Chantera le Batave éperdu dans l'orage, Soi-même fe noïant pour fortir du naufrage: Dira les bataillons fous Maftricht enterrez, 210 Dans ces affreux affauts du Soleil éclairez ?

Mais tandis que je parle, une Gloire nouvelle Vers ce Vainqueur rapide aux Alpes vous appelle. Déja Dôle & Salins fous le joug ont ploïé. Besançon fume encor fur fon Roc foudroïé. 215 Où font ces grands Guerriers, dont les fatales ligues Devoient à ce torrent opposer tant de digues?

Vers 208. Soi-même fe noïant pour fortir du naufrage.] Après le paffage du Rhin le Roi s'étoit rendu maître de prefque. toute la Hollande; & Amfterdam même fe difpofoit à lui envoïer fes clés. Les Hollandois, pour fauver le refte de leur pais, n'eurent d'autre reffource que de le fubmerger entiérement, en lâchant leurs éclufes.

Vers 209. Dira les bataillons fous Maftricht enterre, &c.] Maftricht étoit une des Places les plus considérables qui reftoient aux Hollandois, après les pertes qu'ils avoient faites en 1672. Le Roi en fit le fiége en perfonne; & après plufieurs affauts donnez en plein jour, & dans lesquels on avoit emporté tous les déhors l'épée à la main, cette forte

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Belançon fume encor. ] Ce font les trois principales Villes de la FrancheComté, dont le Roi fe rendit le maître en Pannée 1674. Beançon fut affiégé & pris au mois de May: Dole & Sa lins fe rendirent le mois fuivam. Le Roi avoit déja conquis une autre fois cette Pro vince, en 1668.

Vers 215. Où font ces grands Gwerriers, dont les fatales ltgues.] La Ligue étoit compofée de l'Empereur, des Rois d'Efpagne & de Danemarck, de la Hollande & de toute Allemagne, excepté les Ducs de Baviere & d'Hanover.

Eft-ce encore, en fuïant, qu'ils penfent l'arrêter, Fiers du honteux honneur d'avoir fû l'éviter ? Que de remparts détruits : que de Villes forcées! 120 Que de moiffons de gloire en courant amaffées! Auteurs, pour les chanter, redoublez vos transports. Le fujet ne veut pas de vulgaires efforts.

Pour moi, qui jufqu'ici nourri dans la Satire, N'ofe encor manier la Trompette & la Lyre: 225 Vous me verrez pourtant, dans ce champ glorieux, Vous animer du moins de la voix & des yeux : Vous offrir ces leçons, que ma Mufe au Parnafse ̧ Rapporta, jeune encor, du commerce d'Horace; Seconder votre ardeur, échauffer vos Esprits, 130 Et vous montrer de loin la couronne & le prix. Mais auffi pardonnez fi, plein de ce beau zéle, De tous vos pas fameux obfervateur fidéle, Quelquefois du bon or je fépare le faux; Et des Auteurs groffiers j'attaque les défauts: 135 Cenfeur un peu facheux, mais fouvent néceffaire; Plus enclin à blamer, que favant à bien faire.

Vers 218. Fiers du honteux bonneur de l'avoir évité. ] Montécuculli, Général de l'Armée d'Allemagne pour les Alliez, évita le combat, & s'applaudit de la retraite avantageufe qu'il avoit faite.

Quos opimus. Fallere & effugere, ef triumphus;

dit Annibal, dans Horace, parlant des Romains. L. 4. Ode 4. v. [1.

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