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95 Et fur les bords du plat, fix pigeons étależ
Préfentoient pour renfort leurs fqueléres brûlez.
A côté de ce plat paroiffoient deux falades,
L'une de pourpier jaune, & l'autre d'herbes fades,
Dont l'huile de fort loin faififfoit l'odorat,
100 Et nageoit dans des flots de vinaigre rofat.
Tous mes Sots à l'inftant changeant de contenance,
Ont loué du feftin la fuperbe ordonnance:
Tandis que mon Faquin, qui fe voïoit priser,
Avec un ris moqueur les prioit d'excufer.
105 Sur tout certain Hableur, à la gueule affamée,
Qui vint à ce festin conduit par la fumée,
Et qui s'eft dit Profès dans l'ordre des Côteaux,
A fait en bien mangeant, l'éloge des morceaux.

Vers 107. Dans l'ordre des Côteaux.]Les Côteaux : ce nom fut donné à trois grands Seigneurs tenant table,qui étoient partagez fur l'eftime qu'on devoit faire des vins des Côteaux qui font aux environs de Rheims. Ils avoient chacun leurs partifans: Je ne puis m'oter de l efprit dit le P. Bouhours ] qu'on n'entendra pas un jour l'Auteur des Satires, dans la defcription de fon Feftin.

Sur tout certain Hableur,&c. ,,Je me fuis même mis en tête [continue le P. Bouhours] ,, que les Commentateurs fe

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tourmenteront fort pour expliquer ce Profès dans l'ordre des Côteaux, & qu'on pour ra bien le corriger en lifant, Profes dans l'Ordre de Cif teaux; par la raifon que l'Ordre des Côteaux ne fe trouvera point dans l'Hiftoire Ecclefiaftique, & que les gens de ce tems-là ne fau ,,ront pas que cet Ordre n'é toit qu'une Socicté de fins Débauchez, qui vouloient le vin qu'ils bûvoient, fût d'un certain côteau; & qu'on les appelloit pour cela, les Côteaux.

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Vers 96. Leurs fquelétes brûlez.] Horace, dans fon récit d'un feftin ridicule, applique aux Merlés, ce que notre Auteur dit ici des Pigeons :

-Tum pectore adusto

Vidimus & Merulas poni. Lu 2. Sat. 8.

2

Je riois de le voir, avec sa mine étique,' 110 Son rabat jadis blanc, & fa perruque antique, En lapins de garenne ériger nos clapiers,

Et

nos pigeons Cauchois en fuperbes ramiers; Et pour flater notre Hôte, obfervant son visage, Composer fur les yeux fon gefte & fon langage. ses 115 Quand notre Hôte charmé, m'avisant fur ce point, Qu'avez-vous donc, dit-il, que vous ne mangez point? Je vous trouve aujourd'hui l'ame toute inquiette, Et les morceaux entiers reftent fur votre affiette. Aimez-vous la muscade ? On en a mis par tout. 20 Ah! Monfieur,ces poulets font d'un merveilleux goût. Ces pigeons font dodus, mangez fur ma parole. J'aime à voir aux lapins cette chair blanche & molle, Ma foi, tout eft paffable, il le faut confeifer; Et Mignot aujourd'hui s'eft voulu furpaffer. 125 Quand on parle de fauce, il faut qu'on y raffine. Pour moi j'aime fur tout que le poivre y domine. J'en fuis fourni, Dieu fait, & j'ai tout Pelletier Roulé dans mon office en cornets de papier. A tous ces beaux difcours, j'étois comme une pierre, Ou comme la Statue eft au feftin de Pierre;

130

Vers 111. En lapins de Garenne ériger nos clapiers,] On appelle ordinairement Clapiers. les Lapins domeftiques.

Vers 112. Et nos pigeons Cauchois en fuperbes Ramiers. ] Pigeons Cauchois font de gros Pi"geons; & ce mot de Cauchois, eft venu de Normandie, à caufe que les Pigeons de Caux font plus gros que les autres,

Ramier Sorte de Pigeon fauvage qui perche fur les branches des arbres: ce que les Pigeons domeftiques ne font pas.

Vers 130. On comme la Sta. tue et au feftin de Pierre. 1 Le feftin de Pierre eft une Piéce de Théatre dont le fujet nous a été apporté en France par les Comédiens Italiens, qui l'on

Et fans dire un feul mot, j'avalois au hazard
Quelque aîle de poulet dont j'arrachois le lard.

Cependant mon Hableur, avec une voix haute,
Porte à mes Campagnards la fanté de notre Hôte:
135 Qui tous deux pleins de joie, en jettant un grand cri,
Avec un rouge- bord acceptent fon deffi.
Un'fi galant exploit réveillant tout le monde,
On a porté par tout des verres à la ronde,
Où les doigts des Laquais, dans la crasse trassez,
140 Témoignoient par écrit qu'on les avoit rincez.
Quand un des conviez d'un ton mélancolique,
Lamantant triftement une chanfon bachique;
Tous mes Sots à la fois, ravis de l'écouter,
Détonnant de concert, fe mettent à chanter.
145 La musique fans doute étoit rare & charmante:
L'un traîne en longs fredons une voix glapiffante,
Et l'autre l'appuiant de fon aigre fauflet,
Semble un violon faux qui jure sous l'archet.
Sur ce point un jambon, d'affez maigre appa

rence,

150 Arrive fous le noma de jambon de Maience.
Un Valet le portoit, marchant à pas comptez,
Comme un Recteur fuivi des quatre Facultez.
Deux Marmitons craffeux, revétus de ferviettes,

imitée des Efpagnols. Cor-
neille le Jeune a tourné en
vers la Piéce de Moliere
en y faifant quelques legers
changemens dans la disposi- |
tion. Elle commença à pa-
roître au mois de Janvier
1677, & c'est cette derniere

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Vers 152. Comme un Recteur, &c.] Aux Proceffions de l'Univerfité de Paris, à la tête defquelles marche le Recteur, précedé de fes Bedeaux, & fuivi des quatre Facultez.

Lui fervoient de Maffiers, & portoient deux affiettes,
155 L'une de champignons, avec des ris de veau,
Et l'autre de pois verds, qui fe noïoient dans l'eau.
Un fpectacle fi beau furprenant l'assemblée,
Chez tous les Conviez la joie eft redoublée:
Et la troupe à l'inftant ceffant de fredonner,
160 D'un ton gravement fou s'eft mise à raisonner.
Le vin au plus müet fournissant des paroles,
Chacun a débité fes maximes frivoles,
Reglé les interêts de chaque Potentat,
Corrigé la Police, & réformé l'Etat,

165 Puis de là s'embarquant dans la nouvelle guerre,
A vaincu la Hollande, ou battu l'Angleterre.
Enfin, laissant en paix tous ces peuples divers,
De propos en propos on a parlé de Vers.

Là tous mes Sots, enfiez d'une nouvelle audace, 170 Ont jugé des Auteurs en maîtres du Parnasse. Mais notre Hôte fur tout, pour la jufteffe & l'art, Elevoit jufqu'au ciel Théophile & Ronfard.

Vers 154. Lui fervoient de
Maffiers.] Quand le Recteur va
en proceffion, il eft toujours
accompagné de deux Maffiers;
c'eft-à-dire, deux Bedeaux qui
portent devant lui des Mafles,
ou Bâtons à tête garnis d'ar-
gent, tels qu'on en porte par
honneur devant le Roi, &
devant Mr. le Chancelier.

Vers 166. Avaincu la Hol-
Vers 161. Le vin au plus muet
L. 1. Ep. 5.

lande, ou battu l'Angleterre.] L'Angleterre & la Hollande étoient alors en guerre. Les Hollandois perdirent en 1665. une grande bataille fur mer contre les Anglois. Le Roi fe déclara enfuite contre l'Angleterre, en faveur des Hol landois; & cette guerre fut terminée par le Traité de Bréda, au mois de Janvier 1667. fournissant des paroles.] Horace,

non fecere difertum ?

Facundi calices quem
Vers 170. Ont jugé des Auteurs, &c.] Perfe, Satire I. 30.

Ecce inter pocula quarunt

.... Romulida Saturi quid dia poëmata ndrrent.

14

J

Quand un des Campagnards relevant fa moustache, Et fon feutre à grans poils ombragé d'un panache, 175 Impose à tous filence, & d'un ton de Docteur, Morbleu! dit-il, la Serre eft un charmant Auteur Ses vers font d'un beau ftile, & fa profe eft coulante. La Pucelle eft encore une œuvre bien galante, Et je ne fai pourquoi je bâille en la lifant. 180 Le Païs, fans mentir, eft un bouffon plaifant: Mais je ne trouve rien de beau dans ce Voiture, Ma foi, le jugement fert bien dans la lecture. A mon gré, le Corneille est joli quelquefois. En verité pour moi, j'aime le beau François. 185 Je ne fai pas pourquoi l'on vante l'Alexandre.

Ce n'est qu'un glorieux, qui ne dit rien de tendre. Les Heros chez Quinaut parlent bien autrement, Er jufqu'à Je vous bais, tout s'y dit tendrement. On dit qu'on l'a drapé dans certaine Satire, 190 Qu'un jeune Homme.... Ah! je fai ce que vous voulez dire,

A répondu notre Hôte, Un Auteur fans défaut,
La raifon dit Virgile, & la Rime Quinaut.

Vers 176. La Serre eft un charmant Auteur.] Paget de la Serre, miferable Ecrivain, qui a publié quantité d'Ouvrages en profe & en vers.

Vers 178. La Pucelle eft encore une Oeuvre bien galante.] La Pucelle, ou la France délivrée, Poëme héroïque de Jean Chapelain de l'Académie Francoife.

Vers 180. Le Pais, fans men

tir,eft un bouffon plaifant: ] Ra né Le Païs, étoit de la ville de Nantes en Bretagne.

Vers 185. Je ne fai pas pour quoi l'on vante l'Alexandre.] Alexandre le Grand, Tragédie de Mr. Racine, qui la donna au public en 1665.

Vers 189. On dit qu'on l'a drapé dans certaine Satire.]Dans la Satire précedente, adreffée à Moliere.

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