Juftement. A mon gré, la piéce eft affez plate. Et puis blâmer Quinaut.... Avez-vous vû l'Aftrate? 195 C'est là ce qu'on appelle un ouvrage achevé. 200 Sur tout l'Anneau Roïal me femble bien trouvé. Son sujet eft conduit d'une belle manière, Et chaque acte en fa piéce eft une piéce entiere : Je ne puis plús fouffrir ce que les autres font. Il eft vrai que Quinaut eft un efprit profond, A repris certain Fat, qu'à fa mine difcrete Et fon maintien jaloux j'ai reconnu Poëte: Mais il en eft pourtant qui le pourroient valoir. Ma foi, ce n'est pas vous qui nous le ferez voir, 205 A dit mon Campagnard avec une voix claire, Et déja tout boüillant de vin & de colere. Peut-être, a dit l'Auteur pâliffant de courroux Mais vous, pour en parler, vous y connoissez vous ? Mieux que vous mille fois, dit le Noble en furie. 210 Vous ? mon Dieu, mêlez-vous de boire, je vous prie, A l'Auteur fur le champ aigrement reparti. Je fuis donc un Sot? Moi? vous en avez menti: Reprend le Campagnard, & fans plus de langage, Lui jette, pour deffi, fon affiette au visage, 215 L'autre efquive le coup, & l'affiette volant S'en va frapper le mur & revient en roulant. Vers 194. Avez Vers 196. Sur tout l'Anneau | fut représentée au commence. ment de l'année 1665. L'Anneau Roial fait le fujet de la Scene 3. & 4. de l'Acte trai fiéme A cet affront, l'Auteur fe levant de la table, Lance à mon Campagnard un regard effroïable; Et chacun vainement fe ruant entre-deux, 220 Nos Braves s'accrochant se prennent aux cheveux, Auffi-tôt fous leurs piez les tables renversées Font voir un long débris de bouteilles caffées: Envain à lever tout les Valets font fort promts, Et les ruiffeaux de vin coulent aux environs. 225 Enfin, pour arrêter cette lutte barbare, De nouveau l'on s'efforce, on crie, on les fépare Mais, tandis qu'à l'envi tout le monde y confpire Que tous les vins pour moi deviennent vins de Brie: 35 Qu'à Paris le gibier manque tous les hivers, Et qu'à peine au mois d'Août l'on mange des pois vers. て M La Satire IV. a été faite en l'année 1664. immédiatement après la feconde Satire, & avant le Difcours au Roi. M. Defpreaux en conçut l'idée dans une conversation qu'il eut avec l'Abbé le Vayer &Moliere, dans laquelle on prouva par divers exemples que tous les hommes font fous, & que chacun croit néanmoins être fage tout feul. Cette propofition fait le füjet de cette Satire. Où vient, cher LE VAYER, que l'Homme Croit toujours feul avoir la sagesse en partage: D'autre part, un Galant, de qui tout le métier Vers 1. D'où vient, cher le Vayer.] M. l'Abbé le Vayer étoit fils unique de M. de la Mothe le Vayer, Confeiller d'Etat,Précepteur de Monfieur Philippe de France, Frere uni Vers 4. Aux Petites Maifons.] Hôpital de Paris Condamne la science, & blâmant tout écrit, Croit qu'en lui l'ignorance eft un titre d'efprit: Que c'est des gens de Cour le plus beau privilége, Et renvoye un Savant dans le fond d'un College, Un Bigot orgueilleux, qui dans fa vanité to Croit duper jufqu'à Dieu par fon zèle affecté, Couvrant tous fes défauts d'une fainte apparence Damne tous les Humains de fa pleine puiffance. Un Libertin d'ailleurs, qui fans ame & fans foi, Se fait de fon plaifir une fuprême loi, 25 Tient que ces vieux propos de Démons & de flammes, Vers 32. Guenaud & l'anti-¦ maine.] Dans le tems que cette Satire fut compofée, la difpute des Medecins au fujer de l'antimoine étoit dans fa plus vive chaleur. Guenaud Medecin de la Reine, éroit à la tête de ceux qui en approuvoient l'ufage: & le célèbre Gui Patin étoit un des lus grands ennemis de ce mineral. Vozez le 23 Journal des Savans 1666. Vers 33. Et combien la Neven devant fon mariage. La Neven fameufe Courtifane morte avant la compofition de cette Satire. ,&c.] Ces deux vers font imi Vers 31. Il compteroit plutôt, & Promptins expediam, quot amaverit Hippia machos 35 Mais, fans errer en vain dans ces vagues propos, Et pour rimer ici ma penfée en deux mots; N'en déplaise à ces Fous nommez Sages de Grece En ce monde il n'eft point de parfaite fageffe: Tous les hommes font fous,& malgré tous leurs foins, 40 Ne different entre eux que du plus & du moins. Comme on voit qu'en un bois, que cent routes fé parent, Les voïageurs fans guide affez fouvent s'égarent, L'un à droit, l'autre à gauche, & courant vainement, La même, erreur les fait errer diversement: 45 Chacun fuit dans le monde une route incertaine, Selon que fon erreur le joue & le promène; Et tel y fait l'habile & nous traite de fous, Qui sous le nom de fage eft le plus fou de tous. Mais quoique fur ce point la Satire publie, Jo Chacun veut en fageffe ériger fa folie, Et le faiffant regler à fon efprit tortu, De fes propres défauts se fait une vertu. Ainfi, cela foit dit pour qui veut se connoître, Le plus fage eft celui qui ne pense point l'être, $5 Qui toûjours pour un autre enclin vers la douceur, Se regarde foi-même en févere Cenfeur, Vers 41. Comme on voit qu'en un bois, &c.] Horace, Sat. 3. liv. 2. Velut Sylvis, ubi passim Palantes error, &c. |