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Inutile ramas de Gothique Ecriture,

Dont quatre ais mal unis formoient la couverture, Entourée à demi d'un vieux parchemin noir, Où pendoit à trois clous un refte de fermoir. Sur l'ais, qui le foûtient auprès d'un Avicenne, 210 Deux des plus forts Mortels l'ébranleroient a peine. - Le Chanoine pourtant l'enleve fans effort, Et fur le Couple pâle, & déja demi mort, Fait tomber à deux mains l'effroïable tonnerre, Les Guerriers de ce coup vont mesurer la terre, 215 Et du bois & des clous meurtris & déchirez, Long-tems, loin du Perron, roulent fur les degrez.

Au fpectacle étonnant de leur chute imprévue, Le Prélat pouffe un cri qui pénétre la nuë.

Il maudit dans fon cœur le Démon des combats, 220 Et de l'horreur du coup il recule fix pas. Mais bientôt rapellant fon antique prouësse, Il tire du manteau fa dextre vengereffe ; Il part, & de fes doigts faintement allongez, Bénit tous les Paffans, en deux files rangez. 225 Il fait que l'Ennemi, que ce coup va furprendre, Déformais fur les piés ne l'oferoit attendre, Et déja voit pour lui tout le peuple en courroux, Crier aux Combattans: Profanes, à genoux. Le Chantre, qui de loin voit approcher l'orage, 230 Dans fon coeur éperdu cherche en vain du courage: Sa fierté l'abandonne, il tremble, il cede, il fuit. Le long des facrez murs fa brigade le fuit. Vers 209, Auprès d'un Avicenne. ] Medecin Arabe.

Tout s'écarte à l'inftant: mais aucun n'en réchappe. Par tout le doigt vainqueur les fuit & les ratrape. 235 Evrard feul, en un coin prudemment retiré, Se croïoit à couvert de l'infulte facré :

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Mais le Prélat vers lui fait une marche adroite :
Il l'observe de l'œil, & tirant vers la droite,
Tout d'un coup tourne à gauche, & d'un bras fortuné,
Bénit fubitement le Guerrier confterné.
Le Chanoine, furpris de la foudre mortelle,
Se dreffe, & leve en vain une tête rebelle:
Sur fes genoux tremblans il tombe à cet afpect,
Et donne à la fraïeur ce qu'il doit au respect.
Dans le temple aufsi-tôt le Prélat plein de gloire
Va goûter les doux fruits de fa fainte victoire :
Et de leur vain projet les Chanoines punis,
S'en retournent chez eux éperdus & bénis.

TAN

CHANT VI

ANDIS que tout confpire à la guerre facrée,
La Pieté fincere, aux Alpes retirée,

Du fond de fon défert entend les triftes cris De fès Sujets cachez dans les murs de Paris, s Elle quitte à l'inftant fa retraite divine.

La Foi d'un pas certain devant elle chemine. L'Espérance au front gai l'appuie & la conduit ; Et la bourfe à la main, la Charité la fuit. Vers Paris elle vole, & d'une audace fainte, 10 Vient aux piés de Thémis proferer cette plainte,

Vierge effroi des méchans, appui de mes Autels, Qui, la balance en main, régles tous les Mortels, Ne viendrai-je jamais en tes bras falutaires, Que pouffer des foûpirs, & pleurer mes miféres? 15 Ce n'est donc pas affez, qu'au mépris de tes loix, L'Hypocrifie ait pris & mon nom & ma voix; Que fous ce nom facré par tout ses mains avares Cherchent à me ravir Croffes, Mitres, Tiares? Faudra-t-il voir encor cent Monftres furieux 20 Ravager mes Etats ufurpez à tes yeux ? Dans les temps orageux de mon naissant Empire, Au fortir du Baptême on couroit au martyre. Aux Alpes

Vers 2.

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retirée. 1 Ja grande Chartreufe eft dans les Alpes,

Chacun plein de mon nom ne refpiroit que moi Le Fidéle attentif aux régles de fa loi, 25 Fuïant des vanitez la dangereufe amorce,

Aux honneurs appellé, n'y montoit que par force. Ces cœurs, que les Bourreaux ne faifoient point frémir,

A l'offre d'une Mitre étoient prêts à gémir:

Et fans peur des travaux, fur mes traces divines jo Couroient chercher le Ciel au travers des épines. Mais depuis que l'Eglife eut aux yeux des mortels De fon fang en tous lieux cimenté fes Autels, Le calme dangereux fuccedant aux orages, Une lâche tiedeur s'empara des courages : 35 De leur zele brûlant l'ardeur se ralentit: Sous le joug des péchez leur foi s'appefantit, Le Moine secoüa le cilice & la haire :

Le Chanoine indolent apprit à ne rien faire : Le Prélat, par la brigue aux honneurs parvenu, 40 Ne fût plus qu'abufer d'un ample revenu;

Et

pour toutes vertus fit au dos d'un Carroffe A côté d'une mitre armorier fa croffe.

L'Ambition par tout challa l'Humilité; Dans la craffe du froc logea la Vanité. 45 Alors de tous les coeurs l'union fut détruite. Dans nies Cloîtres facrez la Difcorde introduite, Y bâtit de mon bien fes plus fûrs Arsenaux ; Traîna tous mes Sujets au pié des Tribunaux. En vain à fes fureurs j'oppofai mes prières, so L'Infolente à mes yeux marcha fous mes Banniéres.

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Pour comble de mifére, un tas de faux Docteurs
Vint flater les péchez de difcours imposteurs;
Infectant les Efprits d'exécrables maximes,
Voulut faire à Dieu même approuver tous les crimes.
Une fervile Peur tint lieu de Charité.

Le besoin d'aimer Dieu paffa pour nouveauté;
Et chacun à mes piés confervant fa malice,
N'apporta de vertu que l'aveu de fon vice.

Pour éviter l'affront de ces noirs attentats,
60 Je vins chercher le calme au féjour des frimats,
Sur ces monts entourez d'une éternelle glace,
Où jamais au Printems les Hyvers n'ont fait place.
Mais jufques dans la nuit de mes facrez Déserts
Le bruit de mes malheurs fait retentir les airs.
6; Aujourd'hui même encore, une voix fidelle
M'a d'un triste desastre apporté la nouvelle...
J'apprens que dans ce Temple, où le plus faint des

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trop

Confacra tout le fruit de fes pieux exploits, Et fignala pour moi fa pompeuse largeffe, 70 L'implacable Difcorde, & l'infame Molleffe Foulant aux piés les loix, l'honneur & le devoir, Ufurpent en mon nom le fouverain pouvoir. Souffriras-tu, ma Soeur, une action fi noire? Quoi? ce Temple, à ta porte élevé pour ma gloire, 75 Où jadis des Humains j'attirois tous les vœux, Sera de leurs combats le théatre honteux ?

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