Imágenes de páginas
PDF
EPUB

#70 Trembler aux piés d'un Singe affis fur leurs Autels Et fur les bords du Nil les peuples imbéciles

L'encenfoir à la main, chercher les Crocodiles.

Mais pourquoi, diras-tu, cet exemple odieux ? Que peut fervir ici l'Egypte & fes faux Dieux? 475 Quoi? me prouverez-vous par ce difcours profane, Que l'Homme, qu'un Docteur eft au deffous d'un Ane.

Un Ane, le jouet de tous les animaux,

Un ftupide animal, fujet à mille maux;

Dont le nom feul en foi comprend une satire?

280 Oüi d'un Ane : & qu'a-t-il qu'il nous excite à rire? Nous nous mocquons de lui; mais s'il pouvoit un

jour,

Docteur, fur nos défauts s'exprimer à son tour:
Si, pour nous réformer, le Ciel prudent & fage
De la parole enfin lui permettoit l'usage:
485 Qu'il pût dire tout haut ce qu'il fe dit tout bas,
Ah! Docteur, entre nous, que ne diroit-il
pas?
Et que peut-il penser, lorsque dans une ruë
Au milieu de Paris il promene fa vûë :

Qu'il voit de toutes parts les Hommes bigarrez,
290 Les uns gris, les uns noirs, les autres chamarrez ?
Que dit-il quand il voit, avec la mort en trousse,
Courir chez un Malade un Assassin en houffe :
Qu'il trouve de Pédans un escadron fouré,

Vers 270. Trembler aux piés d'un Singe, &c. ] Juvénal con
ence ainfi fa 15 Satire.

Quis Nefcit, Volufi Bithynice, qualia demens
Egyptus portente colat ? &&

Shivi

Suivi par un Recteur de Bedeaux entouré :
195 Ou qu'il voit la Justice, en groffe compagnie,
Mener tuer un homme avec cérémonie ?

Que penfe-t-il de nous, lors que fur le Midi
Un hazard au Palais le conduit un Jeudi;

Lors qu'il entend de loin, d'une gueule infernale, 300 La Chicane en fureur mugir dans la Grand' Sale ? Que dit-il quand il voit les Juges, les Huiffiers, Les Clercs, les Procureurs, les Sergens, les Greffiers? O! que fi l'Ane alors, à bon droit misanthrope, Pouvoit trouver la voix qu'il eut au tems d'Esope! 305 De tous côtés, Docteurs, voïant les Hommes fous, Qu'il diroit de bon cœur fans en être jaloux, Content de fes chardons, & fecouant la tête; Ma foi, non plus que nous, l'Homme n'est qu'une bête !

Vers 294. Suivi par un ReHeur, &c.] L'Univerfité de Paris fait fes Proceffions quatre fois l'année. Le Recteur y affifte avec fes Supôts. Les qua

tre Facultés, de Thélogie, de Droit, de Médecine, & des Arts, marchent auffi à leur rang, & avec les habits qui leur font propres.

O

Tome I.

D

Jb Jb Jb Jb Jb Jb Jb Jb Jb Jb Jb

SATIRE

IX.

Cette Satire eft entierement dans le goût d'Horace; M. Def preaux, fous prétexte de cenfurer fes propres défauts, y tourne adroitement en ridicule une foule d'Auteurs qui s'étoient fervi des expreffions les plus groffieres, en critiquant la liberté qu'il s'étoit donnée de nommer dans fes premieres Satires des Auteurs encore vivans. Il la composa en 1667, mais il ne la fit imprimer que l'année fuivante.

C

'EST à vous, mon Efprit, à qui je veux parler,

Vous avez des défauts que je ne puis celer,
Affez & trop long-tems ma lâche complaisance,
De vos jeux criminels a nourri l'insolence.
s Mais puifque vous pouffez ma patience à bout,
Une fois en ma vie il faut vous dire tout.

On croiroit à vous voir, dans vos libres caprices,
Difcourir en Caton des vertus & des vices,
Décider du mérite & du prix des Auteurs,
to Et faire impunément la leçon aux Docteurs,
Qu'étant feul à couvert aux traits de la Satire,
Vous avez tout pouvoir de parler & d'écrire.
Mais moi, qui dans le fond fais bien ce que j'en crois,
Qui compte tous les jours vos défauts par mes doigts;
15 Je ris, quand je vous vois, fi foible & fi ftérile,
Prendre fur vous le foin de réformer la Ville,
Dans vos difcours chagrins plus aigre, & plus mor-

dant,

Qu'une Femme en furie, ou Gautier en plaidant.

Vers 18.

Ou Gautier | dant, qui mourut le 16 de Sepen plaidant. ] Claude Gautier, tembre 1666, âgé de 76 ans. Avocat fameux, & très-mor

Mais répondez un peu. Quelle verve indiscrete, 20 Sans l'aveu des neuf Sœurs, vous a rendu Poëte ? Sentiez-vous, dites-moi, ces violens transports, Qui d'un efprit divin font mouvoir les refforts? Qui vous a pû fouffler une fi folle audace? Phébus a-t-il pour vous, applani le Parnasse? 25 Et ne favez-vous pas, que fur ce Mont facré, Qui ne vôle au fommet tombe au plus bas degré: Et qu'à moins d'être au rang d'Horace ou de Voiture, On rampe dans la fange avec l'Abbé de Pure?

Que fi tous mes efforts ne peuvent réprimer 30 Cet afcendant malin, qui vous force à rimer; Sans perdre en vains difcours tout le fruit de vos veilles ;

Ofez chanter du Roi les auguftes merveilles;
Là, mettant à profit vos caprices divers,

Vous verriez tous les ans fructifier vos vers;
35 Et par l'efpoir du gain votre Mufe animée,
Vendroit au poids de l'or une once de fumée.
Mais en vain, direz-vous, je pense vous tenter
Par l'éclat d'un fardeau trop pefant à porter.
Tout Chantre ne peut pas, fur le ton d'un Orphée
40 Entonner en grands vers, la Difcorde étouffée.
Peindre Bellone en feu tonnant de toutes parts,
Et le Belge effraïé fuïant fur fes ramparts.

Vers 42. Et le Belge effraié, dans le tems que le Roi prit &c.] Cette Satire a été faite | l'Ifle, au mois d'Août 1667. Vers 26. Qui ne vôle au sommet tombe au plus bas degré. Horace, Art poëtique.

Si paulum à fummo difceffit, vergit ad imum. Vers 30. Cet afcendant malin, &c.] Horace, Sat. I. Liv. 2. Aut fi tantus amar fcribendi te rapit, &c.

Sur un ton fi hardi, fans être témeraire, Racan pourroit chanter fur le ton d'un Homere, 45 Mais pour Cotin & moi, qui rimons au hazard, Que l'amour de blâmer fit Poëte par art;

Quoi qu'un tas de Grimauds vante notre éloquence,

Le plus für eft pour nous de garder le filence.
Un Poëme infipide & fortement flatteur,
fo Deshonore à la fois le Heros & l'Auteur.
Enfin de tels projets passent notre foibleffe.
Ainfi parle un Esprit languiffant de molleffe,
Qui, fous l'humble dehors d'un refpect affecté,
Cache le noir venin de fa malignité.

Mais dûffiez-vous en l'air voir vos aîles fonduës,
Ne valoit-il pas mieux vous perdre dans les nues ;
Que d'aller fans raison, d'un ftile peu Chrêtien,
Faire infulte en rimant à qui ne vous dit rien,
Et du bruit dangereux d'un livre téméraire,
60 A vos propres perils enrichir le Libraire?

Vous vous flattez peut-être en votre vanité,
D'aller comme un Horace à l'Immortalité :
Ęt déja vous croïez dans vos rimes obfcures,
Aux Saumaizes futurs préparer des tortures.

Vers 44. Racan pourroit chan | turs préparer des tortures.] Clau-
ter, &c.] Honorat de Bueil, de Saumaize favant Critique
Marquis de Racan, Poëte efti- & Commentateur, a éclairci
mé. Il étoit de l'Académie une infinité d'endroits ob-
Françoife, & mourut en 1670. fcurs & difficiles, des Auteurs
yers 64. Aux Saumaizes fu- | anciens, Il mourut en 1653,
Vers 45. Mais pour Cotin & moi, &c.] Juvénal, Sat. 1.
Si natura negat, facit indignatio verfum,
Qualemcumque poteft, quales ego, vel Cluvienus.

« AnteriorContinuar »