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7 Qui du butin des fleurs va composer fon miel, Des fottifes du tems je compose mon fiel. Je vais de toutes parts où me guide ma veine, Sans tenir en marchant une route certaine, Et, fans gêner ma plume en ce libre métier, 80 Je la laiffe au hazard courir fur le papier.

Le mal eft, qu'en rimant, ma Muse un peu légere, Nomme tout par fon nom, & ne fçauroit rien taire. C'est là ce qui fait peur aux Efprits de ce tems, Qui tout blancs au dehors, font tout noirs au dedans, 85 Ils tremblent qu'un Cenfeur, que fa verve encourage, Ne vienne en fes écrits démasquer leur visage, Et fouillant dans leurs moeurs en toute liberté, N'aille du fond du puits tirer la Vérité. Tous ces gens éperdus au feul nom de Satire, 90 Font d'abord le procès à quiconque ofe rire. Ce font eux que l'on voit, d'un difcours infenfé, Publier dans Paris que tout eft renversé,

Au moindre bruit qui court, qu'un Auteur les menace De jouer des Bigots la trompeufe grimace. 9 Pour eux un tel ouravge est un monftre odieux; C'eft offenfer les loix, c'eft s'attaquer aux Cieux. Mais bien que d'un faux zele ils mafquent leur foibleffe, Chacun voit qu'en effet la verité les blesse.

Vers 88. N'aille du fond du Puits tirer la Verité. ] Démocrite difoit que la Verité étoit au fond d'un Puits & que perfonne ne l'en avoit encore pû tirer.

Vers 93.

• Qu'un Au

teur les menace, &c.] En 1664. Moliere compofa fon Tartuf fe; mais la Cabale des faux Dévots porta le Roi à défendre la repréfentation de cette Comédie: & cette défenfe fub| fista jusqu'en l'année 1669,

SATIRE I.

Cette Satire eft une imitation de la troifiéme Satire de Juvenal, dans laquelle eft auffi décrite la retraite d'un Philofophe qui abandonne le fejour de Rome, à caufe des vices affreux qui y regnoient. Juvenal y décrit encore les embarras de la même ville; & à fon xemple, M. Defpreaux, dans cette premiere Satire, avoit fait la defcription des embarras de Paris; mais il s'aperçut que cette defcription étoit comme hors d'œuvre,& qu'elle faifoni un double fujet. C'est ce qui l'obligea à l'en détacher, & il en fit une Satire particuliere, qui eft la fixieme."

D

AMON ce grand Auteur, dont la Mufe fertile Amufa fi long-tems & la Cour & la Ville : Mais qui n'étant vétu que de fimple bureau,

3 3

Paffe l'été fans linge, & l'hiver fans manteau: Et de qui le corps fec, & la mine affamée, N'en font pas mieux refaits pour tant de renommée; Las de perdre en rimant & fa peine & son bien, D'emprunter en tous lieux, & de ne gagner rien, Sans habits, fans argent, ne fachant plus que faire, 10 Vient de s'enfuir chargé de fa feule mifere;

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Et bien loin des Sergens, des Clercs, & du Palais, Va chercher un repos qu'il ne trouva jamais: Sans attendre qu'ici la Juftice ennemie L'enferme en un cachot le refte de fa vie; is Ou

que d'un bonnet vert le falutaire affront Fletriffe les lauriers qui lui couvrent le front. Mais le jour qu'il partit, plus défait & plus blême Que n'eft un Pénitent fur la fin du Carême, La colere dans l'ame, & le feu dans les yeux, 20 Il distila fa rage en ces triftes adieux.

de charger ce caractere de plu- | fieurs traits qu'il a empruntez d'autres Originaux. Ainfi c'est Triftan-l'Hermite, qu'il avoit en vûë dans ce vers, & non pas Caffandre; car celui-ci por.

Elie

toit un manteau en tout tems, & l'autre n'en avoit point du tout: témoin cette Epigram me de M. de Montmort, Mai tre des Requêtes.

ainsi qu'il est écrit,

De fon Manteau comme de fon Esprit
Récompenfa fon Serviteur fidèle.

Tristan eût fuivi ce modèle;

Mais Triftan, qu'on mit au tombeau
Plus pauvre que n'est un Prophète,
En laiffant à Quinaut son esprit de Poëte

Ne put lui laiffer un Manteau.

Vers 15. Ou que d'un bonnet vert le falutaire affront.] Ce vers exprime figurément la Ceffion de biens; c'est-à-dire, l'abandonnement que fait un débiteur, de tous fes biens à fes créanciers, pour éviter la prifon

naire de biens de porter un bonnet ou chapeau orengé; & à Rome, un bonnet vert: pour marquer,dit Pafquier, (Recher ches liv. 4. c. 10.) que celui qui fait ceffion de biens eft devenu pauvre par fa folie. Cetou pour en fortir. On te peine ne s'eft introduite en s'avifa en quelques endroits France que depuis la fin du seid'Italie d'obliger tout Ceffion-ziéme Siècle.

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Puifqu'en ce lieu, jadis aux Muses si commode,
Le merite & l'efprit ne font plus à la mode,
Qu'un Poëte, dit-il, s'y voit maudit de Dieu,
Et qu'ici la Vertu n'a plus ni feu ni lieu;

25 Allons du moins chercher quelque antre ou quelque roche,

D'où jamais ni l'Huiffier, ni le Sergent n'aproche. Et fans laffer le Ciel par des voeux impuiffans, Mettons-nous à l'abri des injures du tems; Tandis que libre encor, malgré les destinées, 30 Mon corps n'eft point courbé fous le faix des années : Qu'on ne voit point mes pas fous l'âge chanceler, Et qu'il refte à la Parque encor de quoi filer. C'est là dans mon malheur le feul conseil à fuivre. Que George vive ici, puifque George y fait vivre, 35 Qu'un million comptant, par fes fourbes acquis, De Clerc, jadîs Laquais, a fait Comte & Marquis. Que Jacquin vive ici, dont l'adresse funefte A plus caufé de maux que la guerre & la peste,

Vers 34. Que George vive ici, &c.] Vers 37. Que Jacquin. &c.] Sous ces noms-là l'Au

teur défigne les Partisans en general.

Vers 21. Puifqu'en ce lieu jadis aux Mufes fi commode. ] C'est ici particulierement que commence l'imitation de Juvénal, Sat. 3. V. 21.

quando artibus, inquit, honeftis

Nullus in Urbe locus, nulla emolumenta laborum; &c.

Vers 29. Tandis

endroit:

que libre encor, &c.] Juvénal au même

Dum nova canities, &c.

Vers 34. Que George vive ici. ] Juvénal au même endroit ;

Vivat Arturius illic.

Et Catulus, &c.

Qui de fes revenus écrits par alphabet, 40 Peut fournir aifément un Calepin complet. Qu'il regne dans ces lieux; il a droit de s'y plaire. Mais moi, vivre à Paris : Eh, qu'y voudrois-je faire ? Je ne fai ni tromper, ni feindre, ni mentir, Et quand je le pourrois, je n'y puis consentir. 45 Je ne fai point en lâche effuïer les outrages D'un Faquin orgueilleux qui vous tient à fes gages, De mes Sonnets flateurs laffer tout l'Univers, Et vendre au plus offrant mon encens & mes vers. Pour un fi bas emploi ma Muse est trop altiére. So Je, fuis ruftique & fier, & j'ai l'ame groffiére. Je ne puis rien nommer, fi ce n'eft fon nom. par J'appelle un chat un chat, & Rolet un fripon. De fervir un Amant? je n'en ai l'adreffe. Jignore ce grand art qui gagne une maîtresse, SS Et je fuis à Paris, trifte, pauvre & reclus, Ainfi qu'un corps fans ame, ou devenu perclus. Mais, pourquoi, dira-t-on, cette vertu sauvage, Qui court à l'hôpital, & n'est plus en ufage? La Richesse permet une juste fierté.

pas

60 Mais il faut être fouple avec la Pauvreté.

Vers 52. Et Rolet un damnée. M. le Premier Prefifripon. ] Charles Rolet, Pro-dent de Lamoignon emploïoit cureur au Parlement, étoit fort le nom de Rolet, pour fignidécrié, & on l'appelloit com- fier un Fripon infigne: C'est un munément au Palais, l'ame Rolet, difoit-il ordinairement. Vers 42. Mais moi, vivre à Paris, &c.] Juvénal, là-même, v. 41. Quid Roma faciam? mentiri nefcio.

·Vers 45. Je ne fai point en läche, &c. ]Terence dans l'Eu

Auque:

At ego infelix, neque ridiculus effe, neque plagas pati.
Poffum A&. 2. c. 3. V. 14.

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