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Voltaire, Françoi's Marie Arouet de

LES

SCYTHES,

TRAGEDIE.

NOUVELLE ÉDITION,

CORRIGÉE ET AUGMENTÉE

Sur celles faites à Genève, à Paris & à Lyon.

A PARIS,
Chez LACOMBE, Libraire, Quai de Conti.

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11-15-38 IEIS

Dept of Rom hangs

3.7.34

ÉPITRE

DÉDICA TOIRE. II y avait autrefois en Perfe un bon vieillard qui cultivait fon jardin; car il faut finir par là; & ce jardin était accompagné de vignes & de champs; & paulum filvæ fuper his erat; & ce jardin n'était pas auprès de Perfépolis, mais dans une vallée immenfe entourée des montagnes du Caucafe couvertes de neiges éternelles; & ce vieillard n'écrivait ni fur la population, ni fur l'agriculture, comme on faifait par paffe-tems à Babilone, ville qui tire fon nom de Babil; mais il avait défriché des terres incultes, & triplé le nombre des habitans autour de fa cabane.

Ce bon homme vivait fous Artaxerxes, plufieurs années après l'aventure d'Obéide & d'Indatire, & il fit une Tragédie en vers Perfans, qu'il fit repréfenter par fa famille & par quelques Bergers du mont Caucafe; car il s'amufait à faire des vers Perfans affez paffablement, ce qui lui avait attiré de violens ennemis dans Ba

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bilone; c'est-à-dire, une demi-douzaine de gredins qui aboyaient fans ceffe auprès de lui, & qui lui imputaient les plus grandes platitudes & les plus impertinens livres qui euffent jamais deshonoré la Perfe, & il les laiffait aboyer & grifonner & calomnier; & c'était pour être loin de cette racaille qu'il s'était retiré avec sa famille auprès du Caucafe, où il cultivait fon jardin.

Mais, comme dit le Poëte Perfan Horace, principibus placuiffe viris, non ultima laus eft. Il y avait à la cour d'Artaxerxes un principal Satrape, & fon nom étoit Elochivis, comme qui dirait habile, généreux & plein d'efprit, tant la langue Perfane a d'énergie. Non-feulement le grand Satrape Elochivis verfa fur le jardin de ce bon homme les douces influences de la cour; mais il fit rendre à ce territoire les libertés & franchifes dont il avait joui du tems de Cyrus; & de plus il favorifa une famille adoptive du vieillard. La nation fur-tout lui avait une trèsgrande obligation de ce qu'ayant le département des meurtres, il avait travaillé avec le même zèle & la même ardeur que Nalrifp, Miniftre de paix, à donner à la Perfe cette paix tant defirée ; ce qui n'était jamais arrivé qu'à lui.

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Ce Satrape avait l'ame auffi grande que Giafar le Barmécide & Aboulcafem; car il eft dit dans les Annales de Babilone, recueillies par Mir Kond, que lorsque l'argent manquait dans le tréfor du Roi, appellé l'Oreiller, Elochivis en donnait fouvent du fien, & qu'en une année il diftribua ainfi dix mille Dariques, que Dom Calmet évalue à une piftole la pièce. Il pay aït quelquefois trois cens dariques, ce qui ne valait pas trois afpres, & Babilone craignait qu'il ne fe ruinât en bienfaits.

Le grand Satrape Nalrifp joignait auffi au goût le plus sûr & à l'efprit le plus naturel, l'équité & la bienfaisance. Il faifait les délices de fes amis, & fon commerce était enchanteur; de forte que les Babiloniens, tout malins qu'ils étaient, respectaient & aimaient ces deux Satrapes, ce qui était affez rare en Perfe.

Il ne fallait pas les louer en face; recalcitrabant undique tuti: c'était la coutume autrefois, mais c'était une mauvaife coutume qui expofait l'encenfeur & l'encenfé aux méchantes lan

gues.

Le bon vieillard fut assez heureux pour que ces deux illuftres Babiloniens daignaffent lire

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