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d'attacher fon amour à de viles créatures; c'eft vouloir avaller des eaux bourbeufes & puantes, lorfqu'on peut fe defalterer avec des eaux pures; & c'eft auffi ce que Dieu reproche aux Juifs: a Ils m'ont abandonné, ditil, moy qui fuis la fource des eaux vives, & ils se font creufe des cifternes qui ne sçauroient tenir

l'eau.

5. Parce qu'ayant tout reçû de Dieu, la juftice veut que nous en foyons reconnoiffans: Or la reconnoiffance effentielle confifte à l'aimer, & fans celle-là, toutes les autres ne font rien.

D. Que comprend cette reconnoiffance ?

R. Tous les bienfaits de Dieu, la création, la redemption, la protection, & fon amour; car fon amour eft le premier des bienfaits.

D. Comment Dieu nous commande-t-il de l'aimer?

R. b De tout notre cœur, de tout notre efprit, de toute notre ame. C'est-à-dire, dit Saint Auguftin, qu'en aucune partie de de notre vie, il ne nous eft permis de jouir d'aucune autre chofe que de Dieu, mais que nous fommes obligez, s'il se presente quel

a Me dereliquerunt fontem aquæ vivæ, & foderunt fibi cifter. nas, cifternas diffi patas, quæ continere non valent aquas. Jerem.

2. 13.

b Cùm autem ait toto corde, totâ anima, tota mente, nullam vitæ noftræ partem reliquit, quæ vacare debeat, & quafi locum dare, ut aliâ re velit frui, fed quidquid aliud diligendum venerit in animum illuc rapiatur quo totus dilectionis imperag Currit. S. Aug. de Dot. Chrift. Li, e, a so

que autre objet à aimer, de le rapporter à Dieu, qui eft le feul objet où l'effort de notre amour doit tendre uniquement.

D. Il n'eft donc pas permis d'aimer aucune des créatures?

R. a Il eft permis de les aimer d'un amour qui paffant par elles, aille jufqu'à Dieu, & par lequel nous les rapportions à Dieu; mais il n'eft pas permis de les aimer en s'arrêtant à elles, & en ne paffant pas plus avant. Car c'eft ce qui eft défendu par ces préceptes de P'Ecriture: N'aimez point le monde ni ce qui eft dans le monde. Ne vous rendez point. femblable au fiecle, c'est-à-dire, ne l'aimez pas; parce que l'amour produit toûjours cette reflemblance de celuy qui aime, & de celuy qui eft aimé.

D. Dites-nous quelques-uns des principes, fur lefquels cette doctrine cft appuyée?

R. C'eft 1. Que tout amour qui fe termine à la créature, eft un ruiffeau détourné de fon cours naturel, & qui rend moindre la plenitude de notre amour vers Dieu. Or,

a Purum cor in caritate, hoc eft, quando diligis hominem fecundùm Deum, quia & teipfum fic debes diligere, ut non erret regula, Diliges proximum tuum tanquam teipfum. In Pf. 140.

Nolite diligere mundum, neque ea quæ in mundo funt. 1. Joan.

2. 15.

Nolite conformari huic fæculo. Rom. 12. 2.

Quifquis ergo rectè proximum diligit, hoc cum eo debet agere, t etiam ipfe toto corde totâ anima, totâ mente diligat Deum Sic enim eum diligens nouam feipfum, totam dilectionem fui & illius refert in illam dilectionem Dei, que nullum à fe rivulum. duci extra patitur, cujus derivatione minuatur. S. Aug. de Do Chrift. l. 1. 6. 22.

dit Saint Augustin, Dieu ne veut pas que l'a plenitude de l'amour que nous luy devons foit diminuée par aucun ruiffeau qui fe porte ailleurs.

2. Les créatures ne nous ont pas été don→ nées pour en jouir, mais pour en ufer. a Or s'arrêter en elles, & les aimer pour ellesmémes, c'eft en jouir. Car jouir, est s'attacher à quelque chofe par amour, à cause d'elle-même.

3. b L'amour qui nous attache à quelque créature que ce foit, eft contre l'ordre natu rel, qui ne permet pas que l'homme s'aflujettifle à autre chofe qu'à Dieu, puisqu'il eft égal aux créatures intellectuelles, & fuperieur aux corporelles: Or tout amour affujettit l'ame à fon objet, & la met au deffous de cet objet, puifqu'elle y cherche fon bonheur, & que l'objet de l'amour domine l'a

me.

4. Tout mouvement de la volonté eft dû à Dieu, & luy doit être rapporté, puisqu'ik

vamur,

a Tpfis quibus utendum eft, tendentes ad beatitudinem, adju❤ & quafi adminiculamur, ut ad illas que nos beatos faciunt, pervenire, atque in his inhærere poffimus. Nos verò qui fruimur & utimur, fi eis quibus utendum ett, frui voluerimus, impeditur curfus nofter. & aliquando etiam defectitur, ut ab his rebus quibus fruendum eft obrinendis, vel retardamur, vel etiam revocemur inferiorum amore præpediti Frui enim, eft amore alicui rei inhærere propter feipfam. Ibid. c. 3.

b si vel ipfum hominem homo diiexerit non tanquam feipfun .... ut ex eo aliquid remporalis voluntatis, aut commodi capiar, ferviat neceffe eft, non homini, fed quod eft turpius, tam fœdo & deteftabili vitio, quo non amat hominem ficut homo amandus eft. Quo vitio dominante, ufque ad extremam vitam, vel potiùs mortem producitur. De vera Rel 6, 469

en eft la fin & la caufe: Or l'amour qui fe termineroit à la créature ne feroit point rapporté à Dieu.

5. a Tout amour de la créature diminuë la liberté de l'ame, en l'attachant à cette créa¬ ture; c'eft une glu qui l'empêche de s'élever à Dieu avec la même facilité, & qui la rend dépendante de cette créature, & participante de ses changemens; il la fouille & la corrompt, en l'uniffant avec un autre objet moins noble que Dieu, pour qui elle eft créée, & dont elle peut jouir.

6. C'est un defordre injurieux à Dieu, & contraire à la loy naturelle, qu'une créature à qui Dieu a donné la capacité de jouir de luy, s'arrête à quelque chofe de moins que luy.

D. Mais ne s'enfuit-il point de là qu'il n'y a point de milieu entre la charité louable & la cupidité bâmable ?

R. Il ne s'enfuit nullement de là qu'il n'y ait point de milieu entre la charité juftifian te & la cupidité; parce qu'entre ces deux difpofitions, il y a la charité imparfaite & non juitifiante, qui peut produire des actions. louables & bonnes; mais fi l'on prend le mot de charité pour toute forte d'amour de Dieu, Saint Augustin en a tiré la conclufion qu'il exprime par ces paroles.

a Amor ifte tartareus eft, vifcum habet, quo dejiciat in pro fundum, non pennas, quibus levet in cœlum. In Pf. 140.

a Perfonne ne fait volontairement une chofe, qu'il n'en ait formé la refolution dans fon cœur ; & cette refolution nait toûjours de quelque amour, foit de la créature, foit du Créateur; c'eft-à-dire, ou de la nature muable, ou de la verité immuable; c'eft donc ou cupidité, ou charité. Ce n'eft pas qu'on ne doive aimer la créature; mais fi cet amour eft rapporté à Dieu, ce ne fera pas cupidité, mais charité; car il n'eft cupidité,, que lorsqu'on aime la créature pour ellemême; & comme alors l'ame n'en ufe pas, mais qu'elle en jouit, cette créature n'est pas utile à l'ame mais la corrompt.

CHAPITRE III.

De l'obligation de rapporter à Dieu toutes nos

D

N

actions.

pas

E s'enfuit-il de la doctrine établie dans le chapitre précedent, qu'on eft obligé de rapporter à Dieu toutes fes actions?

a Nemo volens aliquid facit, quod non in corde fuo prius dixerit. Quod verbum amore concipitur, five creaturæ fint, five rea goris, id eft, aut naturæ mutabilis, aut incommutabilis veritatis. Ergo aut cupiditate, aut caritate, non quòd non fit amanda creatura, fed fi ad Creatorem refertur, amor ille jam non cupiditas, fed cariras erit. Tunc enim eft cupiditas, cùm propter fe amatur creatura. Tunc non utentem adjuvat, fed corrumpit fruentem. Lib. 2. de Trinit. c. 7.& 8.

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