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Jean nous en aflure. Or, la plûpart du monde n'obferve pas les Commandemens de Dieu, & eft engagé dans des crimes vifibles: Et quoyqu'il puiffe arriver que ceux qui retombent fouvent dans des crimes, recouvrent quelquefois la grace; néanmoins l'Eglife les ayant toûjours mis au nombre des faux penitens, on a lieu de juger tres-probablement par ces rechûtes frequentes, que l'amour de Dieu n'a point été veritablement établi dans le cœur.

D. Doit-on croire que tous ceux qui ne commettent point de crimes vifibles, ont l'amour de Dieu neceffaire au falut?

R. Nullement ; & parmi ces perfonnes qui paroiffent exempts de crimes, il y en a encore un grand nombre qui n'ont point cet amour de Dieu.

D. Comment peut-on reconnoître cette privation de l'amour de Dieu dans ces fortes de perfonnes.

R. Par plufieurs fignes.

1. Par les pechez d'état, comme par exemple, par une vie de jeu, d'oifiveté, de divertiffement, de curiofité; c'est-à-dire, lorfque c'est là ce qui fait le capital de la

vie.

2. Quand on voit qu'une perfonne ne fonge qu'au monde, à s'établir, à s'agrandir dans le monde, & qu'elle penfe rarement à Dieu. Car il paroit par là qu'elle eft Citoyenne du monde, qu'elle y met

fa fin, qu'elle n'y eft pas pelerine.

3. Quand une ame mene une vie molle, délicieufe, fans penitence: car il n'eft pas poffible que la multitude des pechez qui naiffent de cette forte de vie, n'étouffent bien-tôt la charité, & ne défigurent entierement l'ame, en rendant la cupidité dominante: de plus, une ame en cet état, portant point fa croix, eft indigne d'avoir en elle Jefus-Chrift & fon amour.

ne

4. Quand on ne fent point l'oppofition que la vie du monde a avec la charité de Jefus-Chrift; car c'eft un figne que l'efprit de Dieu ne combat point les defirs de la chair, & que l'on jouit de la paix que le diable procure à ceux qu'il poffede, felon qu'il eft dit dans l'Evangile, que a lorfque le fort garde fa maifon, tout ce qu'il poffede eft en paix.

5. Quand on aime les pompes, les honneurs, les grandeurs du monde, & qu'on ne fent point en foy ni de lumiere qui nous en découvre la vanité, ni de poids qui nous en retire.

6. Quand on eft dur envers les pauvres. Car comme Saint Jean dit, b Celuy qui ayant des biens de ce monde, qui voyant fon frere en neceffité, luy ferme fes entrailles, la charité de Dieu n'eft point en luy.

4 Cùm fortis armatus cuftodie atrium fuum, in pace funt ea quæ poffider. Luc. 11. V. 21.

b Qui habuerit fubftantiam hujus mundi, & viderit fratrem fuum neceffitatem habere, & clauferit vifcera fua ab eo, quomodo caritas Dei manet in eo? 1. Joan. 3. 17.

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7. Quand une ame a de l'oppofition pour la verité, que la parole de Dieu n'entre point dans fon cœur, qu'elle fe revolte contre les maximes dé l'Evangile ; c'est une marque qu'elle n'eft pas encore des brebis qui entendent la voix de Dieu.

8. Quand une ame n'a aucun des fentimens de Jefus Chrift, qu'elle ne fe fent point portée à adorer Dieu, à s'humilier, à aimer la pauvreté, les fouffrances, la priere, & la vie interieure. Car a celuy qui n'a point l'efprit de Jefus-Chrift, n'eft point à luy, comme dit l'Apôtre Saint Paul; & une ame n'a point cet efprit, quand il n'y produit aucun des fentimens qu'il a produits en JesusChrist.

CHAPITRE X.

De quelle forte il fe faut confeffer de ces d'omiffion de l'amour de Dieu.

pechez

D. St-on obligé de fe confeffer de ces

omiffions d'aimer Dieu ?

R. Il s'en faut confeffer, puifque ce font des pechez qui peuvent être mortels; mais il s'en faut confeffer autant que l'on les connoît, & fouvent on les connoît peu.

D. Comment peut-on pratiquer cette obligation?

a Si quis fpiritum Chrifti non habet,hic non eft ejus. Rom. 8.7 9. R. Cela

R. Cela n'eft pas difficile, pourvû qu'on fe contente de bonne foy de la lumiere que Dieu nous donne ; on le peut faire en deux manieres, directement & indirectement.

1. On le fait directement, lorsqu'en divifant fa vie en diverfes parties, fur ce que la memoire nous en fournit, l'on examine fur chacune de ces parties, fi on a lieu de croire que l'on fût alors à Dieu, & que fon amour regnât dans le cœur. Que fi on reconnoît dans cet examen qu'en quelque partie confiderable de fa vie, on ait fongé tres-peu à, Dieu, & que l'on ne l'ait point eu pour fin; il faut reprefenter cet état à fon Confeffeur, & s'accufer d'avoir banni Dieu de fon cœur tant de temps, & de n'avoir point vécu pour luy. Or fe confeffer en cette maniere, c'est fe confeffer directement de l'omiffion des actes de l'amour de Dieu.

2. On fe confeffe indirectement, en marquant d'autres pechez d'omiffion qui enferment celuy-là, comme la negligence à prier, à mediter la Loy de Dieu, à faire des actions de pieté.Car ces exercices fe devant pratiquer avec amour, s'accufer de les avoir omis, c'eft s'accufer d'avoir omis d'aimer Dieu, & d'avoir negligé les moyens de faire croître cet amour.

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3. On s'en accufe encore indirectement en marquant des pechez de commiffion, qui enferment ces omiffions de l'amour de Dieu; car fi, par exemple, l'on s'accufe d'avoir paffé une partie confiderable de fa vie, plongé Decal. Tome I.

M

dans l'amour du monde, & tout occupé des chofes du monde, l'on s'accufe par confequent de n'avoir point aimé Dieu, ni penfé à Dieu dans le même temps.

D. Suffit-il de s'accufer ainfi de ces for→ tes de fautes, par confequence & implici

tement?

R. Il eft bon de confiderer directement ce que c'eft que de n'avoir point aimé Dieu durant un certain temps: Car c'est avoir vécu durant tout ce temps, comme un esclave rebelle, en ôtant à Dieu l'empire de notre cœur, qui luy appartient par tant de titres. C'est s'être rendu coupable d'un excès d'ingratitude; car c'en eft une extrême que de n'aimer point celuy dont on a tout reçû, & duquel feul on peut recevoir tout ce qu'on peut defirer legitimement. C'eft s'être chargé du crime d'une horrible injuftice, que d'avoir ôté fon cœur à Dieu, à qui l'on doit tout, le donner à des créatures, à qui on ne doit rien.

pour

D. Cette pratique de la confeffion des pechez d'omiffion de l'amour de Dieu, ne nous peut-elle point jetter dans quelque écueil ?

R. Il faut éviter de vouloir fçavoir de ces omiffions plus que Dieu ne nous en fait connoître, & de prendre des vûës de fcrupule, au lieu de lumieres réelles. C'eft pourquoy; après avoir fait cette revûë de bonne foy, il vaut mieux s'appliquer à aimer Dieu à l'avenir, que de vouloir rechercher fcrupuleu

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