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fement toutes les fautes qu'on peut avoir commifes par omission, à l'égard de l'amour de Dieu.

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Du jugement qu'on doit porter de l'état des enfans des jeunes gens à l'égard du devoir d'aimer Dieu. De quelle forte il faut les en inftruire.

D. S'll eft abfolument neceffaire d'avoir cet

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amour de Dieu regnant dans le cœur; que doit-on juger de l'état des enfans depuis fept ou huit ans, jufqu'à quinze ou feize, puifqu'ils femblent dans cet âge n'être dominez que par l'amour du plaifir, & des chofes du monde ?

R. Les enfans ayant été baptifez, ont été certainement juftifiez, & ont eu cet amour en habitude; il faut donc qu'ils l'ayent perdu pour ne l'avoir plus; or lorfqu'ils n'ont point encore commis de crimes, on ne doit pas facilement juger qu'ils l'ayent perdu. La foibleffe de leur âge & de leur efprit, fait qu'il leur eft plus permis de vivre d'une vie animale, qu'à des perfonnes d'un âge plus avancé. Il les faut regarder à cet égard comme des malades qui ne font pas capables de s'appliquer long-temps aux chofes ferieufes: de plus, quoyque les enfans paroiffent impetueux dans leurs defirs, il y a fouvent en cux

plus de foibleffe, que d'attache & de corruption de cœur: c'eft ce qui doit empêcher de les condamner auffi promptement, à caufe de cette vie fenfuelle qu'ils menent. Mais comme il eft tres-poffible de perdre l'amour de Dieu, lorfqu'ayant l'ufage de la raison quoyque foible, on ne s'en fert point pour s'appliquer à Dieu; ceux qui les conduifent doivent tâcher par toutes fortes de moyens de les preferver de ce malheur.

D. De quels moyens fe faut-il fervir?

R. I. Il les faut accoûtumer à adorer Dieu plufieurs fois le jour, avec le plus de respect qu'ils peuvent.

2. Il faut tâcher de leur infpirer de faire leurs petits exercices dans la vûë de Dieu, & même leurs recréations & leurs jeux.

3. Il faut les accoûtumer à fe fouvenir de Dieu le long de la journée, à s'offrir à luy, à le prier de les conferver dans fa grace & dans fon amour.

4. Il faut leur reprefenter une ame sans amour pour Dieu, comme un cadavre horrible aux yeux de Dieu, & leur faire hender cet état.

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5. Enfin, il faut fe fervir de toutes les faintes industries, dont on fe peut avifer, pour les preferver de cette vie fenfuelle, dans laquelle les enfans ont accoûtumé de paffer toute

l'enfance.

D. De quelle forte doit - on regarder cet état, quand en s'examinant foy-même, on

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Te fouvient qu'on y a paffé toute fa jeuneffe, quoyque fans crime?

R. Il faut regarder cet état comme un état de tenebres, dont il n'y a que Dieu qui puiffe bien juger; il faut remercier Dieu de ne nous y avoir pas fait finir notre vie : il faut le reprefenter dans une confeffion generale d'une maniere fimple & fincere, fans trop approfondir, ni s'inquieter. Il faut enfin s'humilier devant Dieu, dans la vûë des fautes qu'on peut y avoir commises.

D. Que doit-on dire de la doctrine de ceux qui enfeignent, qu'on eft obligé fous peine de peché mortel, de faire un acte d'amour de Dieu, auffi-tôt après qu'on est arrivé à P'ufage de la raifon?

R. Puifque (la verité de cette opinion fuppofee) on ne fçauroit jamais fçavoir, fi l'on a, ou fi l'on n'a pas fatisfait à ce devoir il faut regarder le peché que l'on peut avoir commis par cette omiffion, comme une de ces fautes cachées, dont il faut s'humilier devant Dieu, mais dont on ne fe doit pas travailler l'efprit; puifqu'il eft clair que Dieu ne veut pas que nous nous fatiguions à connoître ce qui ne peut être connu.

CHAPITRE XI I.

De l'obligation que l'on a de travailler à aug menter fon amour pour Dieu. Dangers qu'il y a à s'en relâcher.

D. St-on obligé de travailler à augmenter fon amour pour Dieu ?

R. Ouy, a parce que l'amour de Dieu ne nous eft point commandé, felon Saint Thomas, dans une certaine mefure, & qu'il n'y à aucun degré de cet amour, que l'on puifle dire étre purement de confeil; c'eft ĉe qui fait dire à Saint Bernard, b que la mefure d'aimer Dieu, eft de l'aimer fans mefure.

D. Eft-on coupable, lorfqu'on n'aime pas Dieu dans toute la perfection avec laquelle il peut être aimé ?

R. c Non, dit Saint Auguftin; mais cette

C

In dilectione Dei non poteft accipi modus, ficut in re menfuyata, ut fit in ea accipere plus & minus? Sed ficut invenitur mo. dus in menfura, in qua non poteft effe exceffus. Sed quantò plus artingitur regula, tantò melius eft ; & ita quantò Deus plus diligitur, tantò eft dile&tio melior. S. Thom. 2. Secund. q. 26. art. 6.in corp.

b Caufa diligendi Deum, Deus eft; modus fine modo diligere. S. Bern. l. de dilig. Deo c. 1.

c Hoc primum præceptum juftitiæ, quo jubemur diligere Deum ex toto corde, & ex tota anima, & ex tota mente, in illa vita implebimus, cùm videbimus facie ad faciem; fed ideo nobis hoc etiam nunc præceptum eft, ut admoneremur, quid fide expofcere, quo fpem præmittere, & oblivifcendo que rerro funt, in quæ anteriora nos extendere debeamus. S. Aug. de /p. & lit. c. 36.

perfection nous eft feulement commandée, pour nous apprendre à quoy nous devons tendre, & où nous devons afpirer; en quoy l'amour de Dieu eft different des confeils, aufquels on n'eft point tenu, ni de tendre ni d'afpirer. Ainfi pour fatisfaire à l'étendue de ce précepte, il faut au moins que les defirs que nous avons de l'accomplir, ne foient point bornez; c'cft-à-dire, que nous ne nous contentions point d'une certaine mesure d'amour, mais que nous nous efforcions de nous avancer de plus en plus dans la charité par nos defirs, nos prieres, & nos bonnes œuvres, chacun felon fes forces, comme des voyageurs, dont les uns vont plus vite, les autres plus lentement, mais qui avancent tous vers le terme de leur voyage.

D. Ce defir de s'avancer dans l'amour de Dieu eft-il effentiel à la vie chrétienne?

R. a Saint Auguftin le regarde comme effentiel, parce qu'il declare que nul en fortant de ce monde n'entrera dans le ciel pour y être raffafié d'une éternelle juftice, s'il n'a eu en ce monde icy une faim. & une foif divine qui l'ait fait fans ceffe courir vers elle; & que c'eft pour cela qu'il eft dit dans l'Evangile, b qu'heureux font ceux qui ont faim

a Defiderantes talem vitam, qualem hîc non habemus, fed habere non poterimus, nifi eam hîc defideravimus. In Pf. 123. Qui non gemit peregrinus, non gaudebit civis, quia defiderium non eft in illo. In Pf. 148.

b Hic eft defertum ubi multùm fititur.... quia qui fitit in hoc faculo, in futuro fæculo fatiabitur, dicente Domino: Beati qui

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