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R. On en doit conclure, pour la confolation de plufieurs bonnes ames, qui ayant peu d'imagination, ont auffi moins de mouvemens fenfibles, & qui s'imaginent à caufe de cela n'avoir point d'amour pour Dieu; que ce jugement qu'elles portent d'elles-memes, n'eit pa, bien fondé : car quoyqu'elles n'ayent pas de mouvemens fenfibles pour l'humanité de Jefus - Chrift, il fe peut faire qu'elles ayent beaucoup d'amour pour Dieu, fi elles en ont beaucoup pour la verité & pour la justice; mais cela n'empeche pas qu'on ne doive travailler autfi à s'exciter à l'amour de Jefus-Chrift dans fes divers mysteres, & fur tout en fa croix. Car l'amour de la croix & des fouffrances de Jefus-Chrift n'eft pas feulement propre à nourrir ceux qui font dans Penfance de la grace; mais ceux meme qui y font plus avancez, felon ce que dic Saint Auguitin, que jefus-Chrift crucifié, ett un lait pour ceux qui font à la mammelle, & une viande folide pour les forts.

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a Sicue fecit mater ipfa fapientia, quæ cùm fit in excelfis Angel brum folius cibus, dignata et quodammodo iactefcere parvu lis, cum Verbum caro factum eft, & habiraviria nobis, fe ipfe homo Chriftus, qui vera carne, verá cruce, vera morte, verâ reforret ont fincerum ac dicitur parvulorum, cum bene ab fpiriralib capirar, invenitur Dominus Angelorum Proinde nec fic na vuli funt lactandi, ut fem er non inteliigant Dem hriftum, nec fic ablind, ut deferant hominem Chriftum.... Chriftus autem cruifixus lac fugentibus, & cibus eft proficifcenzibus. S. Aug. in Joan. Tract. 58.

Decal. Tome L

N

CHAPITRE XIV.

Des deux regards & des deux actions de l'amour de Dieu, avant le peché,

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Q

la chute de l'homme.

depuis

D. Uelle difference y a-t-il entre l'amour de Dieu, tel qu'il étoit dans Adam avant fon peché; & l'amour de Dieu, tel qu'il doit être dans l'état de l'homme déchû & tombé ?

R. C'eft que l'amour de Dieu dans Adam n'avoit aucun ennemi à combattre ; & ainfi, il n'avoit qu'un objet, qui étoit Dieu, & qu'une action, qui étoit de porter l'ame vers Dieu, & de la foumettre à Dieu; mais l'amour de Dieu dans l'état de l'homme déchû & tombé, ne nous porte pas feulement vers Dieu, mais il employe une partie de fon action & de fa force à combattre l'ennemi qu'il trouve en nous.

D. Quel eft cet ennemi qu'il trouve en

nous ?

R. C'est l'amour de foy-même & du monde, qui entraîne fans ceffe l'ame vers ellemême, & vers les créatures.

D. Quel eft donc l'employ de l'amour de Dieu dans cet état ?

R. C'eft de feparer l'ame de l'affection de rous ces biens bas & indignes d'elle, dont le

defir & la jouiffance la rendent impure, pour la porter vers fon unique bien, qui eft Dieu, par la poffeffion duquel elle devient pure; ce que Saint Auguftin exprime en cette maniere: a La Loy éternelle prefcrit à l'homme dedétourner fon amour des chofes temporelles, & de le purifier en le tournant vers les chofes éternelles.

D. Pourquoy l'ame devient elle impure par l'amour des créatures?

R. b Parce que l'impureté, felon Saint Auguftin, confifte dans le mélange d'une chofe plus noble avec une plus vile. Or, l'ame eft plus noble que tous les corps, & pouvant étre unie à Dieu par amour, elle s'avilit en s'unifiant avec quelque efprit créé que ce foit.

D. Cette purification de l'ame fe fait-elle tout d'un coup ?

R. Non; car l'employ & l'ouvrage que Dieu nous impofe pour toute notre vie, eft de diminuer en nous le poids de la concupifcence, pour augmenter celuy de la charité, jufqu'à ce que la concupifcence foit pleinement détruite & que la charité foit par

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å Lex æterna jubet avertere animum à temporalibus, & cor mundatum convertere ad æterna S. Aug.

b Si in terra eric cor, id eft, fi in c corde quifquis operetur aliquid, ut terrenum commodum adipifcatur, quomodo erit mundum quod in terra volutatur fordefcit enim aliqui cùm inferiori mifcecur naturæ.... animus nofter terrenorum cupiditatefordefcit. S. Aug. 1. 2. de ferm. Dom. c. 13.

Jubemur detrahere de pondere cupiditatis quod accedar ad pondus caritatis, donec illud confumatur, hoc perficiatur. Auge Ep. 89. C. 3.

faite, ce qui n'arrive pas néanmoins dans

cette vie.

D. La refiftance qu'il faut faire à la concupifcence va-t-elle jufqu'à s'empêcher de fentir fes mouvemens ?

R. On doit fouhaiter de n'avoir pas même ces fentimens déreglez, comme de colere & d'impatience; mais comme cela n'eft pas poffible, il fuffit de n'y pas confentir, de ne s'y plaire pas, de n'y pas obéir, & de leur refufer le miniftere des membres de fon corps.

D. Y a-t-il des paffions & des vices dont on fe guerille parfaitement ?

R. a Il y a des vices qui ceffent de faire de la peine à l'ame, & qui paroiffent comme morts; en forte qu'elle doit s'appliquer à la mortification de ceux qui font plus vivans. Une paffion eft morte, dit Saint Auguftin, & une autre eft vivante; foulez aux pieds celle qui eft morte & combattez contre celle qui vit; mais il ne s'y faut jamais fier abfolument. Car il y a toujours en nous un fond de corruption capable de faire revivre les vices qui paroiffent les plus éteints.

,

Quam multi proficientes non tam dele&ant, quæ antea delectabant.... quia jam non delectat, mortificatum eft. alea mortuum, tranfi ad vivum; calca jacentem, conflige cum refiente; mortua eft enim delectatio tua, fed vivit altera.... hæc eft actio noftra hæc eft militia noftra. S. Aug. de verbis Ap. ferm. 13.

c. 9.

CHAPITRE XV.

Que l'amour de Dien eft contraire à tous les pechez, & que tous les pechez combattent l'amour de Dieu.

D.NE s'enfuit-il pas de la doctrine du

Chapitre précedent, que tous les pechez font contraires à l'amour de Dieu, & que l'amour de Dieu combat tous les chez?

pe

R. Puifqu'il n'y a aucun peché qui fe commette fans concupifcence, c'eft-à-dire, fans l'amour de quelque bien perifiable, & que l'amour de Dieu eft contraire à l'amour des biens periffables, il s'enfuit clairement que l'amour de Dieu eft contraire à tout peché, & que qui aimeroit bien Dieu, ne pecheroit point, car il n'aimeroit aucune créature. Ainfi, tout peché eft contraire au commandement de l'amour de Dieu : Et c'est pourquoy l'on a dit que ce commandement d'aimer Dieu comprenoit tous les autres.

D. L'amour de Dieu n'eft-il contraire au peché qu'en une feule maniere ?

R. Il y eft contraire en plufieurs manieres; car notre cœur fe portant vers Dieu, felon fes differens attributs, & chacun de ces mouvemens étant un veritable amour de Dieu; il y a plusieurs de ces mouvemens qui ex

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