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CINQUIEME

INSTRUCTION!

De l'Amour de Dieu, comme verité, & comme Loy éternelle, ou Juftice.

CHAPITRE PREMIER.

Pourquoy nous fommes obligez de nous exciter à l'amour de Dieu, fous ces differentes idées. Difference qu'il y a entre ces notions

D.

do Dieu.

Omment faut-il entendre que l'amour de la verité, & de la loy éternelle, eft renfermé dans l'amour de Dieu ?

R. La nature de notre efprit eft de ne pouvoir rien aimer fans le connoitre, & fa petiteffe l'oblige de concevoir les objets, & principalement ceux qui le furpaffent, fous diverfes idées; c'eft pourquoy il faut neceffairement que pour aimer Dieu, notre esprit fe forme quelque idée de Dieu, en le concevant tantôt comme un être infini, independant &

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Del Amour de Dieu, comme verité. immense; tantôt comme le fouverain bien, tantôt comme un Efprit Créateur de toutes choses. Or entre ces idées, les plus utiles font de concevoir Dieu comme la verité éternelle, en qui l'on voit toute verité, comme la juftice & la rectitude fouveraine, qui eft la fource de toute justice & de toute rectitude; comme la loy éternelle & fubfiftante, à laquelle il eft neceffaire que l'homme obéiffe; parce que ces idées de Dieu font plus parfaites & plus éloignées des phantômes corporels.

D. Quelle difference y a-t-il entre ces notions de Dieu ?

R. Il eft certain que ces notions fe renferment en quelque forte l'une l'autre ; car la verité comprend la loy éternelle, & la loy éternelle eft la juftice éternelle : la feule difference eft dans notre maniere de concevoir, & elle confifte en ce que notre esprit fe forme une idée plus diftincte de la verité que de la juftice, quand il conçoit Dieu comme Verité, que quand il le conçoit comme Juftice: de même, il fe forme une idée plus diftincte de la juftice, que de la verité, quand il le conçoit comme Justice; quoyque ces deux notions fe renferment mutuellement : c'eft pourquoy on paffe facilement de l'une à l'autre.

SECTION PREMIERE.

De l'Amour de Dieu, comme Verité.

CHAPITRE PREMIER.

Comment il faut concevoir que Dieu est la Verités Que cette connoiffance fait notre vray bien.

D. Aites-nous comprendre comment Dieu eft la verité ?

D.FA

R. Il faut concevoir que lorfque divers efprits conçoivent en divers lieux les veritez éternelles & immuables; ces veritez font prefentes à ces efprits, & font comme une même lumiere qui les éclaire tous: or cette lumiere qui eft l'objet de leur entendement, n'eft autre que Dieu même, comme verité éternelle, qui fe manifefte à eux. a Saint Auguftin veut que ce foit cette méme lumiere qui convainc l'efprit de toutes les veritez, même humaines, aufquelles il acquiefce; parce que, dit-il, que les livres & les difcours des hommes ne nous enfeignent pas les veritez, ils ne font que les propofer; mais.

a Lumen illud unde anime tanquam lucerne accenduntur, non alieno, fed proprio fplendore præfulger, quod eft ipfa veritas. Aug. in Pf.7.

ce qui fait que l'efprit y acquiefce, eft une lumiere interieure qui l'en convainc, & cette lumiere eft Dieu même.

que

Cela fe peut dire bien plus certainement lorfque l'entendement a pour objet les loix éternelles & immuables de Dieu; comme > par exemple, lorfque notre efprit conçoit & fe convainc qu'il ne faut pas faire aux autres, ce que nous ne voudrions pas que les autres nous fiffent: Qu'il faut conferver l'ordre naturel, & non le troubler: Que l'ordre vaut mieux , le defordre: Qu'il faut conduire fa vie par raifon, & non par paffion: Qu'il faut rendre à chacun ce qui luy appartient: Qu'il faut que les chofes qui ont moins de bonté, foient foumifes à celles qui en ont plus: Que l'incorruptibilité vaut mieux que la corruption: Que l'être eft préferable au néant: car ces regles immuables & éternelles, qui font prefentes à tous les efprits; qui ne font point attachées à un temps, plûtôt qu'à un autre; qui n'ont ni paffe, ni prefent, ni futur; qui font les regles de nos jugemens, & qui font ainfi clairement au deffus de l'efprit de l'homme, ne font autre chofe que la verité' même, qui brille dans l'efprit de ceux à qui elle fe manifefte; &

cette verité eft Dieu même.

D. Comment faut-il donc concevoir Dieu, pour le concevoir comme verité ?

R. I. Il faut confiderer que, felon Saint

Auguftin, a Dieu eft la verité immuable, qui comprend tout ce qui eft immuablement vray; en forte que perfonne ne peut appeller fienne une verité qui eft prefente à son esprit, & dont il eft convaincu, pour marquer qu'elle n'eft pas à un autre.

2. b Que les ames font éclairées à proportion qu'elles s'approchent de cette verité; qu'elles font tenebreuses à proportion qu'elles s'en éloignent.

3. c Que c'est même dans ce livre de lumiere que les méchans voyent qu'ils font mal, & que c'eft ce qui les rend inexcufables; que la connoiffance claire de cette verité fera notre beatitude dans l'autre vie, qu'ainfi la felicité dont nous jouïrons dans le Ciel, ne fera qu'une joye que nous aurons de la verité.

D. Si l'on ne connoît la verité que parce

a Nullomodo negaveris effe incommutabilem veritatem, hæc omnia quæ incommutabiliter vera funt, continentem, quam non poffis dicere tuam vel meam, vel cujufquam hominis, fed omnibus incommutabilia vera cernentibus tanquam miris modis, fecretum & publicum lumen præfto effe, ac fe præbere communiter. Aug. 2. de lib. arb. c. 11.

b Videre quid eft in anima humana, non habet ex fe lumen, non habet ex fe vires. . . . eft quædam, ut ita dicam, regio incommutabilis veritatis, ab hac anima recedens tenebratur, accedens illuminarur. Idem in Pf. 58. fer. I.

c Ubi ergo fcriptæ funt regule juftitiæ, nifi in libro lucis illius que veritas dicitur? Unde omnis lex juga defcribitur, & in cor hominis qui operatur juftitiam, transfertur.... qui verò non operatur, & tamen videt quid operandum fit, ipfe eft qui ab illa luce avertitur. Qui autem nec videt quemadmodum fit vivendum, excufabiliùs quidem peccat, &c. L. 14. de Trinitate

6. 15.

Beata quippe vita eft gaudium de veritate. L. 10. Conf. 6. 23.

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