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qu'elle éclaire nos efprits par fa lumiere; ne s'enfuit-il pas que nous ne fçaurions apprendre la verité que de Dieu ?

R. C'eft une confequence que Saint Augustin tire en bien des endroits de fes ououvrages il n'y a point, dit-il, d'autre maître de la verité que vous, Seigneur : Neque enim eft quifquam præter te, Domine, Doctor veritatis.

D. La verité eft donc notre bien?

R. a La verité eft tellement le vray bien de tous les hommes, que nous ne fçaurions rien aimer, qu'en nous perfuadant qu'il eft bon, & qu'il eft vray. C'est pourquoy l'homme corrompu ayant attaché fon cœur à des créatures indignes de luy, y attache auffi une fauffe idée de bonté & de verité. On aime le vray, & on veut toûjours que ce qu'on aime foit vray. Ceux même qui prennent plaifir à tromper les autres, ne veulent pas qu'on les trompe; & rien ne peut at

a Hanc vitam beat am omnes volunt, hanc vitam quæ fola beata eft, omnes volunt, gaudium de veritate omnes volunt: multos expertus fum qui vellent fallere, qui autem falli, neminem. Ubi ergo noverunt hanc vitam beatam, nifi ubi noverunt etiam veritatem? Amant enim & ipfam, quia falli nolunt .... fic amatur veritas, ut quicumque aliud amant, hoc quod amant velint effe veritatem. L 10. Confef. c. 23.

Ufque adeo rationabilis natura refugit falfitatem, & quantùm poteft devitat errorem, ut falli nolint etiam quicumque amant fallere. Enchir. c. 17.

Ipfe per feipfum error aut magnum in re magna, aut parvum in re parva, tamen femper eft malum. Quis enim nifi errans, ma. lum neget, approbare falfa pro veris, aut improbare vera pro falfis Ibid. c. 19.

tirer le cœur de l'homme fous l'idée de fauffeté.

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Il y a des fauffetez & des erreurs plus mauvaises les unes que les autres mais il eft impoffible que l'homme ne juge que l'er-, reur, comme erreur, & la fauffeté, comme fauffeté, eft un mal & ce fentiment eft ́tellement gravé dans le fond de fon cœur, qu'il n'eft pas en fa puiffance de l'effacer.

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D. D'où vient donc que la verité étant fi aimable, il y a tant de perfonnes qui la haiffent?

R. C'eft qu'ils ont attaché leur amour à des biens faux, aufquels ils ont joint l'idée de verité : de forte que lorfque la verité réelle s'oppofe à leur paffion, ils fe revoltent contre elle, ils ne la veulent pas reconnoître pour verité; ou s'ils font obligez malgré eux de la reconnoître pour telle, ils ne laiffent pas de la hair: Car l'amour des faux biens que l'on veut prendre pour vrais, rend odieufes les regles de la verité, parce qu'elles convainquent l'efprit de l'injuítice & de la fauffeté de fon choix.

CHAPITRE I I.

Des effets de l'amour de la verité à notre égard.

D.

Comment faut-il aimer la verité ?

R. Puifque, comme nous venons de dire dans le Chapitre précedent, la verité est Dieu méme, il eft clair qu'il la faut aimer pour elle-même, & ne la rapporter pas

à

une fin plus baffe; il en faut jouir, & non pas en ufer: ainfi, il n'en faut pas faire un fujet de vanité, ni un prétexte d'interêt, ni un moyen d'exercer fa malignité en rabaiffant les autres.

D. Quels effets doit avoir cet amour de la verité?

R. Tous les effets qu'un veritable amour doit avoir, tant à notre égard, qu'à l'égard

des autres.

D. Quels effets doit avoir l'amour de la verité à notre égard?

R. I.

Celuy de nous la faire écouter & recevoir avec joye. 2. Celuy de la faire regner fur toutes les paffions de notre ame & de notre corps, qui peuvent être reglées par elle.

D. Comment faut-il écouter la verité ?

R. Il'la faut écouter avec docilité, & avec un cœur prêt de la recevoir.

D. Où faut-il écouter la verité ?

R. Il faut écouter la verité où elle nous parle. Or elle nous parle au fond de notre ame; c'est là qu'elle fe fait entendre à ceux qui luy prêtent l'oreille; car quoyqu'elle nous puifle être exterieurement propofée en bien des manieres, on ne l'entend néanmoins qu'au dedans de foy.

D. D'où vient qu'il y en a fi peu qui écoutent la verité ?

R. a C'eft que prefque tout le monde eft hors de foy-même, & fugitif de fon cœur, comme parle Saint Auguftin. Ainfi, l'on n'entend point ce que Dieu nous y dit, & l'on fe prive de ce qu'il nous y diroit, fi nous n'étions point aveuglez par l'amour des chofes temporelles, comme dit le même Saint.

D. Quel eft donc le moyen d'entendre la voix de Dieu ?

,

R. C'eft de retirer fon efprit du tumulte du monde & de l'épanchement au dehors en pratiquant ce que dit David. b Audiam quid Loquatur in me Dominus Deus: J'écouteray ce que le Seigneur Dieu dit en moy.

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a Homines appetentes ea quæ foris funt, etiam à feipfis exules fatti funt: data cft etiam confer.pra lex non quia in cordibus fcripta non erat, fed quia tu fugitivus eras cordis tui, &c. Aug. in Pf. 57.

Parum eft intrare in cubicula, fi oftium pateat importuno, per quod oftium ea quæ foris funt improbè e immergunt, & interiora noftra appetunt. Foris autem diximus effe omnia temporalia & vifibilia. , quæ per oftium, id eft, per carnalem fenfum in cogitationes noftras penetrant, & turba vanorum phantafmatum orantis bus obftrepunt. De fer. in monte l. 2. c. 3•

bpf.84. v. 8.

D. Que s'enfuit - il de là?

R. Il s'enfuit qu'il n'eft pas permis à perfonne de fe remplir de telle forte des chofes du monde, qu'il en devienne incapable d'écouter Dieu au fond de fon cœur & , que l'amour de la verité nous doit obliger à faire tous nos efforts pour éloigner, & retrancher en nous tout ce qui nous rend incapables d'entendre fa voix interieure.

D. Tous les hommes font-ils donc obligez de fe retirer du monde pour écouter Dieu ?

R. Chacun eft obligé de fe retirer du monde & du tumulte, autant qu'il eft necefiaire pour écouter Dieu; mais cette neceflité est inégale, felon la diverfité des difpofitions des hommes. Il y en a à la verité qui font affez recueillis pour entendre la voix de Dieu, même dans le tumulte des affaires, & qui ne laiffent pas au milieu des plus grands embarras, & des emplois les plus confiderables, de régler le gros de leur vie par la vue de la verité; mais fi l'on voyoit que fon efprit fût tellement plongé dans les affaires du fiecle, qu'on fût par la incapable de penfer à Dieu, de vivre pour Dieu, & d'entendre fa voix; il eft certain qu'on devroit fonger à une plus grande feparation du monde. Car enfin, il faut préferablement à toutes chofes donner à son ame ce qui luy eft neceffaire pour fon falut.

D. Quels autres obftacles faut-il retrancher?

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