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pelle hypocrifie, dont il eft neceffaire de parler icy.

D. Qu'est-ce que l'hypocrifie ?

R. Elle confifte proprement à avoir deffein de donner par fes actions exterieures une opinion plus avantageuse de sa vertu, que la verité ne le permet.

Je dis que c'eft avoir le deffein : car il est certain que tout le monde feroit hypocrite, fi l'hypocrifie confiftoit à donner en effet une opinion de fa vertu, qui aille au-delà de la verité; parce qu'il y a une infinité de défauts dans nos difpofitions interieures ; & cependant nos actions exterieures les reprefentent fouvent, comme fi elles étoient fans défauts.

D. Ce vice eft-il fort commun?

R. Il n'eft pas fort commun dans fon excès, c'est-à-dire, qu'il eft affez rare de voir des. gens qui veuillent pafler pour faints, & qui n'ayent aucun amour pour la vertu; mais ce vice eft tres-commun dans un degré mediocre, & il y a peu de Chrétiens qui en foient entierement exempts ; & même parmi les perfonnes qui ont acquis quelque degré de perfection dans le chemin de la vertu, iky en a tres-peu qui ne faffent aucune action exterieure de pieté par une fecrete vanité. Or toute action de pieté faite par vanité, est une hypocrifie; parce qu'on veut que cette action foit prife pour une action de pieté, au lieu que c'eft une action de vanité.

Decal. Tome I.

R

D. Puifque, fuivant ce qui vient d'être dit, on doit agir au dehors suivant ses difpofitions interieures, faut-il que ceux qui ne font pas humbles faffent des actions d'orgueil, pour éviter d'être hypocrites ?

R. Nullement; ils doivent éviter les actions d'orgueil, parce qu'elles font mauvaifes; ils doivent condamner leur orgueil interieur, & travailler à le détruire, en l'empêchant de fe répandre au dehors; mais ils doivent auffi éviter de faire des actions d'humilité non neceffaires, dans lesquelles on voudroit paroître humble, lorsqu'on ne l'eft pas.

D. Y a-t-il de l'hypocrifie à fupprimer exterieurement les mouvemens déreglez, dont on eft agité au dedans?

R. Non, parce que c'eft l'execution d'un devoir; car puifque l'on ne peut pas ahéantir entierement ces mouvemens déreglez qui naiffent de la concupifcence qui eft en nous, & contre laquelle il faut toujours combattre dans cette vie; il faut tâcher de les affoiblir, en leur retranchant les actions exterieures; mais il y auroit de l'hypocrifie, fi cette fuppreffion du mouvement interieur des paffions, étoit un effet de vanité & de defir de paroître faint.

D. Pour corriger cette hypocrifie, ne seroit-il pas à propos alors de faire paroître au dehors ces mouvemens interieurs des paffions déreglées, dont on eft agité?

R. Non, mais il faudroit corriger cette intention de vanité, & en demander pardon à Dieu: il faut auffi faire l'action qu'on s'eft propofée, fi elle eft à faire, mais par une autre intention que la vanité & l'orgueil; car c'eft la regle qu'on doit fuivre dans toutes les chofes qui font d'obligation & de juftice, dans lefquelles on s'apperçoit que la vanité & l'hypocrifie fe mêlent. Il ne les faut pas abandonner, parce qu'on eft obligé d'ailleurs à les faire, mais il faut corriger l'intention corrompuë qui s'y mêle. Que fi les actions ne font pas d'obligation, il eft quelquefois plus à propos de les quitter, & il fuffit auffi quelquefois d'en corriger la mauvaise intention; ce qui dépend des circonstances, & de la difpofition de celuy qui les fait.

D. N'y a-t-il que l'hypocrifie par laquelle on puiffe bleffer la verité par fes actions?

Ŕ. On la bleffe de même par toute autre forte de déguisemens & de fictions, & genetalement par toutes les actions exterieures par lefquelles on veut imprimer une idée contraire à la verité. Par exemple, quand en vivant avec les Grands, on témoigne par fon vifage & fes geftes d'approuver ce qu'ils approuvent, ou d'improuver ce qu'ils improuvent, plus qu'on ne penfe réellement ; cette action qui fait la mauvaise complaisance, eft une espece d'hypocrifie.

D. N'y avoit-il point de déguisement dans Paction que fit Notre Seigneur avec les Dif

ciples d'Emaus, lorfque, dit l'Evangile, il feignit d'aller plus loin?

R. Non, il n'y en avoit point; car notre Seigneur n'avoit envie de demeurer avec eux, qu'au cas qu'ils le retinffent, & par une efpece de violence. Or il ne témoigna rien par fon action exterieure de contraire à cette difpofition. Son action marquoit un dessein de les quitter; & il les eût en effet quittez, s'ils ne l'euffent retenu; mais comme il fçavoit qu'ils le retiendroient, l'Evangile s'eft fervi de ce mot de finxit, il feignit, quoyqu'il n'y eût point en cela de fiction contraire à la yerité.

S. III.

De la haine de la verité.

D. Outre les défauts contraires à l'amour de la verité, qui ont été marquez cy-deffus, n'y a en a-t-il point d'autres qui y foient oppofez encore plus directement ?

R. La haine de la verité y eft encore plus oppofée que le mensonge & l'hypocrifie car ce font d'ordinaire d'autres paffions qui portent au menfonge & à l'hypocrifie; mais la haine de la verité attaque directement la verité elle-même.

D. D'où vient la haine de la verité ?
R. a Elle vient de quelque paffion pour
Propter eam rem oderunt veritatem, quam pro veritate

quelque objet que la verité condamne, ce qui la rend odieuse: on l'aime, dit Saint Augustin, quand elle montre fa lumiere; mais on la hait, quand elle reprend.

D. Ce défaut eft-il commun?

R. a Il se rencontre en quelque degré dans tous les pechez, puifque l'Evangile dit expreflément, Que quiconque fait mal, hait la lumiere, ne s'approche point de la lumiere, de peur que les œuvres ne foient manifeftées.

D. La haine de la verité eft-elle un grand peché.

R. b Saint Auguftin répond que le crime de ceux qui haïffent les préceptes de la verité, eft auffi grand que celuy de ceux qui ont crucifié Jefus Chrift, puifque c'eft par la haine de la verité que les Juifs ont fait mourir Jefus-Chrift.

D. Comment s'engage-t-on dans la haine. de la verité?

R. Toutes nos paffions nous y peuvent engager: mais fur-tout la vanité, l'orgueil & Pamour de nos propres opinions nous difpofent à hair les veritez qui y font contraires; c'est pourquoy il n'y a rien de plus dangereux que de prendre un mauvais parti, parce

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mans. Amant eam lucentem oderunt eam redarguentem. Aug. 4. Conf. c. 23.

« Omnis enim qui malè agir, odit lucem, & non venit ad lu cem ut non arguantur opera ejus. Joan. 3. 20.

Videtur confummara nequitia hominum qui crucifixerunt FiJium Dei, fed eorum major eft qui nolunt recte vivere, & odeFant præcepta veritatis, pro quibus crucifixus eft Filius Dei. In Pf. 7.

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