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que l'amour de notre propre fentiment nous rend infenfiblement ennemis de la verité qui le condamne ; & c'est là en particulier la caufe de toutes les herefies.

C'eft auffi ce qui doit donner un éloignement particulier de l'efprit de contention: car par cet efprit on se rend propres certains fentimens ; on les épouse, & on devient ennemi de ceux qui y font contraires; on veut triompher de la verité, au lieu de fe laiffer vaincre par elle; ce qui renferme un déréglement horrible, puifque l'on veut faire prévaloir la faufleté fur la verité; c'eft-à-dire, l'emporter en quelque forte fur Dieu mê

me.

D. Quels font les effets de la haine de la verité ?

R. D'éblouir la raison, & de forcer l'entendement à employer la lumiere pour trouver des prétextes à l'erreur.

D. Quelles conclufions doit-on tirer de là,

pour

les conteftations qui arrivent dans l’Eglife, & qui partagent quelquefois les Catholiques?

R. Que ceux qui reconnoiffent qu'ils ont été engagez dans un parti réellement contraire à la verité, ont fujet de craindre que quoyqu'il leur paroifie qu'ils ont agi de bonne foy, il n'y ait eu en eux une haine fecrete de la verité, née d'un attachement à leurs propres opinions, ce qui auroit rendu leur di pofition criminelle devant Dieu.

CHAPITRE VII.

Des effets que l'amour de la verité doit avoir à l'égard du prochain.

D.

Doit-on fe contenter de connoître seul

la verité ?

R. Comme il eft dû à la verité de regner fur tous les hommes, il eft impoffible de Paimer fincerement, fans defirer d'établir fon empire, en faifant en forte, autant que nous le pouvons, qu'ils l'écoutent, qu'ils la reçoivent & qu'ils luy obéiffent.

D. A quoy

fe reduifent nos devoirs envers

la verité à cet égard?

R. A trois principaux.

1. A la manifefter felon les regles de la prudence.

2. A ne la pas produire, quand il eft de l'interêt de la verité qu'on la cache.

3. A l'honorer par la maniere dont on la propofe, & par toute la fuite de fa vie.

S. I.

Premier effet de la verité à l'égard du prochain, qui eft la manifeftation de la verité.

D. Qu'est-ce que le devoir de manifefter la verité ?

.

la

R. C'est l'obligation où l'amour de la verité nous met fouvent de la foutenir, de la découvrir, de la communiquer, & de luy rendre témoignage, non-feulement dans les chofes de Foy, mais aufli dans d'autres chofes humaines: ainfi, on eft fouvent obligé de ne fouffrir pas de faufles louanges; on eft fouvent obligé de communiquer aux autres ce qu'on a appris par l'étude ou par priere; on eft fouvent obligé de travailler à L'inftruction du prochain dans la Foy & les bonnes mœurs; on eft encore souvent obligé de rendre témoignage à l'innocence de diverfes perfonnes injustement accufées ; on eft fouvent obligé de détromper des perfonnes mal informées, & de donner des avis charitables à ceux, qui s'égarent: car, comme dit Saint Gregoire le Grand dans fes Morales, a il arrive dans la paix méme de l'Eglife, des rencontres qui font juger que certai nes perfonnes ne font pas fidéles à Dieu; ily en a qui defavouent la verité par la complaifance qu'ils ont pour les Grands, lors même qu'il y va du bien & de l'honneur du prochain. Que feroit cet homme, dit le même Pere, s'il étoit exposé à la gêne & aux tour

a Sunt præterea plurima, que quofdam in ipfa pace Ecclefir conftitutos, infideles effe renuntient. Video namque nonnullos ita perfonam potentis accipere, ut requifiti ab eo pro favore ejus non dubitent in caufa proximi veritatem negare..... Ponamus ergo ante oculos quòd aliquis percontatus perfonam potent is accepit, & ne verbi faitem injuriam paterecur, veritatem negavit: Quid, rogo, ifte faceret in dolorem pœnarum, qui Christum erubuit in flagella verborum. S. Gregor. Mor. 29.6. 6.

mens, luy que des reproches de paroles empêchent de dire la verité ?

D. Quelles regles peut-on fuivre pour difcerner ces obligations?

R.Ceux qui font engagez par leur miniftere à annoncer la verité, & à la défendre, n'ont gueres à en fuivre d'autre, que celle de l'utilité du prochain, ce qui fe difcerne par la prudence. Ils doivent dire la verité, lorfqu'elle peut être utile au prochain. Ils la doivent dire, lorfqu'on tâche de l'obfcurcir, & qu'ils font capables de la défendre. Ils la doivent dire, lorsqu'en la taifant ils feroient préjudice à l'honneur de Dieu. a Ils la doivent annoncer, dit Saint Augustin, à ceux même dont la correction eft incertaine, & en l'annonçant, ils ne doivent point craindre les hommes, ni tout ce qu'ils leur peuvent faire, parce qu'ayant Dieu pour protecteur, ils font toujours plus forts que les hommes, & que le plus grand honneur qui leur puifle arriver, eft de fouffrir & de mourir pour la verité.

D. Quelles regles doivent fuivre ceux qui ne font pas engagez par leur miniftere à publier la verité?

R. Il faut qu'ils y ayent quelque engagement particulier de charité ou de providen

a Fidelis juftitiæ prædicator, etiamfi ab hominibus refpuatur abfit ut apud Deum fui officii mercede fraudetur. Res enim certa fit ad incertum .... incertum enim eft utrùm affenfurus fit, cui veritas prædicatur: fed certum eft etiam talibus veritatem prædicari oportere. S. Aug. l. 1. cont. Cres. c. 5.

ce, qu'ils ne s'y nuifent point à eux-mêmes en s'y portant, & qu'ils évitent avec foin de s'engager aux chofes qui demandent plus de lumiere, ou plus d'autorité qu'ils n'en ont: mais il ne faut pas croire que ceux qui ne font pas dans les minifteres de l'Eglife, foient entierement exempts de la pratique de ce devoir, de faire connoître la verité à ceux qui l'ignorent. Il y a une infinité de manieres de le faire, qui leur font permifes; & comme il peut y avoir de l'excès dans ceux qui font trop entreprenans, il peut y avoir auffi un excès de timidité, à refuser d'inftruire des perfonnes qui en ont befoin, pourvû qu'on ne faffe rien contre les regles, & qu'on n'ufurpe point ce qui eft propre aux Miniftres de l'Eglife: Et c'eft l'inftruction que Saint Auguftin donne à des Laïques, en leur difant a Soyez Miniftres de JefusChrift, felon la proportion de votre état, en menant une vie fainte, en faisant des aumôen prêchant fon nom & fa doctrine a

nes,

tous ceux que vous pouvez.

D. Que faut-il faire lorfqu'on prévoit qu'en parlant de la verité devant des perfonnes, il y en aura qui s'en aigriront, d'autres qui s'en édifieront?

a Cùm ergo auditis, fratres, Dominum dicentem: Ubi ego fum, illic Minilter meus erit nolite tantummodo bo nos Epifcopos & Clericos cogitare. Etiam os pro modo veftro miniftrate hrifto, bene vivendo, eleemofynas faciendo, nomen, do&rinamque ejus, quibus potueritis prædicando. Tra. 51. in Joan.

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