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CHAPITRE II I.

Des pechez oppofez à la justice de Dieu.

D.E

S. I.

Du peché d'ingratitude envers Dieu.

D. St-ce un peché fort commun que l'ingratitude envers Dieu ?

R. Ouy, parce que ceux qui ne font point à Dieu ne penfent point à luy rendre graces de fes bienfaits: & parmi ceux même qui menent une vie chrétienne, il y en a plufieurs qui font poffedez d'une efpece d'avarice spirituelle; car ils penfent toûjours à ce qu'ils n'ont pas, & prefque jamais à ce qu'ils ont. Ainfi ils demandent fans ceffe, & ne rendent prefque point de graces à Dieu de ce qu'ils reçoivent.

D. Eft-ce un peché dangereux ?

R. Ill'eft tellement que Saint Bernard dit a que c'eft la caufe ordinaire des chûtes des

a Ingratitudinem prorfus odit anima mea. Peremptoria fiquidem eft ingratitudo, hoftis gratiæ, inimica falutis.... Nihil ita difplicet Deo, præfertim in filiis gratiæ, in hominibus converfionis, quemadmodum ingratitudo; vias enim obftruit gratiæ, & ubi fuerit illa jam gratia acceffum non invenit. S. Bern. fer. 2. in Dom. IV. poft Pentecoft.

Omnino fola nos à profe&u converfionis impedit ingratitudo noAra, dum quodammodo amiffum reputans dator, quod ingratus accepit, cavet fibi de cætero, ne tantò plura amitteret, quantò plura confertet ingrato. Id. de diverf. fer. 27.

juftes; que c'eft l'ennemi de l'ame, qu'il la dépouille de tout merite, qu'il diffipe les vertus, qu'il fait que Dieu regarde les bienfaits comme perdus, & qu'il feche & tarit la fource de la bonté de Dieu.

D. En quoy confifte l'ingratitude?

R. A s'attribuer à foy-meme, & à son induftrie, ce que l'on a reçû de Dieu. A oublier les graces de Dieu lors même que l'on ne fe les attribuë pas. A n'étre point touché des bienfaits de Dieu, & à n'avoir aucun foin de l'en remercier. A abufer des dons de Dieu contre la fin pour laquelle il nous les accorde.

D. Que faut-il faire lorfqu'on ne connoît point en foy ce vif fentiment, qu'on doit avoir des graces qu'on a reçûës de Dieu ?

R. Il faut condamner la dureté de fon cœur, & demander à Dieu la vertu de reconnoiffance avec inftance. Il faut enfin pro- . noncer des paroles de gratitude, en reconnoître interieurement la juftice, & demander à Dieu qu'il les imprime dans notre cœur. C'eft pourquoy c'eit encore là un des pechez ordinaires des Chrétiens, de ne pas travailler à établir leur ame dans une difpofition de reconnoiflance, par la pratique des moyens que nous venons de marquer. Car la reconnoiffance envers Dieu eft un devoir & une difpofition neceffaire; ainfi on peut dire que c'eft un peché que de ne pas travailler à l'acquerir.

D. Comment faut-il fe confeffer de ces fortes de pechez?

R. Il faut marquer à fon Confeffeur fes negligences à remercier Dieu de fes bienfaits ordinaires & extraordinaires, l'oubli où

l'on a vêcu des graces de Dieu, le peu de fentiment qu'on en a eu, & le peu d'effort que l'on a fait pour entrer dans les difpofitions où l'on devoit être à cet égard.

D. Quelle la cause la plus ordinaire de l'ingratitude envers Dieu ?

R. C'est l'attache aux créatures visibles, qui fait que l'on ne regarde que les chofes temporelles,& qu'on ne remonte pas à la premiere caufe qui gouverne tout. Ainfi on n'attribue le bien qu'on reçoit, qu'aux causes fecondes ; on ne s'occupe que des créatures, & l'on ne pense point à Dieu, qui nous fait par elles tout le bien que nous en re

cevons.

D. Quels font les vices qui renferment l'ingratitude?

R. Tous les vices la renferment en quelque forte, puifque dans tous les vices on ufe des créatures contre les fins de Dieu, qui nous en accorde l'usage: mais elle eft particulierement renfermée dans l'orgueil & la vanité, parce qu'on s'y attribuë plus expreffément`. les dons de Dieu.

S. IL.

Du peché d'Orgueil.

D. Qu'est-ce que l'Orgueil?

R. C'est l'amour de l'excellence, & pat confequent l'amour de l'indépendance, de la grandeur, de la préference, de l'eftime, des louanges, de la confiance & de l'amour des hommes: car on excelle par tout cela.

D. Est-il neceffaire pour être orgueilleux, de croire que l'on à plus de merite que les autres, & qu'on eft digne de leur être préferé ?

R. Il fuffit de le defirer; car il y en a qui connoiffent leur baffeffe, & qui ne laiffent pas d'être orgucilleux, par l'amour qu'ils ont pour la grandeur, & pour tout ce qui les pourroit rehauffer dans l'efprit des hommes. Ainfi, l'orgueil ne confifte pas feulement dans une vaine complaifance pour les qualitez qu'on croit avoir; il confifte auffi dans le defir de les avoir, & même dans le dépit que l'on fent d'en être privé..

D. En combien de manieres peut-on avoir une vaine conplaifance dans les biens qu'on a reçûs de Dieu ?

R. a Saint Auguftin l'exprime par ces pa

a Sed fibi placentes multùm tibi difplicent, non tantùm de non bonis quafi bonis, verum eriam de bonis tuis quafi fuis: aut etiam ficut de tuis, fed tanquam ex meritis fuis: aut etiam ficut ex graDecal. Tome I.

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roles: Ceux-là vous deplaisent beaucoup, Seigneur, qui ont de la complaifance en euxmêmes, & qui s'élevent, ou de ce qui n'eft pas un bien, comme fi c'étoit un bien; ou de ce qui eft un bien & qu'ils ont reçû de vous,comme s'ils l'avoient par eux-memes; on de ce qu'ils avouent avoir reçû de vous, mais qu'ils croyent être la recompenfe de leur merite; ou enfin de ce qu'ils reconnoiffent être un don de la grace, & non le prix de leurs merites; mais qu'ils font bien aifes que leurs freres n'ayent pas, afin d'avoir cet avantage fur

.eux.

S. II I.

De l'Humilité, comme vertu opposée au peché d'Orgueil.

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Que l'Amour de Dieu comme Juftice produit en nous l'Humilité. Differentes fortes

d'Humilité.

D. Quelle eft la vertu qui eft oppofée au peché d'Orgueil ?

R. C'eft l'Humilité.

D. L'Amour de Dieu comme Justice dé

truifant en nous l'Orgueil, c'eft donc une

tia tua, non tamen focialiter gaudentes, fed aliis invidentes es. Aug. Confeff. lib. 1o. cap. 39.

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