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cufer, quand on a raifon de le faire, & qu'on a fujet de juger qu'en s'excufant, on peut effacer une impreflion fauffe & préjudiciable à ceux qui l'ont; mais il n'est jamais permis de excufer, quand on a tort, ni même quand on a raifon, fi dans fes excufes l'on n'a point d'autre but que de s'exempter de l'humiliation.

D.L'humilité oblige-t-elle à approuver les fautes que l'on fait, parce qu'elles nous aviliffent?

R. Non, mais elle oblige à agréer l'aviliffement, qui nous arrive par nos fautes, comme la perte ou la diminution de notre reputation, & le mépris qu'elles nous attirent. C'eft ce que Saint François de Sales appelle l'amour de fa propre abjection; car il y a de la juftice & de l'utilité dans ces aviliffemens.

D. Pourquoy Saint Auguftin dit-il que l'humilité enferme une élevation qui nous rehauffe au deffus de tout?

R. Parce que celuy qui ne defire aucune élevation, aucun honneur, ni aucune louange, eft au deffus du monde, & que le monde ne le peut abbattre, ni par l'efperance de ces chofes, ni par la crainte de les perdre.

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Deux avis importans pour ne fe pas tromper dans la pratique de l'humilité.

D. Quelles regles doit-on garder dans la pratique de l'humilité?

R. Saint Auguftin en propofe une treseffentielle : fçavoir, a qu'il faut que Phumilité foit établie fur la verité, & non fur le menfonge. Ainfi, il ne faut jamais prétendres'humilier par des paroles de menfonge. Nous avons affez de fujets réels de nous humilier fans en forger de faux. Le menfonge meme n'humilie pas veritablement; parce qu'il ne. perfuade pas à l'ame qu'elle eft vile.

D. Quelle eft la feconde regle?

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R. C'eft de n'avoir pas pour but de paroître humble, mais vil: car paroître humble, c'eft une chofe glorieufe. Ce n'eft pas qu'il faille pour éviter de paroître humble, faire des actions d'orgueil; car il n'eft pas permis de fcandalifer le prochain, au contraire il eft jufte de l'édifier. De plus, l'ame fe conformant aux actions exterieures, deviendroit orgucilleufe par ces actions de hauteur; ainfi il faut fe moderer même dans les actions ex

a Non accipie Deus mendacem humilitatem.... nam quomodo eft humilitas ubi regnat falfitas? S. Aug. ferm. 122. de verb. Ep. S. Joan. Vide apud eundem lib. de, nas. & grøk cap. 34. 35.

terieures d'humilité, qui la font paroître aux yeux du monde.

D. Dites-nous quelque confequence de' cette régle?

R. C'en cft une bien naturelle, qu'on doit avoir pour fufpectes les actions d'humilité de ceux qui veulent bien s'humilier, mais qui ne veulent pas qu'on les humilie ; qui veulent bien s'accufer, mais qui ne veulent pas qu'on les accufe; car il y a bien de l'apparence que ces personnes voyent bien qu'elles ne s'aviliffent pas en s'accufant, & en s'humiliant; au lieu que les accufations & les humiliations qui viennent des autres les aviliffent effectivement, & c'eft pourquoy elles" ne les peuvent fouffrir.

D. Eft-il toûjours bon de s'humilier?

R. Il est toujours bon de s'humilier interieurement, mais il ne le faut pas faire exterieurement, quand la charité du prochain, ou la verité y font intereffées. C'eft pouril eft dit dans l'Ecriture a qu'il ne faut être humble dans fa fagefle. Il ne faut pas non plus avilir la verité & l'autorité de JesusChrift en fa perfonne : 6 C'est dans cette vië que Saint Augustin dans fa Regle défend aux Superieurs de demander pardon aux infe

quoy pas

a Noli effe humilis in fapientia tua. Eccli. 13. II.

b Quando autem neceitas difcipline, in moribus coërcendis, dicere vos verba dura compellit, fi etiam ipfi modum vos excelfiffe fentitis; non à vobis exigitur, ut à vobis fubditis veniam poftuletis, ne apud eos quos oportet effe fubje&os, dum nimium fervatur humilitas, regendi frangatur autoritas. S. Ang Reg. ad feruos Dei n. 10.

rieurs des fautes qu'ils pourroient commetre

contre cux.

D. Comment l'humilité peut-elle être genereufe, & former de grandes entreprises pour le fervice de Dieu ?

R. C'est parce qu'elle nous rend incapables de refifter à Dieu, lorfqu'il luy plaît de fe fervir de nous, & que faifant que nous ne préfumons rien de nous mêmes, elle nous fait préfumer tout de Dieu : Omnia poffum in eo qui me confortat. Outre que l'humilité méprife les jugemens des hommes; qui font fouvent ce qui nous détourne le plus de ce que Dieu demande de nous.

ARTICLE VIII.

Des moyens d'acquerir, de conferver & d'aug menter l'humilité.

D. Eft-il neceffaire de mettre en pratique les moyens d'acquerir l'humilité ?

R. Puifque l'humilité eft neceffaire au falut, il eft tres-à-propos d'ufer de quelque moyen pour l'acquerir, & c'eft une faute confiderable que de les negliger.

D. Quels font ces moyens ?

R. L'humilité eft fondée fur la connoiffance de Dieu, & de nous-mêmes, & fur l'amour de la juftice qui nous prefcrit l'humiliation; & par confequent ces moyens se doivent reduire à acquérir cette connoiflance

de Dieu, & de nous-mêmes, & cet amour

de la juftice.

D. Que doit-on connoître de Dieu, pour exciter en nous l'humilité?

R. Tout ce qui eft en Dieu nous peut humilier , parce que tout y eft infiniment grand; mais il faut fur tout tâcher d'avoir une grande idée de fa puiflance, de sa bonté & de fa juftice.

D. Que doit-on connaître de foy-même ? R. On doit tâcher de connoître les tenebres de fon entendement, fon impuiflance. à tout bien, fa pente à tout mal; l'imperfection de fes vertus, la grandeur de fes défauts, le néant des qualitez humaines, les fuites terribles des moindres fautes, le befoin continuel que nous avons de la grace & de la protection de Dieu.

D. Que doit-on connoître touchant les tenebres de fon entendement ?

R. On doit connoître, 1. Que nous fommes naturellement capables de toutes fortes d'erreurs, & de toutes fortes d'extravagances, & qu'il n'y a point d'opinion fi folle que notre efprit ne foit capable d'approuver, comme il paroît par les erreurs des païens & des heretiques.

2. Que la lumiere que nous avons eft tresfoible, qu'il y a un tres-grand nombre de devoirs que nous ignorons, que nos paffions & les mauvais exemples nous en cachent plufieurs, que nous ne prévoyons point les

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