fuites de nos actions, & qu'ainfi nous marchons à l'aveugle dans la plupart des choses & qu'il n'y a rien de plus aifé au démon que de nous tromper, & de nous engager dans des voyes d'illufion, dans lefquelles nous trouverons des tentations au deffus de nos forces, à moins que Dieu par fa grace ne nous éclaire, & ne nous garantifle de ces pieges.

D. Que doit-on connoître touchant fon impuiffance à tout bien?

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R. On doit reconnoître que de nous-mêmes nous ne fçaurions faire autre chofe que de pecher; parce que nous ne pouvons faire autre chofe que de nous aimer nous-mêmes & que nous ne nous fçaurions donner nousmêmes l'amour de Dieu & de fa justice, fans lequel néanmoins on ne fçauroit faire aucun bien.

D. Que doit-on connoître touchant fa pente au mal?

R. On doit reconnoître qu'il y a dans le fond du cœur une corruption en quelque forte infinie; parce qu'elle eft capable de produire toutes fortes de pechez, fi Dieu permettoit qu'elle fût excitée par les objets exterieurs, & qu'il nous abandonnât de fon fecours.

D. Que doit-on connoître touchant l'imperfection de fes vertus ?

R. On doit reconnoître que tres-fouvent on abufe des dons de Dieu, & qu'on les

fouille par fa vanité, & que quelques dons qu'on ait reçûs, on demeure toûjours pauvres devant Dieu, & dans un befoin continuel de fon fecours.

D. Que doit-on connoître touchant fes défauts?

R. Leur multitude, les fuites effroyables où ils nous peuvent engager, fi Dieu permettoit que les objets exterieurs s'y joignif fent, & fiffent des impreffions violentes fur

nous.

D. Que doit-on connoître touchant le néant des qualitez humaines ?

R. Qu'elles font petites, bornées, inutiles à notre veritable bonheur, & fouvent l'inftrument de notre perte. C'eft ainfi que l'on doit juger de la beauté, de la force du corps, de l'éloquence, de l'adreffe de l'agrement & de la vivacité de l'efprit, & de la fcience.

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D. Comment faut-il connoître toutes ces chofes, pour fe les perfuader?

R. Il faut tâcher de les connoître d'une connoillance vive & penetrante; en forte que tout cela fafle impreflion fur notre efprit; & ainfi il eft bon de fe rendre ces objets les plus pretens qu'il eft poffible. Ainfi il ne faut pas fe contenter de là connoiffance qu'on peut acquerir par les reticxions qu'on fait fur foymeme, mais il faut demander à Dieu qu'il nous faite connoitre à nous-mêmes, en forte que nous nous voyions dans la lumiere de fa verité;

verité; il le faut prier qu'il nous découvre en même temps, & ce que nous devons être, & ce que nous fommes.

D. Quels font les moyens d'acquerir l'amour de l'humiliation, qui doit naître de cette connoiffance?

R. Outre la priere qui en eft le principal moyen, il eft utile de mediter fouvent l'injuftice & la baffeffe de l'orgueil, la justice & l'utilité de l'abaiffement, les dangers de l'élevation, l'humilité prodigieufe de JefusChrist dans sa naiflance, dans fa vie, & dans fa mort; ce font des motifs tres-propres confondre, & à couvrir de confufion tout l'orgueil des hommes.

D. Cela fuffit-il?

R. Nullement, & tout cela fe reduiroit à de vaines fpeculations, fi l'on n'y joignoit la pratique effective des actions d'humilité, qui eft la fuite des louanges, & de tout ce qui paroît grand & élevé dans le monde ; & même il eft tres-utile d'y joindre, & de rechercher, ou du moins de fouhaiter les rabaiflemens exterieurs qui font tres-utiles à l'ame, en ce qu'elle prend fouvent la pofture & l'état exterieur où l'on reduit le corps, comme le dit Saint Bafile.

D. Eft-on obligé abfolument à la pratique de tous ces moyens?

R. La priere, qui, comme nous venons de dire, eft le principal moyen d'acquerir & d'entretenir l'humilité, eft d'obligation pour Decal. Tome I. Z

tout le monde, parce qu'on n'y peut fup pléer par aucun autre: mais il eft vray auffi qu'on ne peut pas dire abfolument & en particulier de tous les autres moyens que nous venons d'expliquer, qu'ils font neceffaires; de même qu'on ne dit pas de chaque forte d'aliment en particulier, qu'il foit neceffaire à la vie; néanmoins il eft certain qu'on eft obligé d'en pratiquer autant qu'il eft necef faire pour établir & pour conferver l'ame dans une difpofition fincere d'humilité.

D. Tous font-ils également obligez à la pratique de ces moyens ?

R. On y eft plus obligé quand l'humilité eft plus en danger, qu'on cft plus tenté d'élevation & d'orgueil. Ainfi perfonne n'eft plus obligé à la pratique de l'humilité, que les Rois, les Grands, les Sçavans, les grands Efprits, les Riches, & ceux que Dieu à favorifez de plus de graces..

a

Quand on a lieu de croire que le défaut d'humilité eft criminel.

D. Quand eft-ce qu'il faut juger l'orgueil abfolument criminel?

R. Il eft certainement criminel, quand il engage à des actions criminelles & qu'il nous fait méprifer des Loix de Dieu, qui obligent fous peine de peché mortel; comme

quand il nous porte à ravir aux autres les biens ou l'honneur qui leur appartiennent, ou quand il nous fait violer avec mépris le commandement des Superieurs Ecclefiaftiques ou civils. Quand il porte à s'ingerer fans vocation dans les Dignitez Ecclefiaitiques. Quand il porte à méprifer & outrager le prochain d'une maniere injufte & criminelle. Quand il porte à des defirs criminels de vangeance, à la haine, à l'envie formée & volontaire contre le prochain.

D. Mais eft-il criminel, quand il ne produit pas des effets exterieurs criminels?

R. Il le peut être fans cela; comme, par exemple, quand il nous fait mener une vie d'orgueil, que le gros de notre vie tend uniquement à nous élever, ou à jouir de notre grandeur, & quand, par notre conduite & nos actions, on a lieu de croire que nous y mettons notre fin, & que c'eft la paffion qui do

mine en nous.

Ainfi, ceux qui font continuellement dans le fafte & dans les pompes,qui non-feulement ne s'y déplaifent pas, mais qui les aiment & qui s'y repofent fans fcrupule, ont fujet de croire que l'orgueil les domine, & qu'il bannit de leur cœur l'amour de Dieu.

D. N'y a-t-il point de mouvemens d'orgucil qui foient criminels par eux-mêmes ? R. Il y en a fans doute, puifque le premier Ange & le premier homme fe font per