Imágenes de páginas
PDF
EPUB

D. Que doit-on confiderer à l'égard des paroles?

&

R. Les paroles peuvent avoir les mêmes objets que les actions; ainfi, on doit examiner fes paroles, par rapport aux divers objets que nous avons marquez, l'on doit confiderer fur ces fujets, fi les paroles de vanité, qu'on remarquera, étoient groffierement vaines & orgueilleufes, ou fi C'étoient certains déguifemens d'amour propre, & fi l'efprit ufoit de quelque artifice pour diffimuler fon orgueil, ou à foy-même,

ou aux autres.

D. Que doit-on comprendre fous les paroles?

R. On y doit comprendre tout ce qui fert à faire connoître les mouvemens de l'ame; tels font les regards, le marcher, l'air du vifage, &c. Il y a, par exemple, des femmes qui tendent à plaire par tous les mouvemens de leurs yeux & de leur corps; & elles pechent tout autant par tous ces mouvemens, que par des paroles de vanité.

D. Comment faut-il s'examiner fur les mouvemens interieurs d'orgueil & de vanité ?

R. Il faut examiner fes mouvemens; c'eft à dire, fes defirs, fes complaifances, fes dépits, fes murmures, ses reffentimens à l'égard des objets que nous

avons marquez; & fur tout fi l'on a Fefprit porté à s'entretenir de ce qui peut y avoir de bon en foy, fi l'on fe plaît dans les jugemens favorables des autres, fi l'on confent à fes pensées, & fi l'on ne fait rien pour y refifter.

*************************

285

********

SIXIE ME

INSTRUCTION.

De l'Amour de foy-même, ou de la Charité envers foy-même.

CHAPITRE PREMIER.

Comment l'Amour de Dieu comprend l'amour reg'é de foy-même, ou la Charité envers foy-même.

D.

pas,

L

'Amour de foy-même eft-il toûjours bon, on toûjours mauvais?" R. Si tout amour de foy-même étoit bon, Saint Paul ne diroit en marquant les vices des derniers temps, a qu'il y aura des gens amoureux d'cuxmêmes: erunt homines feipfos amantes: Et fi tout amour de foy-même étoit mauvais, il ne nous feroit pas commandé d'aimer notre prochain comme nous-mêmes. Cela fait donc voir qu'il y a un bon & un mauvais amour de foy-même.

2. Tim, 3. 24.

D. Quel amour de foy-même est vicieux & mauvais ?

R. Ceft celuy qui tend à jouïr de foyméme, & par lequel on ne fe rapporte point à Dieu car cet amour eft manifeftcment déreglé, puifque l'homme n'étant point fon propre bien, & n'étant point pour luy-même, il ne peut legitimement le rapporter à luy-même.

D. Quel amour de foy-même cft bon & legitime?

R. C'eft celuy par lequel on fe rapporte à Dieu, par lequel on veut être entierement affujetti à fa loy & à fa volonté; par lequel on fe conforme à fa juftice, & par lequel enfin on se foumet à luy dans l'état & dans les difpofitions que la Loy éternelle prescrit à l'homme.

D. Pourquoy Dieu ne nous a-t-il pas fait un commandement exprès de nous aimer nous-mêmes, comme il nous a commandé d'aimer le prochain?

R. a C'eit

pour nous faire entendre, dit

a Cùm ergo illâ dilectione, quam divina lex imperat, debeat homo diligere Deum, & feipfum, & proximum, non tamen ex hoc trià præcepta data funt videlicet ut intelligeretur nullam effe aliam dile&ionem, quâ quifque diligit feipfum, nifi quòd diligit Deum. Qui enim aliter fe diligit, potius fe odiffe dicendus eft. Fit quippe iniquus, privaturque luce juftitiæ, cùm à potiore ac præftantiore bono averfus, atque inde vel ad feipfam converfus, ad inferiora & egena utique convertitur; fitque in ipfo quod veraciffimè fcriptum eft, qui autem amat iniquitatem, edi animam fuam.Quia igirur nemo nifi Deum diligendo,diligit feip fum, non opus erat ut dato, de Dei dile&tione præcepto, etiam feipfum homo diligere juberetur, cùm in eo diligat feipfum, quòd diligit Deum. S. Aug. Ep. 52.6. 4.

S. Auguftin, qu'il n'y a point d'autre legitime & veritable amour de foy-même que l'amour même que l'on porte à Dieu: a car il faut, continue ce Pere, dire de ceux qui s'aiment d'une autre maniere,c'eft-à-dire,qui s'aiment par rapport à eux-mêmes, & fans aucune vûë de Dieu, qu'ils fe haiffent, & non pas qu'ils s'aiment. L'homme devient injufte, dit-il, en fe détournant d'un bien plus excellent, pour le tourner vers quelque chofe de moin dre: Or fi c'eft vers foy-même qu'il le touril fe tourne vers quelque chofe de moin

ne,

par

dre que Dieu; & là il eft clair qu'il approche du néant, & il luy arrive ce qui eft écrit: Celuy qui aime l'iniquité, hait fon ame. Comme il eft donc impoffible de s'aimer foy-même veritablement, autrement qu'en aimant Dieu, il n'étoit pas neceffaire qu'outre le précepte qui ordonne d'aimer Dicu, il y en cût encore un qui ordonnat de s'aimer foy-même, puifqu'aimer Dieu, eft s'aimer foy-même.

b Ainfi, dit le même Docteur, il arrive d'une maniere affez difficile à exprimer & à expliquer, que celuy qui s'aimant foy-même, n'aime point Dieu, ne s'aime point: & qu'au contraire, celuy qui aime Dieu & non foy-meme, finon par rapport à Dieu, s'aime effectivement foy-même.

a vide apud eund. de mor. Eccl. e. 26.

b Neicio quo enim inexplicabili modo, quifquis fe'p'um, non Denmama, non fe amat & quifquis non feipfum amat, ipfe fe amar. Aug. tr. 123. in Jan.

« AnteriorContinuar »