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lonté fût affujetie parfaitement à Dieu, & que les paffions, & les mouvemens du corps fuffent parfaitement aflujetis à la vo

lonté.

D. L'homme dans cet état, auroit-il eu des imaginations & des penfées involontai

res ?

R. Non, il n'eût point eu d'autres idées ni d'autres pensées que celles qu'il eût voulu, & il n'eût voulu avoir que celles qu'il devoit avoir.

D. En quoy confifte donc le déreglement que le peché a caufé dans l'homme ?

R. II confifte dans le renversement de cet ordre que Dieu avoit mis dans l'homme: Car fon entendement a été obfcurci, & privé de la plupart des lumieres qu'il avoit : Sa volonté s'eft engagée dans l'amour déreglé des créatures, & cft devenue efclave de la concupifcence: les paffions fe font revoltées contre la volonté & la raison, & en s'élevant fans leur ordre, elles les follicitent & les pouffent au mal: L'imagination s'eft déreglée, en commençant d'agir independamment de la raifon, & en luy prefcrivant des images fans fon congé, & malgré qu'elle en ait.

Le corps étant fouftrait en partie à l'empire de la raison,eft devenu fufceptible de mouvemens qui n'ont que l'imagination & les

modo te oporteat fervire Deo tuo. S. Aug. de utilit. jejun. ◊• •

paffions pour principes, & qui par confe quent refiftent à la raison.

a

L'homme de plus a été affujeti à une infinité de miferes, & enfin à la mort.

Il a auffi perdu par le peché le droit affuré qu'il avoit à la beatitude après qu'il auroit paflé fur la terre un certain temps dans cet état de repos & de tranquillité; enfin par le peché, il a merité d'être privé de Dieu, & d'être puni par des châtimens éternels.

CHAPITRE III.

De la concupifcence: en quoy elle eft differente des paffions des vices.

D.

Qeft-ce qui peut fervir à mieux com

prendre quelle eft la corruption de l'homme caufée par le peché?

R. C'eft de bien comprendre ce que c'eft que la concupifcence, puifqu'elle eft la principale maladie de l'homme tombé, & la fource de toutes les autres.

D. Qu'est-ce donc que la concupifcence? R. Pour le bien comprendre, il faut concevoir que l'homme ayant abandonné Dieu par le peché, s'eft précipité avec une impetuofité terrible dans l'amour de foy-méme & des créatures, & que l'impreffion de cet amour étant demeurée dans l'ame, y a formé une pente & une inclination violente

vers foy-même, & vers les créatures ; & c'eft cette pente & cette inclination qu'on appelle concupifcence.

D. Comment dit-on que l'homme consent ou ne confent pas à la concupifcence, puifqu'il femble que la concupifcence n'est autre chofe que la volonté même ?

R. Il n'y avoit pas lieu avant le peché de faire cette diftinction entre la concupifcence & le confentement; parce qu'alors l'ame fe portoit toute entiere vers fon objet: fon amour étoit fon confentement, & fon confentement étoit fon amour; mais l'homme ayant contracté par fon peché, cette pente terrible vers les créatures, & vers foy-même; cette pente & cette inclination produit des mouvemens qui préviennent la reflexion. de l'ame, & par confequent les mouvemens. de la volonté qui fuit cette reflexion. Ainsi l'on appelle mouvemens de concupifcence.ces mouvemens de la volonté qui précedent la reflexion, &qui en font indépendans ; & on appelle confentement ceux qui fuivent la reflexion, & qui fe font avec connoiffance & déliberation.

D. Quelle difference y a-t-il entre concu→ pifcence & paffion?

R. La même qu'il y a entre l'amour & les.. autres paffions; car la concupifcence eft proprement l'amour & la pente de la volonté vers les biens créez. Ainfi comme l'amour eft la fource des autres paffions, & que les pal

fions ne font dans le fond que les diverfes formes que l'amour prend, felon que fon objet eft prefent ou abfent, qu'il en jouit, ou qu'il en eft privé, qu'il efpere ou defefpere de le poffeder: on en peut dire de même de la concupifcence, qui n'eft autre chose que l'amour-même, ou la pente de la volonté vers les créatures.

D. En quoy la concupifcence eft-elle differente de ce qu'on appelle l'apetit fenfitif? R. Elle en eft differente en deux manieres. 1. En ce qu'elle eft plus étendue que l'appetit fenfitif; car l'appetit fenfitifn'eft autre chofe que la puiffance de l'ame, qui a pour objet les biens ou les maux fenfibles, reprefentez par l'imagination, & qui caufe toujours par fes mouvemens quelque alteration dans le corps; au lieu que la concupifcence a pour objet tous les biens créez, tant les fpirituels, que les corporels ; car il y a concupifcence d'honneur & de fcience, auffi-bien que des plaifirs.

La feconde difference eft, que la concupifcence eft-incapable d'être reglée, parce qu'on marque par ce mot le déreglement même de la volonté : C'eft pourquoy Saint Paul dit qu'elle n'eft point fujette à la Loy de Dieu, & qu'elle ne le peut être; au lieu que l'appetit fenfitif, c'eft-à-dire, la puiffance, qui a pour objet les biens & les maux fenfibles, eft à la verité déreglé dans l'homme corrompu, mais n'eft pas déreglé par

fa nature; car il n'eft pas incapable d'être reglé, & il l'a été en effet dans Jefus-Chrift, & dans Adam avant fon peché, parce que dans ces deux fujets, l'appetit fenfitif fuivoit les ordres de la volonté & de la raison, & ne les prévenoit pas.

Ainfi l'appetit fenfitif, tel qu'il eft dans l'homme corrompu, c'est-à-dire, cette puiffance déreglée, n'est rien en effet que cette partie de la concupifcence, qui porte l'ame aux biens fenfibles, & qui l'éloigne des maux, en prévenant fa raison : c'est auffi ce que l'on entend dans les livres de pieté par le mot de partie inferieure ; il y a même affez bon nombre d'Auteurs qui ont donné à ce qu'on appelle partie inferieure, autant d'étenduë qu'à la concupifcence, & qui ont appellé mouvemens de la partie inférieure tous les mouvemens qui préviennent le confentement parfait, qui fe fait avec connoiffance & reflexion.

D. En quoy la concupifcence eft-elle differente des vices ?

R. Les vices ne font autre chofe que la concupifcence dominante fur la volonté à l'égard de quelque objet, & ainfi ils enferment outre la pente de la volonté vers l'objet créé, une difpofition permanente dans l'ame de fuivre les mouvemens: de forte que lorsque l'ame eft pouffée par la concupifcence, mais qu'elle y refifte; il y a bien concupifcence, mais il n'y a point de vices: Ainfi il n'y a

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