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point de vices fans concupifcence, mais il y a concupifcence fans vices.

CHAPITRE IV.

Des grandeurs de l'homme.

D. Pourquoy eft-il neceflaire de parler icy des grandeurs de l'homme ?

R. Parce qu'un des principaux devoirs aufquels la charité que l'homme fe doit à foymême l'oblige, eft celuy de conferver les veritables grandeurs qu'il a reçûës de Dieu, foit par la nature, foit par la grace, puisqu'il n'en eft que le depofitaire, & qu'il rendra compte à Dieu de l'ufage qu'il en aura fait.

D. Quelles font donc ces grandeurs?

R. Il y en a qui font des avantages naturels, & qu'il n'a pas perdus dans fa corruption même, & d'autres qui font des dons de la grace du Redempteur.

D. Quelles font les grandeurs naturelles de l'homme ?

R. Il n'eft pas neceffaire d'en faire icy le dénombrement entier, il fuffit de s'arreter aux principales, parce qu'il faut conserver & cultiver les autres, par rapport à ces principales grandeurs.

D. Quelle eft donc la principale & effentielle grandeur de l'homme ?

1

R. C'eft qu'il eft par fa nature capable non-feulement de connoitre, mais auffi d'aimer Dieu, & par confequent d'être éternel-, lement heureux.

re,

a La feule connoiffance l'éleve au deffus de toutes les créatures corporelles; c'est-à-didu Ciel, du Soleil, des Etoilles & des Elemens; car tout cela étant privé de connoiffance, eft moins noble que l'homme; & c'eft une verité réelle qu'un feul homme même pecheur, vaut mieux que la Terre & le Ciel avec tous les Aftres, non par merite, dit Saint Auguftin, mais par nature.

Mais la capacité que l'homme a de connoître & d'aimer Dieu dans cette vie, & de jouir de luy éternellement dans l'autre, eft un avantage qui furpaffe infiniment tous les autres; en forte qu'il y auroit une temerité & un aveuglement infini à ne pas renoncer à tous les autres biens & à tous les autres avantages, fi on fentoit qu'ils fullent un obitacle, & qu'ils empêchaffent de s'avancer dans la connoillance de Dieu, & de fe maintenir dans fon amour."

D. Quelles conclufions faut-il tirer de là ? R. Il en faut conclure, 1. Que l'homme quelque miferable & quelque rabaillé qu'il foit, eft néanmoins encore quelque chofe de

a Quævis anima vilis, excellentiffimo corpore excellentior invenitur. Nec vobis hoc quali mirabile videatur, quia & vilis anima quælibet peccatrix, mel or eft quolibet magno & præftantiffi mo corpore. Non eft melior meritis, fd natura. Aug. in Pf.

fort grand. S'il eft déchû de fes grandeurs, il en conferve encore de grandes traces; c'est un Prince dépouillé qui fe diftingue encore des perfonnes du commun; car c'est toûjours un être intelligent, éternel, & capable d'être éternellement heureux.

2. Il en faut conclure que l'homme eft beaucoup plus grand par les avantages communs à tous les hommes, que par les avantages particuliers de nature ou de fortune qu'il peut avoir fur les autres. Ce n'eft rien que d'être Roy,d'être Riche,d'être Eloquent, ce qui eft particulier, puifque tout cela fe termine avec la vie; mais c'eft une grande chofe que d'être capable de poffeder Dieu, ce qui eft commun aux Princes & aux Sujets, aux Riches & aux Pauvres, à ceux qui parlent bien & à ceux qui parlent mal.

D. En quoy confiftent les grandeurs de l'homme, qui font les dons de la grace?

R. Dans tous les avantages que les hommes ont reçûs de Jefus-Chrift dans les graces, par lefquelles ils font appellez à la juftification, dans celles par lequelles ils font juftifiez, dans les effets de ces graces fur les ames, & tous les droits qui y font attachez, & qui relevent l'homme au deffus de fa nature, & qui l'approchent de sa fin, qui est la felicité fouveraine, & l'union avec Dieu.

D. Ces graces reparent-elles entierement tout ce que le peché a gáté dans la nature de l'homme ?

R. La

,

R. La grace en convertiffant à Dicu la volonté de l'homme, la dégage de la fervitude de la concupifcence: mais elle ne la détruit pas entierement elle empêche feulement qu'elle ne domine dans le cœur. Dieu veut fon falut, que l'homme dans cette vie opere en furmontant continuellement les mouvemens de la concupifcence, a & en travaillant fans ceffe à l'affoiblir: mais il n'en accorde jamais la destruction entière, comme il a été dit ailleurs.

D. Quels font les principaux avantages de la grace qui nous juftifie?

R. Cette grace en nous juftifiant nous rend temples de Dieu, enfans de Dieu, membres de Jefus Chrift, & fes coheri

tiers.

D. Comment 'nous rend-elle temples de Dieu ?

R. Parce que la grace justifiante eft inféparable de l'habitation & de l'union du Saint Efprit à l'ame, pour la fan&tifier & y

operer.

D. Comment nous rend- elle enfans de Dieu ?

R. b C'eft qu'elle nous donne, felon Saint Jean', une nouvelle naiflance, & une nou velle vie, felon l'ame, par laquelle nous

a Voyez les Instructions fur les Sacremens, Tome 1. chap. V. &fur l'Oraifon Dominicale, chap. II.

b Dedit eis poteftatem filios Dei fieri, his qui credunt in nomine cjus, qui non ex fanguinibus, neque ex volunrate carnis, neque ex voluntate viri, fed ex Deo nati funt. Joan. 1. 12. & 13.

Decal. Tome I.

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fommes nez de Dieu, puifque cette vie fifte dans le Saint Efprit.

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D. Comment fommes-nous membres de Jefus-Chrift?

R. C'eft qu'étant animez par l'Efprit de Dieu, qui eft l'Esprit de Jefus-Chrift, nous entrons dans la focieté de ceux qui ont cet Efprit de: Or tous ceux qui participent à P'Efprit de Jefus-Chrift, font un corps qui eft uni par cet Efprit; & ainfi chacun des Fidéles eft membre de ce corps, comme toutes les parties animées par l'ame de l'homme, font membres de l'homme.

↑ D. Comment fommes-nous coheritiers de Jefus-Chrift?

R. C'eft que Jefus-Chrift n'a pas acquis là gloire du Ciel pour luy feul, mais pour toute fon Eglife, qui eft animée de fon Efprit; il luy a fait part de fes droits. Ainfi, quiconque a part dans l'Eglife, a part aufli au Ciel, & à tout ce qui fait l'heritage de JefusChrist. Ainsi, tous les Chrétiens font en un fens des Rois beaucoup plus grands que tous les Rois de la Terre, puifque le Monde & le Ciel leur appartiennent; ils font auffi des Prêtres, puifqu'ils ont le pouvoir de s'offrir, & tout ce qu'ils ont, en s'uniffant au Sacrifice de Jefus-Chrift, & en le facrifiant luy-même avec le Prêtre. a C'elt pourquoy Saint Pierre appefle tous les Chrétiens une Nation fainte, & un Sacerdoce

Vos autem genus ele&tum, regale Sacerdotium, 1. Pet. 1. 9.

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