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CHAPITRE

VII.

Des penfées contre la Foy,

Omment fe doit-on conduire dans

D. Cles doutes & les penfées contre la

Foy, dont l'efprit eft quelquefois attaqué? R. Il faut difcerner d'abord la nature de ces pensées; parce qu'il y faut remedier diverlement, felon qu'elles font differentes.

Il y en a qui ne font que des pensées va→ gues, qui ne reprefentent à l'efprit aucune raifon de douter, qui à la verité l'ébranlent tant foit peu, mais qui font plûtôt des doutes imaginez & conçûs, que des doutes réels. Il y en a au contraire qui font revêtuës de quelque fauffe apparence qui frappent l'efprit, & qui le pénétrent un peu.

Il y en a qui n'ont point de causes, & qui font de purs effets de l'imagination ou du Dé

mon.

Il y en a qui ont leur fource dans des entretiens ou des lectures temeraires.

D. Que faut-il faire à l'égard des pensées vagues, qui ne font point accompagnées de raifons de doute?"

R. Il les faut méprifer, ne s'en inquieter point, n'en faire pas d'état, ne s'en étonner point, aller fon chemin, n'abandonner aucune œuvre de pieté pour ces fortes de pens

fées, afin de ne donner pas cette fatisfaction au Diable; & jetter feulement quelque regard vers Dieu, pour luy faire connoître que fon n'y confent point: & pour implorer fon fecours, il faut quelquefois faire le figne de la Croix fur fon cœur ; & enfin, combattre ces penfées fans effort qui y applique l'ame: que fi ces penfées avoient quelque caufe, il faudroit remedier à la caufe, felon les regles de la prudence; mais il ne faut jamais en faire grand état, ni s'en inquieter, ni en conclure qu'on foit mal avec Dieu.

D. Que faut-il faire pour remedier aux doutes qui font accompagnez de raisons qui font impreffion fur l'efprit?

,

R. Si ces penfées naiffent de quelque lecture ou de quelque entretien temeraire, il faut s'en humilier, & en demander pardon à Dieu. Si elles n'ont point de caufes, de quelque vray-femblance qu'elles foient revêtues, il faut les méprifer par la fimplicité de la Foy: c'eft l'avis de Saint Auguftin. a Si la raifon, dit-il, n'eft pas capable de demeler ces raisonnemens, par lefquels on tâche de détourner notre fimplicité du droit chemin, il faut que la Foy s'en moque.

D. Mais eft-il raifonnable de fe moquer ainfi de la raifon, lors même qu'elle nous touche, & de ne la vouloir pas même examiner?

a Si ratio refutare non valet, fides irridere debet. Aug. de Civ. Dei, l. 13, 6. 17.

R. Ouy, cela eft raifonnable, & la raifon ne fçauroit mieux faire. Car qui voudroit fur un raisonnement revoquer en doute un article de la Foy de l'Eglife, devroit se refoudre à examiner de même tous les autres par la raifon; car pourquoy celuy-là plûtôt que les autres? Or ce feroit s'engager dans une voye infinie, dont on ne pourroit pas se tirer, puifque jamais on ne fçauroit venir à bout de difcuter par raifon tous les articles de Foy. Ainfi, ce feroit prendre la voye de n'avoir jamais de Foy. a Il y a, dit Saint Augustin, une infinité de queftions, qu'il fe faut bien donner de garde de vouloir decider avant que de prendre Le parti de croire, de peur de mourir avant que d'avoir crû.

Il faut donc que chacun fe dife à foy-même: fi je reconnois la raifon pour Juge en un point contre l'autorité de l'Eglife, il faut la reconnoître en tout; or fi je la reconnois en tout, je m'engage à l'examen de tous les articles; c'est-à-dire, à n'avoir jamais de Foy, puifque je ne fçaurois venir à bout d'examiner tant de queftions, & par confequent je m'engage à mourir fans Foy, ce qui eft le plus grand des malheurs. Ceux done qui font agitez de ces fortes de doutes, doivent détourner leurs ames de ces examens dange→ reux en luy difant avec Saint Auguftin: Où cous engagez-vous, ame miferable, aveuglée par

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a Sunt enim innumerabiles quæftiones, quæ non funt definiende ante fidem, nt finiatur vita fine fid: Aug. Ft.-5. §• 6%

les tenebres de vos pechez, où vous engagez-vous ? D. Que faut-il répondre à ceux qui difent que cet examen n'eft point fi long, parce qu'il fuffit d'examiner les points fondamen

taux ?

R. Il faut leur répondre que c'eft une tresvaine chicane; car il faudroit pour cela être au moins affuré par l'Ecriture que la Foy des articles fondamentaux fuffit, & quels font ces articles fondamentaux. Or tout cela eft impoffible, l'Ecriture ne dit nulle part que la Foy des articles fondamentaux fuffife. Elle ne diftingue nulle part les fondamentaux des non- fondamentaux, & les Calviniftes n'en ont jamais pû convenir. Enfin, c'est une moquerie que de dire que les fimples peuvent fuffifamment examiner les articles fondamentaux, à quelque petit nombre qu'on les réduise; ce font de grandes & difficiles queftions qui furpaffent leur intelligence; ils ne fçauroient donc mieux faire, que de s'en rapporter à l'Eglife, & d'emprunter fa lumiere. Or fi les fimples s'y doivent rapporter, les plus fçavans le doivent auffi. Car ce qui eft vray pour les fimples, l'eft aufli pour les fçavans & fi les fimples vont au Ciel, en croyant tout ce que l'Eglife croit; donc ce que l'Eglife croit, eft la verité, & par confequent doit étre crû par les fçavans.

D. Ne font-ce point là de nouvelles penfées ?

R. Nen, ce font des penfées de S. Auguf

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tin; car ce Saint remarque que c'est être fuperbe, a lorfqu'on ne peut comprendre par l'efprit la lumiere interieure de la verité, de ne fe pas contenter de la fimple Foy Catholique, qui eft, dit-il, le feul falut des petits. Il y a donc, felon luy, une voye certaine de trouver la verité pour ceux qui ne font pas capables d'examiner les queftions difficiles; & cette voye n'eft pas l'Ecriture, mais la foumiflion à l'Eglife: c'eft pourquoy il attribuë ailleurs aux Heretiques de faire valoir la raifon, parce qu'ils n'ont pas d'autorité.

Ainfi, le moyen general de refifter à tous les doutes touchant la Foy, eft de s'affermir dans la créance de la neceffité d'être foumis à ̈ l'Eglife, de la reconnoître pour maitreffe de fa Foy, & de bien comprendre la folie d'une ame fuperbe & aveugle, qui entreprend par fa foible lumiere de difcerner la verité dans ce nombre infini de queftions qui compofent notre Foy. Qu'une ame Chrétienne se réjouifle donc de ce que Dieu luy a fait la grace de la faire naître dans l'Eglife Catholique, & de la luy faire connoître; qu'elle témoigne fans ceffe à Dieu fa reconnoiffance de ce bienfait incomparable; qu'elle fafle paroitre fon amour pour l'Eglife dans toutes les actions, & par ce moyen elle obtiendra la gra ce d'être affermie contre les tentations qui

a Qui quandiu non poffunt interiorem lucem veritatis, mente Contucri, fimplici Fide Catholicâ contenti effe nolunt, quæ una parvulis flues eft. S. Aug, in Pf. 10.

Decal. Tome I.

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