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nous fommes citoyens de la celefte Jerufalem, que nous tendons à une autre patrie que celle de ce monde, que nous ne mettons pas notre fin dans les chofes de la terre; au icu que fans ce defir nous ne fommes que toyens de Babylone & du monde, & nous ne prétendons à d'autres biens qu'à ceux du monde : c'est pourquoy Saint Auguftin dit nettement que celuy qui ne gemit pas com→ me pelerin, ne fe réjouira pas comme citoyen, parce qu'il n'a pas le defir en luy.

D. Est-il auffi d'obligation d'avoir la confiance d'obtenir la beatitude & les moyens effentiels d'y arriver; c'est-à-dire, la grace de la perfeverancer?

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R. Ouy, parce que le defefpoir, c'est-àdire, la privation de cette confiance, enferme une infidélité, ou contre la toute-puillance de Dieu, ou contre la bonté, ou contre la fidélité de fes promeffes; outre que par ces jugemens temeraires on s'exclut fans raifon da nombre des prédeftinez, en s'attribuant un difcernement qui n'appartient qu'à Dieu,

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Qu'il faut toujours defirer la beatitude. A quelles marques on reconnoît ce defir.

D.

Q

Uand eft-ce qu'on eft obligé de defirer la beatitude?

R. En tout temps, car ce defir doit être continuel, a felon Saint Auguftin ; c'est-àdire, que le cœur doit avoir une pente cffective vers Dieu, comme vers le bien fouverain, de la même forte qu'il en a vers les objets qu'il aime & qu'il defire: mais ce defir ne fçauroit être continuel en cette maniere qu'il ne produife fouvent des Actes, & qu'il ne porte le cœur vers cet objet; car il n'y a

a Quia modò videre non poteftis, officium veftrum in defiderio fit.Tota vita Chriftiani boni fan&um defiderium eft. S. Auguft. Trait. 4 in Epift. Joan.

Habet omnis amor vim fuam, nec poteft vacare amor in anima amantis. Idem in Pf. 1.

Ipfum defiderium tuum oratio tua eft & fi continuum defiderium, continua oratio... eft interior fine intermiffione oratio 2 quæ eft defiderium... continuum defiderium tuum, continua vox tua eft, tacebis fi amare defieris, &c. Id. in Pf. 37.

Dignior fequetur effetus, quem ferventior præcedit affectus, ac per hoc quod Apoftolus ait: fine intermiffione orace; quid eft aliud quàm beatam vitam, quæ nulla nifi æterna eft, ab eo qui eam folus dare poteft, fine intermiffione defiderare? Semper ergo hanc à Domino Deo defideramus, & oramus femper. Sed ideo ab aliis curis atque negotiis, quibus ipfum defiderium quodam modo tepefcit, certis horis ad negotium orandi mentem revocamus, verbis orationis nos ipfos admonentes, in id quod defideramuş intendere, ne quod tevefcere cœperat, omnino frigefcat, & penitus extinguatur, nifi crebrius inflammetur, Idem Ep. 121, ad Probam.

point d'amour qui foit oifif & fans action De plus, comme le cœur eft toûjours occupé de quelque defir, celuy de Dieu s'éteint bien-tôt, s'il n'eft renouvellé par des Actes formels; parce qu'il faudroit, felon Saint Auguftin, que le cœur en eût d'autres qui prendroient fa place peu-à-peu. C'eft la raifon qu'il apporté de la neceffité de prier Dieu; de le defir de la vie peur, dit-il, , que bienheureuse qui auroit commencé à fe ralentir, ne s'éteigne, & ne fe refroidiffe toutà-fait.

D. Les defirs actuels de la beatitude, qui font des Actes d'Efperance, font donc neceffaires à la vie Chrétienne?

R. Ils font neceffaires en deux manieres. 1. Comme des marques du defir interieur qui doit être continuel; parce que fi l'ame eft long-temps fans former ces defirs, c'est une marque qu'elle n'a point cette pente interieure, felon les raifons que nous venons de rapporter. 2. Comme des moyens de conferver ce defir interieur, & pour empêcher qu'il ne s'éteigne.

D. Comment peut-on juger qu'une perfonne n'a point ce defir?

pour

R. Quand fes pensées & fes deffeins ne tendent qu'à la terre, & n'ont but que des établissemens temporels; quand on ne fait rien pour l'autre vie, & qu'on ne prend point les moyens neceffaires pour y arriver. Quand on met toute fa joye dans les fpecta

cles, les plaifirs & les grandeurs du monde ; quand on les recherche avec avidité & empreffement, & qu'on s'afflige d'en être privé. a Car il eft évident qu'une perfonne dans ces difpofitions ne regarde point la terre comme un lieu d'exil & de mifere, mais comme un lieu de felicité; ce qui fait dire à Saint Auguftin, qu'une ame dans cet état n'a que des cris de corbeau, & non des gemiffemens de colombe.

D. Tous ceux font dans les afflictions dans les fouffrances, & dans les miferes; n'ont-ils pas lieu de croire qu'ils font citoyens de Jerufalem, puifqu'ils fe trouvent mal dans le monde, & que par confequent ils y font moins attachez ?

R. Souvent les afflictions ne naiffent que 'de l'affection qu'on a pour les choses de la terre; & l'on ne verfe des pleurs, que parce qu'on en eft privé: mais le gemifflement qui nous rend vrayment voyageurs dans ce monde, eft celuy qui naît de ce qu'on cft feparé de Dieu, de ce qu'on eft banni de fa patrie. b Et, en un mot, il ne fert de rien, comme dit S. Auguftin, d'être vuide des biens de la terre, fi l'on brûle de cupidité pour en avoir.

D. L'Efperance enferme donc l'amour de Dieu par ce defir ?

a Corvus de arca miffus, non eft reverfus. Non querit Deus dilationem in voce corvina, fed confeffionem in gemitu columbi no. Miffa columba reverfa eft.... Aug. in Pf. 102.

b Quid tibi prodeft i eges facultate, & ardes cupiditate? Id. • Pl.st.

R. Ouy, fans doute, & un amour tresgratuit; car defirer Dieu, c'eft defirer la parfaite juftice; or la parfaite juftice nous commande de nous rapporter à Dieu, & non pas Dieu à nous-mêmes.

CHAPITRE III.

De la confiance enfermée dans l'Esperance, & des motifs dont elle doit naitre.

D.

St-il avantageux de croire qu'on ob-
tiendra certainement le falud?

R. Cette créance feroit temeraire, il fuffit de croire que Dieu nous le peut donner, & qu'il le veut donner à tous ceux qui feront par le fecours de fa grace ce qui eft neceffaire pour l'obtenir: il faut auffi avoir la confiance que nous ferons de ce nombre.

D. Il faut donc autli avoir la confiance que Dieu nous donnera fa grace?

R. Quy; mais cette confiance n'exclut pas toute crainte, elle n'exclut que le defefpoir

& la défiance fans raifon.

D. N'y a-t-il perfonne qui ait fujet de defefperer de fon falut?

R. Non; car il n'y a rien d'impoffible à Dieu, & il fe plait quelquefois de verfer plus abondamment fes graces fur ceux qui ont été les plus remplis de pechez. Il eft un medecin tout-puiflant à l'égard de qui nulle maladie n'eft incurable.

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