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R. L'incertitude de la grace, les dangers continuels où l'on eft de fe perdre, les pieges que le Diable nous tend, notre peu de lumieres pour les découvrir, notre foibleffe pour nous y foûtenir, les égaremens de notre efprit, dont nous ne fommes point les maîtres; l'agitation de nos paffions, & la guerre continuelle où il faut être contre les mauvais defirs qu'elles excitent en nous; la multitude des chofes fur lefquelles il faut veiller, pour refifter à une infinité de vices qui nous attaquent.

D. Dites-en encore quelques autres ?

B. Les pechez que l'on commet, & les playes que l'on reçoit continuellement ; le danger où l'on eft d'abuser par la vanité, des graces même de Dieu; la vue de la corruption & de la méchanceté des hommes; la difficulté de fe conduire avec eux, & les dangers qui naiffent de leur converfation; les tenebres qui couvrent dans cette vie les cœurs des hommes, qui nous empêchent de difcerner les bons & les méchans; l'infidelité, la legereté, & l'inconftance qu'on éprouve dans les amitiez, le peu de fupport qu'on tire des hommes dans les miferes exterieures & interieures.

D. D'où vient que tant de miferes ne dégoûtent point les hommes de la vie presente, & ne les délivrent point de cette attache qu'ils y ont?

R. C'est qu'ils en ignorent une partie,

qu'ils en oublient l'autre volontairement ; qu'ils fe cachent la plupart de leurs maux qu'ils fe repaiflent de fauffes efperances, & qu'ils s'attachent au peu de bien dont ils jouiffent, fans confiderer les maux qui y font joints.

D. Eft-ce un bonheur que cette ignorance, ou cet oubli des maux de cette vie?

R. Non; il eft tres-utile d'appliquer fon ame à les fentir autant qu'il faut pour hair la vic prefente; & c'eft une des fins de Dieu dans les afflictions qu'il nous envoye.

CHAPITRE VI.

Idée de la béatitude de l'autre vie.

Ue faut-il confiderer dans la beati→ tude de l'autre vie?

R. Il y faut confiderer l'exemption des maux de la vie prefente, & les biens dont on jouira dans l'autre.

D. N'eft-ce point une confideration trop baffe & trop intereffée, que de fe reprefenter la délivrance des miferes de cette vie?

R. L'Ecriture, en parlant de la beatitude, nous a fouvent mis devant les yeux l'exemption de ces miferes; elle a jugé par confequent qu'elle nous étoit utile, & elle l'eft en effet; car ces miferes diffipent notre ame, & J'empêchent de réunir les forces pour aimer

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Dieu. De plus, elles ne font pas naturelles à l'homme, & n'ayant pas été créé pour cela, il en peut fouhaiter avec raison la deftruction & la ceffation, comme étant des effets du peché.

D. Quels font les biens que Dieu donnera à fes Elûs?

R. Il fe donnera luy-même, & en se donnant, il leur donnera tout, & leur tiendra lieu de tout. Car la vûë claire & diftin&te qu'ils auront de cet objet infiniment aimable, & le tranfport d'amour qu'ils auront pour luy, les comblera d'une joye inexprimable, & inondera leur ame d'un torrent de volupté.

D. Comment peut-on concevoir la gran deur de cette felicité ?

R. On la peut concevoir par la grandeur de l'objet & la grandeur de l'amour. Par la grandeur de l'objet, en confiderant que fi la vûë d'une créature, toute vile & imparfaite qu'elle eft, peut donner quelquefois du plaifir à l'ame, on en auroit infiniment davantage fi l'on pouvoit les voir toutes à la fois, & être capable de les comprendre. Que fera-ce donc lorfque Dieu fe manifeftera à nous, & qu'il nous fera voir en luy des perfections qui furpaffent infiniment celles de toutes les créatures? Quel amour cette vûë ne produira-t-elle point, & quel excès de joye ne naitra-t-il point de cet amour? D. D'où vient que les hommes ont fi

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d'idée de la grandeur de cette beatitude? R. C'eft que ne formant les idées des actions de l'efprit, qui font l'intelligence & l'amour, que fur l'état prefent où elles font en cette vie, qui eft un état de langueur, de tenebres, & d'obfcurité; ils ne conçoivent point jufqu'à quelle étendue & quelle clarté Dieu portera l'intelligence des hommes, & quelle fera la violence prodigieufe de leur amour en l'autre vie.

D. Que faut-il éviter en fe reprefentant les biens de l'autre vie?

R. Il faut éviter de fe former l'idée d'une beatitude charnelle, où l'on jouiffe des biens. de la concupifcence, des plaifirs des fens, des fpectacles exterieurs. Il faut éviter de fe reprefenter des palais & des bâtimens mágnifiques. Ce ne font point les biens de la maison de Dieu; c'eft la justice, c'eft la paix & le parfait amour de Dieu, qui en font toute la beauté & tout le bonheur.

D. Que peut-on confiderer pour augmenter ce defir de la beatitude?

R. I. On peut confiderer la paix parfaite des Bienheureux, qui confifte en ce que dès le commencement de leur bonheur, jufqu'à l'éternité, ils n'auront aucun defir qui ne foit fatisfait. Car leur corps obéira parfaitement à l'ame, & l'ame ne defirera rien du corps, en quoy elle ne foit obéie; & à l'égard de toutes les autres chofes, les bienheureux ne defireront rien que de jufte, & Dieu fatisfera à tous leurs juftes defirs,

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2. On peut confiderer l'union parfaite de tous les Bienheureux, qui confifte en ce qu'ils auront tous les mêmes volontez, qu'ils penetreront mutuellement leurs cœurs, qu'ils y verront en tous un ardent amour pour eux, & qu'ils feront heureux non - seulement en leurs perfonnes, mais en celles de tous les autres, parce qu'ils regarderont le bonheur des autres comme le leur propre.

3. On peut confiderer qu'ils poffederont tous un Royaume éternel, dont ils feront pleinement allurez, où perfonne ne s'oppofera à leurs volontez, dont la jouiffance ne fera jamais interrompuë, qui ne leur donnera aucune peine à conferver, qui ne fera jamais troublé par aucune guerre, qui fera inacceffible à toutes fortes d'ennemis, & où l'on fera exempt de toutes fortes de fervitudes.

CHAPITRE VI I.

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Des péchez contre l'Esperance.

Uels font les pechez que l'on peut commetre contre l'Esperance?

R. Le plus commun, & auquel néanmoins on penfe le moins, eft celuy de la laiffer éteindre, faute d'en exercer des Actes, & de s'occuper des objets qui la réveillent & l'animent, ce qui arrive à tous ceux qui pen

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