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l'Empire d'Orient fur l'Italie à Théodoric, & qu'il n'y avoit point envoyé ce Prince en qualité de fon Lieutenant, lorfqu'il l'y envoya pour délivrer Rome de la tyrannie d'Odoacer. C'eft de quoi nous avons parlé affez au long fur l'année quatre cens quatre-vingt-neuf. Je reviens à l'avenement d'Athalaric à la Cou

ronne.

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Ce Prince eut donc l'Italie, & Amalaric l'Efpagne. Quant aux Provinces des Gaules qui obéiffoient à la Nation Gothique, voici comment elles furent partagées en fuivant la difpofition de Théodoric. (a) » Les Gots, on fçait bien que dans le style de Procope, les Gots dits abfolument, font les Oftrogots, »rent la partie de ces Provinces, qui par rapport à l'Italie, est » en-deçà du Rhône; & les Vifigots curent la partie qui eft au» delà de ce Fleuve. » Le Lecteur fe fouviendra bien que la partie des Gaules qui échut à Athalaric, étoit celle que Théodoric avoit poffedée de fon chef, l'ayant conquife en differens tems fur les Bourguignons, & que le lot d'Amalaric fut précisément la partie des Gaules, qui avoit été de la Monarchie des Vifigots. Ils l'avoient confervée après la mort d'Alaric fecond, comme on l'a vû, & Théodoric y avoit été le maître à titre de су Tuteur & d'Adminiftrateur des biens de fon petit-fils encore pupille. Il est vrai qu'Athalaric garda la Ville d'Arles, quoiqu'elle eût été du Royaume d'Alaric fecond, & qu'elle dût par cette raifon être du Royaume d'Amalaric. Mais les convenances demandoient abfolument que les Oftrogots gardaffent cette Ville dont ils étoient actuellement en poffeflion. En premier lieu, elle étoit affife à leur égard en-deçà du Rhône, qui étoit une féparation naturelle des Contrées qu'eux & les Vifigots tiendroient dans les Gaules. En fecond lieu, elle étoit dès le tems des Empereurs le Siége de la Préfecture des Gaules, qu'il importoit tant au Roi des Oftrogots de maintenir en crédit. Nous en avons dit ci-deffus les raifons. Athalaric donna-t'il ou non à fon coufin une compenfation pour Arles? Quel fut cet équivalent? J'igno

re tout cela.

(a) Amalaricus Rex Vifigothorum Gallias cum Gothis & Athalarico confobrino fuo ita divifit ut Gothis cefferit quidquid eft cis Rhodanum fluvium, partes vero trans illum pofitæ in Vifigothorum ditione manferunt. Convenit etiam inter ipfos, ut vectigal quod conftituerat Theodoricus, non penderent amplius Gothis. Quidquid opum ex urbe Carcaffiane idem abftulerat, Atha

laricus bona fide Amalarico reftituit. Quoniam vero hæ duæ Gentes connubiis affinitates junxerant, unicuique viro qui uxorem è Gente altera excepiffet, permiffa eft optio utrum mallet uxorem fequi, an ad Gentem ex qua ipfe effet, eam traducere. Uxores multi abduxerunt arbitratu fuo, multi fecuti funt.

Procop. de bello Got. lib. pr. cap. 13.

Procope

>>

99

empor

Procope reprend la parole: » Du confentement d'Athalaric, » les Viligots furent difpenfés de lui payer les redevances an»nuelles, que Théodoric leur avoit impofées. Il fut même con» venu qu'Athalaric reftitueroit à fon coufin Amalaric, le tre» for des Rois Vifigots, que Théodoric avoit autrefois »té de Carcaffonne, pour le porter à Ravenne. Enfin il fut stipulé que ceux des Oitrogots qui s'étoient mariés dans les Pays qui devoient demeurer aux Visigots, & réciproquement que » ceux des Visigots qui s'étoient mariés dans les Pays qui de» voient demeurer aux Oftrogots, auroient les uns & les au>> tres, à leur choix, la faculté de demeurer dans le Pays où ils » s'étoient domiciliés, ou celle d'emmener leur famille avec 99 eux s'ils jugeoient à propos d'en fortir, pour se retirer » dans les Pays de l'obéiffance du Roi de la Nation dont ils » étoient. On voit par-là que, comme nous venons de le dire, les Vifigots & les Oftrogots, qui n'étoient originairement que deux Tribus ou deux Effains d'une même Nation, n'avoient pas été confondus les uns avec les autres, quoiqu'ils habitasfent pêle-mêle dans les mêmes Contrées depuis vingt ans. Il faut une convention spéciale, afin que les Vifigots qui s'étoient mariés dans le Pays des Oftrogots, & que les Ostrogots qui s'étoient mariés dans le Pays des Vifigots, puiffent être Citoyens de la Tribu dont ils n'étoient pas iffus, au cas qu'ils veuillent refter dans la Patrie de leurs femmes. Qu'on juge après cela combien les ufages & les mœurs de ces tems là s'oppofoient à ce que les Nations, qui étoient étrangeres en quelque forte les unes à l'égard des autres, ne vinffent à s'incorporer & à fe confondre.

Nous avons déja dit quelle fut la destinée d'Amalaric, comment il fut tué à Barcelonne vers l'année cinq cens trente & un, & à qui fes Etats pafferent après lui. Pour Athalaric, il resta juf ques à fa mort arrivée en cinq cens trente-quatre, fous la conduite de fa mere Amalafonthe. Quoique la coutume obfervée parmi les Ostrogots ne permît point qu'une femme regnât en fon nom, elle permettoit néanmoins qu'une femme regnât fous le nom d'autrui. Athalaric avoit à peine atteint l'âge de dix-huit ans qu'il mourut. Dès qu'il fut mort, Amalafonthe devint auffi célébre par fes malheurs, qu'elle l'avoit éré jufques-là par son élévation & par fes vertus. La coutume des Oftrogots ne lui permettant pas de regner fous fon nom, elle crut qu'elle devoit affocier un homme à fon trône, & qu'elle pourroit regner auffi glorieufement fous le nom d'un mari, qu'elle avoit regné jufques-là fous le

Tome II

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nom d'un fils. Dans cette idée elle affocia à fon trône & probablement à fon lit Théodat, un de fes coufins, & celui des Grands de la Nation des Oftrogots, qu'elle crut le plus propre à bien obferver les conditions aufquelles cette Princeffe vouloit affujettir fon époux ou fon collegue, & qu'elle exigea de lui. On fe doute bien qu'une des premieres conditions étoit, que Théodat ne fe prévaudroit point de fon titre, quel qu'il fût, pour lui ôter l'adminif tration de l'Etat, & pour lui ravir une autorité, plus chere que la vie à celles qui l'ont exercée durant un tems. En effet, l'Hiftoire eft remplie de Princes qui ont abdiqué la Couronne, mais on y trouve un très-petit nombre de Princeffes qui fe foient dépouillées volontairement du pouvoir fouverain.

On va voir par un fragment de la lettre qu'Amalafonthe écrivit au fujet de fon choix à Juftinien (4), qu'elle ne vouloit

point trop avouer que fon fexe la rendît incapable de porter

feule la Couronne, & qu'elle prétendoit tenir de fa naissance, du moins, le droit d'affocier au pouvoir fuprême la perfonne qu'il lui plairoit de choifir. » Nous avons, dit-elle, fait mon»ter fur le Trône un Prince notre coufin, afin qu'il nous aide » par la fermeté de fes confeils, à foutenir le poids du Sceptre. Amalafonthe ajoute à quelques lignes de-là: » Rien ne fait >> tant d'honneur aux Princes, que de vivre en bonne intelli"gence les uns avec les autres, mais l'union qui regnera entre l'Empereur d'Orient & nous, me fera toujours un honneur fingulier, puifqu'il n'y a point de Souverain, fi grand qu'il puiffe être, dont la fplendeur ne foit encore augmentée par » l'établiffement de l'unanimité entre Juftinien & lui.

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Nous obferverons encore, à l'occafion de ces dernieres paroles, qu'elles font voir auffi-bien que le contenu de la lettre d'Athalaric à Juftinien, laquelle nous venons de rapporter, que les Rois des Oftrogots fe prétendoient abfolument indépendans de l'Empire d'Orient. Ces Princes prétendoient être à cet égard dans tous les droits des Empereurs d'Occident prédéceffeurs d'Auguftule. En effet le terme d'unanimité, dont Amalafonthe fe fert ici, étoit, comme je l'ai déja remarqué à l'occasion de l'avenement d'Avitus à l'Empire d'Occident en quatre cens cinquante-cinq, le terme confacré, dont les Empereurs d'Occicordia Principum deceat, veftra tamen abfolute me nobilitat, quoniam ille redditur amplius excelfus, qui veftræ gloriæ fueria unanimitate conjunctus.

(a) Juftiniano Imperatori, Amalafontha Regina. Perduximus ad fceptrum virum nobis paterna affinitate conjunctum, qui Regiam dignitatem communis confilii robore nobifcum fuftineret...... Nam licet con

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Caff. var. lib. 10. Ep. 1.

dent fe fervoient pour exprimer la nature de la liaison qui étoit entre eux & les Empereurs d'Orient: ainfi Amalafonthe traitoir d'égal à égal avec Juftinien, quand elle lui demandoit l'unanimité.

Théodat écrivit auffi de fon côté à Justinien une lettre qui fe trouve parmi les Ouvrages de Caffiodore, qui l'avoit compofée. Ce Prince y dit à l'Empereur: (a) » Dès qu'un Roi eft monté » fur le Trône, l'ufage veut qu'il fasse part de fon avenement à » la Couronne aux autres Souverains, afin qu'ils lui accordent » l'amitié qu'ils doivent avoir pour les perfonnes revêtuës de la » même dignité qu'eux.

Une Hiftoire Critique permet d'interrompre la narration toutes les fois qu'il fe préfente une occafion de faire des remarques propres à prouver quelque chofe de ce qu'on y peut avoir avancé. J'obferverai donc, en ufant de cette liberté, que les nouveaux Souverains avoient coutume dès-lors, comme je l'ai fuppofé en plufieurs endroits, de donner part de leur avenement au Trône aux autres Princes. Caffiodore le dit expreffément; & nous pouvons encore appuyer fon autorité de celle de Menander Protector. (b) Cet Auteur écrit que Justin second, qui fucceda en cinq cens foixante & cinq à fon oncle Juftinien, envoya Johannes en Perfe. »> Quel que fut le véritable fujet de sa mission, » ajoute notre Auteur, elle avoit pour prétexte, la néceffité de » donner part au Roi des Perfes de l'avenement de Justin à l'Empire, & de remplir le devoir dont ces Rois & les Empereurs » Romains s'acquittent réciproquement en pareilles occafions.

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Théodat fut ou plus ambitieux, ou moins reconnoiffant, qu'Amalafonthe ne fe l'étoit promis. Quelques mois après son élevation, il dépouilla fa bienfaitrice de l'autorité fouveraine, & les foupçons qu'il conçut en voyant l'impatience avec laquelle cette Princeffe portoit fa dégradation, l'engagerent à la confiner dans une Ifle du Lac de Bolféne. Amalafonthe de fon côté eut recours à Juftinien, qu'elle promettoit d'aider de fon crédit & de fes amis, pour le rendre maître de l'Italie, fans exiger d'au

(a) Juftiniano Imperatori Theodatus Rex. Significat fe ab Amalafontha in focium regni affumptum & petit ut judicio fuo faveat. Novis Regibus mos eft per diverfas Gentes provectus fui gaudia nuntiare, ut adquirant effectum Principis externi de ipfa communione regnandi.

Caffiod. Var. lib. 10. Ep. 2.

(b) Juftinus Juftiniani nepos quo fere

tempore Imperium fufcepit, mifit Johannem Domantioli filium, in Perfiam ut Legatione fungeretur. Legatio vero hæc erat, fic enim accepi & vulgo ferebatur, ut pro more inter Romanos & Perfas récepto nuntiaret Juftino. Imperium delatum.

Menander Protect. in excerptis Legat. Cantoclar. pag. 309.

tre récompenfe de fes fervices, qu'un établissement & une retraite convenables à une Reine, fille de Roi, & mere de Roi. Juftinien promit plus qu'on ne vouloit; mais les menées d'Amalafonthe furent découvertes, & Theodat la fit mourir. Je me conforme dans ce récit aux Hiftoires de Procope, quoique GreHift. Fr. Lib. goire de Tours raconte bien différemment la catastrophe d'Amalafonthe. Mais tous les Sçavans font convenus d'abandonner ici l'Historien Latin, pour fuivre l'Hiftorien Grec, qui avoit plus de capacité que l'autre, & qui avoit déja part aux affaires dans le tems que les évenemens dont il eft question, arriverent.

3. Cap. 31.

Le meurtre d'Amalafonthe rendit Théodat fi odieux aux Oftrogots, qui refpectoient en elle le fang du Fondateur de leur Monarchie, & aux Romains, à qui elle étoit chere, parce qu'elle avoit reçu une éducation femblable à la leur, que Juftinien crut qu'il étoit tems de recouvrer l'Italie. Il entreprit d'autant plus volontiers ce projet, qu'il avoit déja dans la Province d'Afrique une armée victorieufe, celle qui venoit de fubjuguer les Vandales. Bélifaire qui la commandoit eut donc ordre de paffer en Sicile: c'étoit par la conquête de cette Ifle qu'il falloit commencer l'entreprise. (4) Il y paffa, & il la conquit en l'année cinq cens trente-cinq.

Ce fut alors que Juftinien voulut négocier avec les Rois des Francs, un Traité qui obligeât ces Princes à ne le point traverfer dans le recouvrement de l'Italie fur les Oftrogots. Il n'étoit pas de leur interêt de fouffrir que l'Empereur des Romains d'Orient fe rendît maître de cette Province; mais il fe flattoit que le parti qu'il leur offriroit, & le reffentiment qu'ils devoient avoir contre le meurtrier d'une niece de Clovis, les engageroient à laisser détrôner Théodat fans tirer l'épée en fa faveur. Voici ce qu'on trouve dans Procope concernant la premiere négociation de l'Empereur Juftinien avec nos Rois.

(b) Cet Historien, avant que de faire la digreffion fur l'origine & fur les premiers progrès des Francs, de laquelle nous nous fommes fervis tant de fois, dit: » Juftinien envoya auffi pour

(a) Belifario Confule, co anno quo
Confulatum dedit Siciliam ingreffus, cam
Imperatori Romano reftituit.

Mar. Avent. Chron. ad ann. 535.
(b) Tunc quoque legationem ad Franco-
rum Principes cum his litteris mifit. Quo-
niam Gothi non modo Italiam quam habent
ditioni noftræ ereptam vi, reftituere nolunt,

fed injurias etiam nobis nec mediocres nec tolerabiles impofuerunt non laceffiti, ipfis bellum inferre coacti fumus. Nobifcum vos id fufcipere convenit quod commune facit, cum germana religio erroris Ariani expultrix, tum odium quo æque ut nos diffidetis à Gothis.

Procop. de bello Got. lib. 1. cap. 5.

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