Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Art. 140

MON. FRANÇOISE, mier Ordre ou de l'Ordre Sénatorial que cette Loi condamne une peine pécuniaire de trois cens fols d'or. D'ailleurs l'expref fion de Convive du Roi, par laquelle la Loi Salique défigne le Romain dont le meurtrier fera condamné à trois cens fols d'or d'amende, convient très-bien à un Romain de l'Ordre fupérieur qui pouvoit manger avec le Roi, quand ceux des deux Ŏrdres inférieurs ne pouvoient point être admis à cet honneur. Les Francs auront défigné d'abord un Romain du premier Ordre par ce qui les frappoit le plus, & cette défignation une fois établie, l'expreffion de Convive du Roi, pour dire une perfonne d'un certain grade, fera devenue l'expreffion ufitée.

Qu'il fallût dans les tems dont je parle avoir un certain rang pour être ce qu'on appelloit Convive du Roi, on n'en fçau roit douter. (4) Fortunat ayant dit que Condo avoit été fait Tribun, & qu'il avoit enfuite fervi comme Comte fous le prédéceffeur de Sigebert petit-fils de Clovis, il ajoute que le Roi Sigebert pour récompenfer Condo de fes nouveaux fervices, l'avoit fait monter à un grade qui fe rendoit Convive du Roi. L'ufage qui avoit reglé, qu'il falloit être d'une certaine condition pour prendre place, apparemment fans être invité, à la table des perfonnes d'un certain rang, a même fubfifté sous la troifiéme Race. On lit dans les Institutes Coutumieres de Maître Antoine Loyfel: Nul ne doit feoir à la table du Baron, s'il n'eft Chevalier. Enfin quels que fuffent ces Romains Convives du Roi, il eft certain qu'ils compofoient un Ordre fupérieur nonfeulement aux deux autres Ordres des Citoyens Romains, mais auffi aux Citoyens mêmes de la Nation des Francs, puifque le Franc qui avoit tué un autre Franc, n'étoit condamné qu'à une peine pécuniaire de deux cens fols d'or, au lieu que le Franc qui avoit tué un de ces Romains Convives du Roi, étoit condamné à payer trois cens fols d'or.

Il ne faut point croire que la Loi Salique n'inflige en ce dernier cas une peine fi grave, que parce qu'elle ftatue dans notre article fur la peine du meurtrier d'un Officier public actuellement en Charge, & par conféquent que c'est à l'emploi dont le Romain Convive du Roi fe trouvoit revêtu, & non point à la prééminence de l'Ordre dont il étoit, que cette Loi a eu égard. Ce n'eft point dans le titre quarante - troifiéme qu'on explique

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

ici, que la Loi Salique ftatue fur les peines dûës au meurtre d'une perfonne actuellement en charge, mais bien dans le titre cinquante-fixiéme qui eft divifé en quatre articles, (4) dont le premier condamne le meurtrier d'un Comte à une peine pécuniaire de fix cens fols d'or, & le fecond condamne celui qui auroit tué un Officier d'un rang inferieur à trois cens fols d'or.

Non-feulement les Rois Mérovingiens laiffoient le Romain des Gaules en poffeffion de fon Etat, mais ils lui conferoient encore fouvent les emplois les plus importans de la Monarchie, & ils lui permettoient de s'allier par mariage avec les Francs.

Les monumens litteraires du fixiéme & du feptiéme fiecles font fi remplis de faits qui prouvent la premiere de ces deux pro pofitions, que je n'aurois point fongé à en raffembler ici quel ques-uns, fi la hardieffe avec laquelle des Ecrivains de Parti ont foutenu depuis peu, que les Francs avoient réduit les Romains des Gaules dans une condition approchante de la fervitude n'étoit point capable d'en impofer à ceux qui n'ont pas lû l'Hiftoire de nos premiers Rois dans les Auteurs contemporains.

Clovis lui-même s'eft fervi de Romains dans fes affaires les plus importantes. Nous avons vû quelle étoit fa confiance pour Aurelien que l'Abbréviateur dit pofitivement avoir été Romain de Nation, (b) & de quelle importance étoit l'emploi de Commandant dans le Canton de Melun quand ce Prince le lui confera. Saint Mélaine Evêque de Rennes devint après la foumiffion des Armoriques au pouvoir de Clovis, fon Confeiller. Quel crédit S. Remi ne devoit-il point avoir fur l'efprit de ce Prince fon Néophite? On voit par le nom des Evêques qui ont fiégé fous le regne de fes fucceffeurs, & par le nom des Généraux & des Miniftres de ces Princes, que la plupart de ces Prélats, de ces Généraux, & de ces Miniftres étoient Romains de Nation. Il y a même plus, les Auteurs contemporains difent pofitivement quelquefois que ces Généraux, que ces Miniftres étoient Romains. Par exemple, Gregoire de Tours parle dans plufieurs endroits de fon Hiftoire d'un Lupus qui vivoit de fon tems, & qui fous le regne de Sigebert petit-fils de Clovis étoit déja parvenu à 6. cap. 4. l'emploi de Duc de la Champagne de Reims. Or nous voyons

(a) Deeo qui Grafionem occiderit. Tit. 56. | Si quis Grafionem occiderit viginti quatuor mille denariis qui faciunt folidos fexcentos, culpabilis judicetur. Si quis Sagibaronem qui puer Regis fuerat, occiderit, duodecim mille denariis qui faciunt folidos trecentos,

culpabilis judicetur. Baluz. Capit. Tom. 1.
pag. $18.

(b) Chlodoveus Aurelianum quemdam
ex Romanis, ingenio quo poterat ad Chro
techildem prævidendam direxit.
Hift. Franc. Epit.cap. 18.

Greg. Tur. Hift. Lib. 4.

cap. 47. & lib

par un Poëme que Fortunat, contemporain de Gregoire de Tours adreffe au Duc Lupus, que ce Lupus étoit Romain de Nation. (4) » Le Duc Lupus, dit notre Poëte, efface la fplen» deur des hommes les plus célébres. Penétré des fentimens Ro» mains, qu'il tient du fang dont il eft forti, il remplit égale» ment bien les fonctions de Général & celles de Magiftrat. On pouvoit être en même tems l'un & l'autre fous nos Rois Mérovingiens. Nous l'avons obfervé plus d'une fois.

Frédegaire trouvant à propos de nous apprendre de quelle Nation étoit chacun des Généraux de l'armée que le Roi Dagobert I. envoya contre les Gafcons vers l'année fix cens trente-cinq, (b) dit : Que tels & tels étoient Francs, qu'un tef étoit Bourguignon, & que Crammelenus un de ces chefs, étoit Romain de Nation. Dès qu'il y avoit dans les armées de nos Rois des Généraux Romains, on ne fçauroit douter qu'il n'y eût auffi bien des Officiers & bien des Soldats, & même des Corps entiers de cette Nation. Qu'on fe fouvienne encore de ce que dit Procope, dans le paffage où il parle de la réduction des Armoriques à l'obéiffance de Clovis. On y voit que Clovis prit à fon fervice les Troupes Romaines, qui gardoient la Loire contre les Vifigots, & que lorfque notre Hiftorien écrivoit, c'est-à-dire, après le milieu du fixième fiècle, ces troupes étoient encore armées & difciplinées à la Romaine. En un mot, qu'elles étoient encore de véritables Légions. En effet, Gregoire de Tours fait mention dans plufieurs endroits de fes Ouvrages, de Tribuns, qui vivoient de fon tems (), & l'on fait que ce nom eft de la Milice Romaine, & non pas de la Milice des Barbares. Notre Hiftorien dit, en parlant d'un crime com mis de fon tems, qu'un certain Medardus, qui étoit Tribun en fut foupçonné. Ce même Auteur dit dans la Préface de son fecond Livre des Miracles de Saint Martin, (d) qu'après avoir

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

employé fon premier Livre à écrire les merveilles que l'Apôtre des Gaules avoit operées dans les tems antérieurs, il va raconter celles qui arrivoient journellement au tombeau de ce Saint. Il rapporte enfuite dans l'onzième Chapitre de fon fecond Livre, que Mummola femme du Tribun Anienus, & qui avoit perdu l'ufage d'un pied, le recouvra miraculeufement par l'interceffion

de faint Martin.

Vid. Notas

26. Libr. 4.

Dans un autre endroit de fes Ouvrages, (4) Gregoire de Tours parle d'un miracle qui fe fit au Tombeau de Saint Germain Evêque d'Auxerre, dans la perfonne du Tribun Nunninus, qui étoit parti d'Auvergne pour venir payer à la Reine Theodechilde quelqu'argent provenant des revenus de cette Province, fur laquelle fon pere Thierri lui avoit apparemment Rui. ad cap. affigné fa dot. On a vu qu'il avoit cette Cité dans fon partage. Hift. Gr.Tur. Fortunat parle auffi du Tribunat dans le Poëme que nous venons de citer à l'occafion du fens que pouvoit avoir l'expreffion de Convive du Roi. Il dit à Condo le Héros du Poëme.» Vous » êtes parvenu en montant de grade en grade, aux places les plus éminentes. Votre premier avancement fut que le Roi » Thierri vous recompenfa comme Tribun, au fortir d'un com» bat qu'il avoit gagné. Son fils Theodebert vous confera enfui» te l'emploi de Comte. (b)

رو

Il falloit bien qu'il y eût encore dans les Gaules, des Tribuns fous les Rois Mérovingiens, puifqu'il y avoit encore dans les Cités des Romains qui portoient le titre de Maître de la Milice ou de Magifter Militum. Le Pere Mabillon a donné dans le quatrième Tome des Annales de l'Ordre de Saint Benoît, la Formule d'une Conftitution de dot faite à Angers (6) fuivant

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

l'ufage du lieu, la quatrième année du regne de Childebert, & cet acte fait mention d'un Maître de la Milice comme d'un des Officiers de la Ciré. Suivant toutes les apparences, ces Maî→ tres de la Milice n'étoient que les Commandans de la Milice Romaine de chaque Cité, car l'emploi de Généraliffime des Gaules étoit réuni à la Couronne, & nous verrons dans un Chapitre compofé exprès, que chaque Cité des Gaules avoit fous les Rois Francs fa Milice, compofée de fes anciens Habitans, ainfi qu'elle l'avoit fous les Empereurs Romains. Mais cela prouve toujours que les Francs n'en avoient point ufé avec les Romains des Gaules, comme un Conquerant en ufe avec une Nation qu'il a fubjuguée & qu'il opprime, de la même maniere que les Turcs oppriment les Grecs. Un tel Conquerant fe garde bien de laiffer au Peuple fubjugué le maniement des armes. Rapportons encore quelques paffages des Auteurs du fixiéme & du feptiéme fiécle, où il eft fait mention des Romains pourvûs par nos Rois des plus grandes Dignités de l'Etat, & employés par eux dans les affaires les plus délicates.

On fçait que le Patriciat étoit dans les pays qui avoient compofé le Royaume des Bourguignons, & qui avoient été unis en cinq cens trente-quatre au Royaume des Francs, la plus grande Dignité après la Royale. Ou bien nos Rois ayant trouvé, lorfqu'ils foumirent ce Pays-là, que le premier Officier du Prince s'y nommoit Patrice, ils continuerent à donner ce titre à celui qui devoit y commander immédiatement fous eux. Ou bien nos Rois, & c'eft ce qui me paroît de plus vraisemblable, ayant trouvé la qualité de Patrice comme réunie au Diadême des Bourguignons, parce que les derniers Rois de cette Nation l'avoient, eue, & d'un autre côté ne voulant plus la porter, lorfqu'ils furent devenus Seigneurs fuprêmes des Gaules, en vertu de la ceffion de Juftinien, ils la donnerent à leur premier Of, ficier dans celles de leurs Provinces dont il s'agit, afin que le Peuple accoutumé à obéir à des Patrices, lui obeît par habitude. Quoiqu'il en ait éré, il est toujours certain que ce premier Of ficier fe nommoit Patrice. Or il eft fait mention dans un feul Chapitre de Gregoire de Tours, de trois Romains (a) créés Pa

(4) Eunius quoque cognomento Mummolus, à Rege Guntchramno Patriciatum promeruit de cujus militia origine altius: quædam repetenda putavi. Hic etenim Peonio patre ortus, Antifioderenfis Urbis incola fuit. Peonius verò hujus Municipis Co..

mitatum, regebat, Greg. Tur. Hift. Lib. 4. cap. 43.

Igitur prorumpentibus Longobardis in Gallias, Amatus Patricius qui nuper Celfi fucceffor extiterat. Ibidem.

« AnteriorContinuar »