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furnom de Mufe & d'Abeille Athénienne, qu'il reçut de fes Contemporains, prouve que la Philofophie de ces temps reculés n'étouffoit point le génie, ne corrompoit point le goût, ne refroidiffoit point l'imagination qu'elle animoit tout du coloris de la Poésie, qu'elle favoit répandre des fleurs fur les fujets les plus arides adoucir fon auftérité, en s'abandonnant aux douces inspirations des Muses: que loin d'être fombre, froide & compaffée, elle avoit tout l'élan du génie, & tout le feu d'une imagination vive & brillante. Auffi Xénophon emprunta-t-il le pinceau d'Hérodote nouvel hommage rendu à Homère.

Cette heureuse union de la Philofophie & de la Poésie, eft encore plus sensible dans les écrits de Platon. Né avec un génie profond, accompagné de la plus belle imagination, la Poéfie, la Peinture & la Mufique furent les premiers jeux de fa jeuneffe: mais bientôt entraîné par l'attrait de la Philofophie, il s'y livra

tout entier, & devint le plus éloquent des Philofophes. A la manière divine dont il s'exprime, dans laquelle on sent l'étude qu'il avoit faite d'Homère, on croit entendre un Dieu parler, & non un simple mortel (1). Il recueillit avec soin les différens fyftêmes des anciens Philofophes, ce qu'il avoit pu apprendre des Disciples de Pythagore, & principalement les leçons qu'il avoit reçues de Socrate: il en forma un ouvrage complet, & s'abandonnant au feu de fon imagination, il fit parler à la Philofophie le langage d'Homère. Son ftyle harmonieux, plein d'images & de Poésie, ajoute encore un prix à fes ouvrages admirés des Grecs, dont à cet

(1) Philofophorum ex quibus plurimum fe traxiffe eloquentiæ M. Tullius confitetur, quis dubitet Platonem effe præcipuum, five acumine differendi, five eloquendi facultate divinâ quadam & homericâ ? Multum enim fupra profam orationem, & quam pedeftrem Græci vocant, furgit: ut mihi non hominis ingenio, fed quodam delphico videatur oraculo inftinctus. QUINTIL. Lib. X, Cap. I, pag. 744 & 745.

égard la poftérité n'a point démenti la juste admiration.

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Les Arts & les Sciences trouvèrent également de grands Hommes qui leur confacrèrent leurs veilles ; & fi nous avons fu depuis perfectionner les uns, fi nous avons plus approfondi les autres, il reste toujours aux Grecs la gloire de l'invention. Nous fommes trop heureux que le temps ait refpecté une partie de ces monumens immortels d'Architecture & de Sculpture qu'ils nous ont laiffés : la vétufté n'en a pas altéré la beauté le génie de l'Artiste semble y respirer encore, & on ne peut les contempler qu'avec ce ravissement, cette extafe que les miracles de l'art infpirent. Ne le diffimulons point, nous ferons toujours forcés de convenir que c'eft du centre de la Grèce que font partis tous les rayons de lumière qui ont éclairé jusqu'à préfent, dans tous les genres, les Sciences & les Arts. Mais fi nous n'avons qu'une ftérile admiration pour ces Chefs-d'oeuvre du génie ; fi nous

ne brûlons pas du feu qui les a produits,

fi le defir de nous immortaliser eft éteint dans nos cœurs, ces Chefs-d'œuvre font pour nous, comme s'ils n'avoient jamais exifté.

Le Génie, les Talens ne demandent qu'à naître: ils languiffent & meurent s'ils ne font protégés. C'est donc à ceux qui ont le pouvoir en main, s'ils chériffent la véritable gloire, à les aimer, à les protéger, à les faire éclore. Qu'ils donnent au génie des aîles, en applaudiffant à fes efforts, & en le comblant d'honneurs; qu'ils rendent par-là l'émulation générale, elle fera alors auffi glorieufe qu'utile à la chofe publique. Telle fut la conduite de Périclès lorsqu'il étoit à la tête de la République. Jamais Athènes ne fut plus floriffante que fous fon administration. Les magnifiques Monumens de toute espèce dont il l'embellit, le nombre immense de statues dont il la décora, en firent une ville fuperbe, & la plus impofante de la Grèce. Quelle haute idée, tant de

magnificence & de grandeur ne devoientelles pas donner aux étrangers de la puiffance & du bonheur des Athéniens? Tous ces édifices élevés à la fois, fembloient demander des fiécles & des travaux infinis pour être achevés ; & ils le furent dans un très-court espace de temps (1), avec toute la beauté, toute la perfection, toute la folidité dignes de ces fuperbes Monumens, destinés à être à jamais les modèles des Temples futurs, des Édifices publics, des Palais des Rois; & à faire l'étonnement & l'admiration de l'avenir. Mais cette étonnante & merveilleuse activité avoit pour foutien les foins éclairés de Périclès, les encouragemens & les récompenfes avec lesquels il fut l'exciter & l'entretenir.

Voilà la véritable époque de la grandeur 'd'Athènes. Tous les Arts, tous les grands Hommes y fleurirent à la fois. C'est dans ces beaux jours que Sophocle remporta

(1) Plut. in Pericle, pag. 159.

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