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prefque de mal que ce qu'on luy en laiffera faire.

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CHAPITRE XXVIII.

Des autres affaifonnemens: 1o, des aigres ou acides.

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•LE Es acides tout célebres qu'ils font aujourd'huy ne font pas les affaifonnemens les plus fûrs; car ils font sujets à deffécher les corps & à les maigrir, parce qu'outre qu'ils font mordans & par cette raifon capables de porter un agacement ou une irritation convulfive par tout le corps, ils font encore de la nature des fondans; & par la coagulation qu'ils caufent dans le fang, ils précipitent les férofitez, & font des colliquations & des fontes pernicieufes. En effet il n'eft prefque rien de plus contraire à la nature des liqueurs qui nous font vivre, que tout ce qui eft acide; auffi tout ce qui fe fait de mélange dans ces différentes liqueurs, n'eft-il que pour prévenir l'aigreur ou l'acidité. Dans cette vûe, la nature employe fouvent dans nos corps des amers, des doux, des fulphureux, des veloutez, des mucilagineux, mais jamais d'acides; car ce fut une imagination dans les premiers chymiftes qui entreprirent le fiecle paffé d'expliquer tout par l'acide & l'alcali, de vouloir placer un acide dans l'eftomac, dans le pancreas, dans la falive, & même dans le fang; il n'y feroit que malfaifant; & la chymie d'aujourd'huy moins préoccupée & plus raifonnable, convient que l'acide qu'on tire du fang par l'analyfe, eft moins la portion de cette liqueur diHippocr. de affectionib. p. 426. b Ibid. Acida pituitofa funt. Hippocr. de locis, p. 420,

ftilée,

a

filée, que des intermedes qu'on employe pour
cette opération. On s'eft convaincu d'une fem-
blable méprife au fujet du fuc pancréatique, &
tant d'heureux retours de bonne foy doivent fai-
re espérer que le prétendu acide de l'eftomac
aura bientôt la même destinée. Peut-eftre donc
les acides pourroient-ils en certains cas tenir
lieu de remede, comme on le voit par
la pra-
tique des médecins Portugais,qui guériffent tant
de maladies avec leurs limonades; mais on doit
s'en défier en fanté dont ils paroiffent les enne-
mis capitaux, puifqu'il n'eft pas de cause, des
maladies, plus avouée & plus univerfelle que
Faigre ou l'acide. Ajoûtez que les acides fe pro-
vignent, pour ainfi dire, ou fe reproduifent
tres-aifément;car ou ils font naître l'aigreur dans
les liqueurs qui n'en ont pas, ou ils exaltent à
l'excès, & multiplient fans mefure la moin-
dre pointe d'acide qui fe trouveroit dans d'au-

tres.

gre.

N'en feroit-ce pas affez pour faire le procés Vinaiau vinaigre? Du moins tout cela doit-il en faire comprendre les dangers. Car enfin le vinaigre n'eft qu'un refte d'un vin dégénéré ou corrompu; cependant le vinaigre auffi bien que le fel, avec lequel il a beaucoup de convenance 4, fut autrefois le ragoût du peuple & des pauvres, des foldats f, & des gens de la campagne. C'eft qu'ils croyoient qu'il fervoit à corriger les alimens groffiers dont ils ufoient, parce que l'antiquité avoit cette bonne opinion du vinaigre ; ou ils s'en fervoient pour s'exciter l'appetit, parce qu'il eft peu de chofe qui en

a Pitcarn. differt. b Barchufen, acroamat. p. 245. 283. Vinum
mortuum, vini vitium aut cadaver. Gal. Plin. Nonn. d Sebifius,
P. 325. Stuckius, de conviv. 1. 1. c. 21. Athen. 1.
e
II. f Nonn
P, 479. Stuck. ibid. g Nonn. p. 479. ↳ Aceți vis domitrix eft
ciborum.

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donne davantage, ou qui rende une nourritu re commune fupportable.

Nec cibus ipfe placet, morfu fraudatus aceti ". Pour les foldats & les payfans, ils s'en fervoient pour appaifer leur foif: dans cette pen. fée les foldats qui affifterent au trifte fpectacle de la mort du Sauveur, luy présenterent 4 du vinaigre, dès qu'il eut témoigné qu'il avoit foif; & Booz permit à Ruth de tremper fon pain dans le vinaigre de fes moiffonneurs. On voit donc par tout cecy que le vinaigre ne paffoit point pour eftre fi malfaifant, puifqu'une grande partie du monde s'en fervoit autrefois fi utilement. Mais les médecins eux-mêmes le trouvoient utile, puifque Hippocrate le confeille aux bilieux f. Et ceux parmy eux qui ont effayé de regler les ragoûts des hommes, ou de leur marquer les plus innocens, permettoient l'ufage de certaines préparations & de vinaigre qu'ils recommandoient pour guérir ou conferver l'eftomac; car on l'y croyoit excellent, foit pris intérieurement, foit donné extérieurement,

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Et fotu & potu ftomacho conducit acetum ". Car enfin, pour le dire en paffant, les defcriptions qui nous reftent dans Apicius de la cuifine des anciens, ont efté moins faites fuivant la pensée d'un favant médecin de nos jours, pour compofer des mets exquis, que des formules de Médecine, & cela pour rendre les alimens moins dangereux ou plus fupportables à l'eltomac. Il ne faudra donc pas dire du vinaigre pour le rendre suspect au reste du monde, qu'il a Cibos& fapores non alius fuccus magis commendat aut excitat. Plin. 1. 25. c. 1. b Martial. 1. vIII. epigr. Chriftophor. à vega. method. med. 1. 2. Stuckius, l. 1. C. 21. Nonn. p. 479. d Matth. c. v. e L. Ruth. c. 2. f De victu in acut. p. 379. Oxiporum, Oxygarum, vid. Apic. de opfon. & Lifter. ibid. 1. 1. c. 32. 34. h Stuck. p. 83. D. Lifter. in Apicium in præfat.

en incommode la plus belle partie; car s'il eft nuifible aux femmes, comme on croit l'avoir obfervé, combien d'autres chofes plus dangereufes, dont il faudroit ôter la poffeflion au genre humain? On en fera donc quitte pour leur en ménager l'ufage,en le rendant plus ami des nerfs par le moyen des fleurs de fureau ou d'oeillets qu'on y fera infufer. Si à cette précaution on joint cette autre de ne l'accorder à qui que ce foit que tempéré & en petite quantité, on trouvera en luy de quoy accommoder tout le monde. Auffi eftoit-ce avec ces ménagemens que l'antiquité l'employoit, témoin leur oxicrat qui eftoit moins un vinaigre, qu'une eau qui en eftoit foiblement mélangée. En effet, comme l'on voit en chymie qu'on ne dompte la malignité des acides ou qu'en les volatilifant par la fermentation f, ou en les mettant en digeftion avec les huiles; de même le vinaigre pris en petite quantité, fera aifé à dompter dans nos corps: car ou volatilisé à force de circulations & de cohobations réitérées, ou dulcifié par le mélange de tant de fubftances graffes, fulphurées & onctueufes qu'il y rencontrera, il ne luy reftera de fes pointes qu'autant qu'il luy en faudra, ou pour folliciter les parties à s'entretenir dans leurs mouvemens d'ofcillation, ou pour réprimer le volatile du fang ou fes effervefcences, en prévenant la trop grande rarefaction fans cependant l'exposer à fe trop épaiffir. Car il n'en eft pas de l'acide du vinaigre comme de celuy par exemple des minéraux ; celuy du vinaigre eft vineux & contient encore affez de parties fulphurées pour ne point eftre abfolument corrofif, au lieu que celuy des minéraux eft cauftique, &

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Hippocr. de victu in acut. p. 379. b Sebis. p. 326. Platin. Cremon. p. 166. Bruyerin. p. 557. d Pofca, Nonn. p. 479. Bar chufen, acroamat. p, 301.

brûlant, parce que rien d'huileux ne le tempe re. L'hiftoire donc qu'on nous fait d'Annibal, qui pour fe frayer un chemin dans les Alpes fut à l'aide du vinaigre mettre les rochers en poudre,

Diduxit fcopulos, & montem rupit acetob. Cette hiftoire, dis-je, eft ou fauffe ou éxagérée ; & quand elle auroit autant de vray-femblance, comme elle en a peu, le vinaigre n'auroit eu tant de pouvoir, que parce qu'on l'employoit pur & dans une quantité exceffive. Mais une ambition que la religion ne regle pas, trouve d'autre refource que celle du vinaigre pour fe faire jour à travers les difficultez les moins furmontables; & celle d'Annibal auroit bien pû en trouver de femblables, que fa politique aura dérobé à la poftérité. Il ne faut donc pas avec un favant médecin recommander aux fages de fe garder du vinaigre, comme eftant capable de détruire des corps plus durs & moins fujets à fe diffoudre que le corps humain; c'eft aux fages au contraire qu'il en faut permettre l'ufage, parce qu'ils n'en uferont jamais avec excès, & toûjours avec précaution."

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'La D'ailleurs fi c'eftoit l'acide du vinaigre done mon- on fe fit le plus de frayeur, on le trouvera trestarde. modéré dans la moutarde. C'est une compofition qu'on fait à la vérité en quelques endroits avec le vin doux, d'où luy eft venu fon nom"; & c'eftoit à peu près la maniere de la faire des anciens, qui la compofoient avec le vin même ou le miel. Mais tout ce qui eft trop doux ou fucré la rend mal-faifante f, car le fucre l'adou

a Plin. 1. 14. c. 20. Tit, Liv. 1. 20. b Juvenal. Sat. X. c Prudentiores hanc rerum duriffimarum domitricem cavebunt. Bruyerin. p. 557. d Moutarde, quafi muftum ardens. Raj. p. 802. Nonn. p. 61. Apic. 1. 1. c. 24. Raj. p. 803. Simon Paul, botan. p. 486. Brugerin,

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