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HISTOIRE

DES

RÉVOLUTIONS

ARRIVÉES

DANS LE GOUVERNEMENT

DE LA

RÉPUBLIQUE ROMAINE.

LIVRE HUITIEM E.

L. Manlius est accusé devant l'assemblée du peuple de traiter durement T. Manlius son fils. Action hardie de Titus pour délivrer son père. Il tue un Gaulois d'une taille extraordinaire, et est surnomme Torquatus. Valérius Corvus. Pourquoi ainsi appelé. Les Samnites déclarent aux Romains une guerre qui se termine à l'avantage de ces derniers. Première guerre entre les Carthaginois et les Romains. Après différens succès de part et d'autre," les Carthaginois sont obligés de demander la paix et ne l'obtiennent qu'à des conditions très-onéreuses. Ils réparent leurs pertes et recommencent la guerre. Annibal passe en Italie, et met Rome à deux doigts de sa perte. Il est obligé de retourner en Afrique pour défendre sa patrie: Scipion taille Tome II.

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A

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en pièces son armée, et prend Carthage. Les conquêtes des Romains en Grèce et en Asie. Tribunat de Tibérius Gracchus rempli de troubles. Mort du Tribun.

LA

A république jouissoft d'une profonde paix au dedans et au dehors de l'état, et le peuple regardoit le consulat qu'il venoit d'obtenir, comme une victoire qu'il avoit remportée sur le sénat et les patriciens. Mais les tribuns, qui ne pouvoient se faire valoir que par de nouvelles dissentions, se plaignoient que, pour une dignité curule que les patriciens avoient cédée au peuple, ils eussent obtenu trois nouvelles magistratures; qu'on eût créé exprès pour eux la dignité de préteur, qui les rendoit maîtres de l'administration de la justice; qu'ils eussent deux édiles curules, dont l'autorité anéantissoit celle des édiles plébéïens. Ils demandoient que toutes les charges et les dignités de l'état fussent communes entre le peuple et la noblesse ; que le mérite seul en décidât dans les élections et sans distinction que, " de rang ou de naissance, on pût choisir indifféremment des plébéïens comme des patriciens pour remplir les dignités civiles, et même celles du sacerdoce. Tel étoit le sujet ordinaire dont ces tribuns inquiets entretenoient la multitude dans leurs assemblées. Ils n'oublioient rien pour élever, par de magnifiques éloges, les moindres actions des plébéiens, en même temps qu'ils tâchoient d'affoiblir et de diminuer tout ce que les nobles faisoient de plus utile pour la république. Ils s'attachoient même à pénétrer ce qui se passoit dans l'intérieur de leur domestique, dont ils faisoient des rapports malins et exagérés, et propres à les rendre méprisables.

An de Rome 391. C'est ainsi que sous le consulat de Q. Servilius Ahala et de Lucius Génutius, un tribun du peuple, appelé M. Pomponius, fit assigner L. Manlius qui sortoit actuellement de la dic

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tature, sous prétexte que ce patricien traitoit un de ses enfans avec trop de dureté. Ce fils de Manlius, appelé Titus, étoit né bègue; et, comme dans ses premières années il ne faisoit pas espérer beaucoup de son esprit, son père l'avoit relégué dans une de ses maisons de campagne, où il étoit occupé du labourage et des autres soins de l'agriculture comme en usoient encore en ce temps-là les Romains. Cependant, Pomponius en voulut faire un crime à Manlius, qui d'ailleurs n'étoit pas agréable au peuple par la sévérité qu'il avoit exercée dans ses magistratures et à la tête des armées. L'affaire fut poussée si vivement, qu'on ne doutoit pas qu'il ne fût condamné à une amende considérable.

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Titus Manlius, ayant appris l'embarras où son père se trouvoit à son sujet, sort seul de son village de grand matin, se rend à Rome, et va à la porte du tribun qui étoit encore au lit. Il lui fit dire que le fils de Manlius demandoit à lui parler pour une affaire qui ne souffroit point de retardement. Le tribun, persuadé qu'il venoit ou le remercier de s'être intéressé dans sa digrâce, ou peut-être lui découvrir de nouvelles preuves de la dureté de son père, ordonna qu'on le fit entrer. Manlius, l'ayant salué, demanda à l'entretenir en particulier; les gens du tribun se retirèrent aussitôt par son ordre. Pour lors ce jeune homme lui porta un poignard à la gorge et le menaça de le tuer, si, par les sermens les plus solennels, il ne juroit de se désister de la poursuite qu'il faisoit contre son père. Le tribun, épouvanté, jura tout ce qu'il voulut. Mais il ne fut pas plutôt débarrassé de ce jeune homme, qu'il en porta ses plaintes dans une assemblée du peuple, et demanda à être relevé de son serment. Le peuple, plus généreux, en ordonna autrement : il lui fut défendu, en faveur du fils, de poursuivre davantage son action contre le père; et pour récompenser cet acte de piété filiale, le jeune Manlius fut nommé pour remplir une des charges de tribuns des légions:

emploi dont les généraux disposoient auparavant, et dont le peuple se réserva depuis la nomination. An de Rome 392. T. Manlius ne fut pas longtemps sans faire connoître par des actions d'une valeur singulière combien il étoit digne de cet honneur. Les Gaulois-Cisalpins, ayant repris les armes pour venger leur défaite, vinrent camper à trois milles de Rome, proche d'un pont du Téveron, sous le consulat de L. Sulpicius et de C. Licinius Calvus celui même qui, pendant son tribunat, avoit travaillé, de concert avec Sextius, pour faire passer le consulat dans l'ordre des plébéiens.

Au bruit de la marche de ces ennemis redouta

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bles, on nomma aussitôt un dictateur; ce fut T. Quintius Pennus qui choisit Ser. Cornélius Maluginensis pour général de la cavalerie. Les Romains, sous les ordres de ces généraux, s'avancérent aussitôt jusqu'au bord du Téveron: il n'y avoit que la rivière qui les séparât des ennemis. Un Gaulois d'une grandeur énorane, et qui paroissoit plutôt un géant qu'un homme ordinaire, s'avança sur le pont, et défia le plus brave des Romains. Sa taille extraordinaire intimidoit les plus courageux: Manlius seul crut avoir trouvé un péril digne de sa valeur. Il demanda à son général la permission de combattre le Gaulois : « J'espère, lui dit-il, faire voir à ce Barbare que je suis sorti d'une maison fatale à sa nation, et dont le chef précipita les Gaulois du haut du Capitole. Va, lui dit le dictateur, et montre autant de courage pour la gloire de ton pays, que tu en as fait paroître pour la défense de ton père. » Les deux champions ne furent pas long-temps sans en venir aux mains, et Titus Manlius, joignant l'adresse au courage, tua son ennemi, et lui arracha une chaîne d'or qu'il portoit à son cou, et qu'il mit au sien, comme un monument de sa victoire; ce qui lui acquit le surnom de Torquatus, qui passa depuis à sa postérité. Le succès de ce combat singulier parut aux Gaulois de si mauvais augure pour

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