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la suite de la guerre, qu'ils abandonnèrent leur camp de nuit, et se retirèrent avec précipitation.

An de Rome 404. Quelques années après, une nouvelle armée de Gaulois se répandit sur les terres des Romains. L. Furius Camillus, consul, fils du dictateur, marcha contre eux; M. Valérius eut le même avantage que Manlius sur un autre Gaulois, que ce Romain vainquit dans un combat singulier. Ôn prétend qu'un corbeau, s'étant perché sur son casque pendant le combat, contribua du bec et des ongles à la défaite de son ennemi; ce qui fit donner à Valérius le nom de Corvus, et à ses descendans celui de Corvinus. Mais sans s'arrêter à ce qu'il y a de merveilleux dans cet événement, il suffit de remarquer que dans cette seconde guerre un combat général suivit le particulier, et qu'il eut le même succès. Les Gaulois furent défaits; et ceux qui échappèrent de cette bataille s'éloignérent du territoire de Rome, et furent quelque temps sans y revenir.

An de Rome 405. Ce n'étoit pas la seule nation jalouse de la puissance et des conquêtes des Romains. Tous ces petits peuples, qui sous différens noms habitoient le Latium et la Toscane, leur faisoient une guerre presque continuelle. Les Samnites se déclarèrent depuis contre eux, et les Romains n'auroient jamais subjugué les uns et les autres, s'ils n'avoient su jeter de la division parmi eux. Mais pour retenir dans leur parti les peuples les plus voisins de Rome, ils les flattoient du titre d'alliés du peuple romain; et quand ils s'étoient rendus maîtres descontrées les plus éloignées, ceux qui s'étoient laissé endormir sous ce titre d'alliés, se trouvoient enveloppés dans leurs conquêtes; et pour lors, quoiqu'on leur conservât cette qualité, on les traitoit comme des sujets. Ils n'eussent osé prendre les armes sans le consentement du sénat ; et ils étoient obligés de fournir leur contingent de troupes pour aider les Romains à étendre leur empire et leur domination.

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Telle étoit la conduite de ces habiles politiques; on peut voir, dans les progrès de leurs armes, fruit d'un système d'ambition très-bien lié ; et ce qu'il y a de singulier, c'est que ces défenseurs éternels de la liberté, étoient eux-mêmes les oppresseurs du droit naturel, et les tyrans de toute l'Italie. Les Herniques, qui avoient été près d'un siècle dans leur dépendance, entreprirent les premiers de s'en tirer. Tous, jusques aux vieillards, prirent les armes pour recouvrer leur liberté. On envoya d'abord contre eux Génutius, consul plébéien; ce fut le premier de cet ordre qui eut le commandement des armées. Les patriciens et les plébéiens, par différens motifs, attendoient avec inquiétude quel seroit le succès de cette guerre. Génutius tomba dans une embuscade où il fut tué, et la plupart de ses troupes furent taillées en pièces.

Les patriciens, profitant de cette disgrâce du consul plébéien pour mortifier les tribuns et diminuer leur crédit, reprochoient au peuple que les Dieux avoient enfin vengé hautement les auspices profanes, et puni un homme qui, se prévalant d'une loi si injuste, avoit osé s'approprier les auspices, comme auroit pu faire un patricien.

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An de Rome 409. Le peuple et ses tribuns, confus et consternés ne répliquoient rien : il fallut dans cette infortune, avoir recours à un dictateur. La noblesse fit nommer Appius Claudius, petit-fils du décemvir, celui de tous les patriciens qui étoit le plus jaloux du privilége de sa naissance et des prérogatives de son ordre. Il leva aussitôt une nouvelle armée, marcha aux ennemis; et, après un combat sanglant et opiniâtre, il remporta une glorieuse victoire. Je ne parle point de différens petits combats qui e donnèrent depuis contre les Privernates, les Falisques, les Tarquiniens et les Véliterniens. Tous ces peuples faisoient moins la guerre contre les Romains que des courses sur leurs terres. S'ils étoient battus, ou ils demandoient la

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paix, ou ils se renfermoient dans leurs villes, sans oser reparoître en campagne. Les Toscans prirent depuis leur place, et parurent en ce temps-là sur la scène. C'étoit, comme nous avons dit, une ligue et une communauté de douze peuples, ou de douze petits états, dont la puissance ne laissoit pas d'être redoutable quand leurs forces étoient unies. Cette guerre parut assez importante pour en remettre la conduite à un dictateur; et malgré tous les efforts du sénat et des patriciens, C. Martius Rutilius quoique plébéien, fut nommé pour remplir cette dignité; il choisit pour général de la cavalerie un autre plébéïen appelé C. Plautius.

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Le sénat, qui n'avoit pu empêcher l'élection d'un dictateur plébéïen, n'oublia rien pour traverser son armement, et pour le mettre hors d'état d'acquérir de la gloire. Le peuple, par un motif opposé, courut à l'envi se ranger sous ses étendards: il eut bientôt une puissante armée; et comme il étoit soldat et capitaine, il défit les Toscans, tailla en pièces leur armée, fit huit mille prisonniers; et à son retour il obtint, malgré le sénat, les honneurs du triomphe. C'est ainsi que le peuple entra insensiblement en partage avec la noblesse, de tous les honneurs et de toutes les dignités de la république. Il étoit déjà en possession de l'édilité curule, quoique les historiens ne marquent point le nom des deux premiers plébéiens qui en furent revêtus. Philon autre plébéien, parvint quelque temps après à la préture, et le même Martius dont nous venons de parler, s'éleva par son courage et sa vertu jusques à la dignité de censeur. Depuis ce temps-là, quoique la distinction entre les patriciens et les plébéïens subsistât toujours, c'étoit moins la naissance que les dignités curules qui décidoient de la noblesse, et nous verrons, dans la suite, des plébéïens considérés entre les premiers et les plus nobles de la république, parce qu'ils sortoient d'ancêtres qui avoient été revêtus de ces dignités curules.

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An de Rome 410. Les Romains, après avoir triomphé des Sabins, des Toscans, des Latins, des Herniques des Eques, des Volsques, et de tous ces petits peuples voisins de Rome, tournèrent leurs armes contre les Samnites, qui habitoient le pays qu'on appelle aujourd'hui l'Abruzze, nation féroce et guerrière, et qui ne le cédoit aux Romains ni en courage, ni en discipline militaire, et qui avoit comme Rome, des sujets et des alliés attachés à sa fortune.

Entre deux puissances égales et voisines, inutile de chercher d'autre motif de la guerre que la concurrence et une jalousie réciproque. Ainsi le sujet, ou pour mieux dire, le prétexte de celle-ci, vint de ce que les Samnites entreprirent de subjuguer les Sidicins et ceux de Capoue; et que les Romains, qui ne vouloient pas les Samnites si puissans, s'opposèrent à leurs conquêtes.

La guerre avoit commencé par les Sidicins, petit état dont les Samnites voulurent se rendre les maîtres. Les Sidicins eurent recours à ceux de Capoue, qui prirent leur défense avec plus d'ostentation que de forces. Les citoyens de Capoue possédoient à la vérité un pays très-fertile, et le commerce augmentoit encore tous les jours leurs richesses; mais ces richesses des particuliers faisoient la foiblesse de l'état. Les maisons étoient magnifiques, et la ville sans fortifications. Le luxe régnoit partout; et le marchand, fier de son argent, prenoit sa

vanité pour du courage et méprisoit des ennemis qui n'étoient pas aussi riches que lui.

Cette présomption et le mépris toujours prudent des forces des ennemis, causèrent leurs disgrâces. Les Samnites, qui envisageofent plus de gloire et de profit à les vaincre que les Sidicins, tournèrent leurs armes contre eux. On en vint bientôt aux mains. Ceux de Capoue furent défaits dans deux grandes batailles, où ils perdirent toute leur jeunesse; et les victorieux, que rien ne pouvoit plus

arrêter, s'approchérent d'une ville qui n'avoit pour défense que de foibles murailles et des habitans consternés.

Les magistrats dans cette infortune, eurent recours à Rome. Ils envoyèrent une célèbre ambassade pour demander l'alliance et le secours des Romains. Leurs ambassadeurs représentèrent au sénat tous les motifs, soit de gloire ou d'intérêt, qui pouvoient engager la république à prendre leur défense, l'extrémité où ils étoient réduits, et la puissance de leurs ennemis, qui augmentoit encore considérablement par la conquête d'une ville aussi riche que Capoue. Tel est, ajoutèrent ces ambassadeurs le malheur de notre condition présente, qu'il faut, ou que nous soyons incessamment secourus par nos amis, ou que nous tombions sous la puissance de nos ennemis. Si vous nous défendez, vous acquerrez des alliés qui vous regarderont éternellement comme les restaurateurs de leurs états et comme les seconds fondateurs de notre ville. Si vous nous abandonnez✨, Capoue n'est plus, ou du moins elle devient sujette à des Samnites. >>

Le sénat n'ignoroit rien de toutes ces considérations; mais comme il prétendoit tirer du secours de ses armes un avantage plus solide et plus réel qu'un vain titre et des louanges stériles, on répondit simplement à ces envoyés par la bouche du consul, que l'état présent de leur fortune paroissoit digne de compassion, et que les Romains souhaiteroient de les pouvoir secourir avec bienséance; mais que la république avoit une ancienne alliance avec les Samnites qui ne lui permettoit pas d'en faire une nouvelle avec leurs ennemis : cependant que le sénat ne laisseroit pas d'envoyer au camp des Samnites des députés qui interviendroient en leur faveur, et qui tâcheroient de leur ménager un traité de paix à des conditions supportables.

Le chef de l'ambassade, qui en avoit le secret, sentit bien qu'il falloit qu'il fit des propositions plus

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